Unsane se forme en 1988 avec la rencontre au lycée de Chris Spencer (guitare, chant), Peter Shore (basse, chant) et Charles Ondras (batterie). Les concerts commencent et dès 1989 une démo est enregistrée ; deux des titres issus de cet enregistrement ("This town" et "Urge to kill") constitueront la première sortie officielle du groupe via le label indépendant de Minnéapolis Treehouse records. A l'origine, d'autres titres devaient se rajouter à ces deux chansons pour une sortie d'un premier album (Improved Munitions) sur Circuit records mais le projet tomba à l'eau pour se sombres raisons.
Le groupe consacre ensuite son temps à tourner aux Etats-Unis et à sortir différents singles pour Glitterhouse, Sub Pop ou PCP afin de préparer le terrain avant la sortie en 1991 de leur premier album éponyme sur Matador records.
Pendant 1992, le groupe tourne et enregistre sans cesse avant que le décès brutal de leur batteur Charles Ondras ne les stoppe. Les autres membres trouvent, après de nombreuses auditions, son remplaçant en la personne de Vinny Signorelli, un ex-membre des Swans et de Ftus. Il intégre le groupe juste pour commencer la composition du deuxième album d'Unsane. Pendant ce temps de transition, Matador en profite pour sortir une compilation de toutes les précédentes sorties du groupe, déjà bien souvent épuisées (Singles 1989-1992).
En 1993, le groupe consacre donc son temps libre à composer Total Destruction toujours sur Matador et cet album consacre d'avantage le style singulier de Unsane. Pour cet album, dont la sortie est effective en 1994, le groupe choisit pour la promotion (en dépit de nombreux conseils) d'illustrer avec un clip la chanson "Boby bomb"; ce clip est on ne peut plus explicite et se voit censuré par de nombreux médias. Suit une tournée avec Entombed et une nouvelle sortie concernant le groupe se prépare chez Matador pour 1994 : la compilation Peel Sessions regroupant des chansons jouées sur la radio de John Peel entre 1991 et 1992.
En 1995, le groupe signe sur le gros label indépendant Amphetamine Reptile et enregistre à cette occasion et en trois sessions Scattered, Smothered and Covered contenant la chanson "Scrape" qui sera illustrée à son tour par le fameux clip compilant de solides gamelles en skate pour 200 dollars ! La chanson restera neuf semaines en rotation sur MTV. Le groupe tourne alors un an, puis enchaîne une autre tournée pour la magazine Trasher et fait enfin la première partie de Slayer pour une tournée américaine.
En 1998, le groupe signe chez Relapse pour la sortie de leur quatrième album Occupational Hazard qui positionne définitivement Unsane comme un des leaders du mouvement hardcore/noise. Suite à trois années intenses de tournée pour défendre cette dernière livraison, le groupe décide de s'accorder une pause et se sépare en 2001. Les membres en profitent pour s'occuper de projets divers (The Cutthroats 9 pour Chris Spencer).
En 2003, les musiciens se retrouvent. Relapse décide de sortir Lambhouse, sorte de best of du groupe compilant des titres audios, live, tous les clips et un concert filmé au CBGB's en intégralité.
Et pour 2005, la sortie d'un cinquième album (Blood Run) est enfin imminente
Enfin! Enfin, car après presque 7 ans de silence, le groupe hardcore noise culte Unsane revient nous donner des nouvelles inédites avec leur nouvel opus Blood Run, après un séduisant Lambhouse et un si lointain Occupational Hazard ; 7 ans de pause motivés par un trop plein de concert et par des activités annexes salvatrices pour les membres du trio new-yorkais (The Cutthroat 9 pour Chris Spencer, tournées pour Foetus et Lydia Lunch pour Vinny Signorelli). 2005, c'est donc le ralliement à la Grosse Pomme pour faire à nouveau parler la poudre. Ou plutôt devrions nous dire faire à nouveau couler le sang !
Effectivement, ce qui saute aux yeux, c'est le visuel encore plus explicite qu'à l'accoutumée
Déjà habitué à l'utilisation de l'hémoglobine pour illustrer ses différents efforts, le groupe pousse ici d'avantage le délire car la métaphore semble bouger sous nos yeux au gré des pages du livret ! Personnes sensibles s'abstenir !
Mais revenons plutôt à ce qui nous intéresse le plus, la musique. Alors que nous réserve Unsane aujourd'hui ? Quelles sont les conséquences du poids des années pour le groupe ? Et bien levons le voile directement, le groupe a alourdit le son et légèrement ralentit le tempo : voici l'impression générale ressortant de l'album.
Ainsi, dés les premières notes entonnées sur «Backslide», on sent une petite pincée de langueur plus marquée qu'auparavant comme si chaque claque de rythmique se mélangeait à une caresse virile dans le même temps. Comme si on traînait dans les sous-sols de New-York, perdu dans un mélange de crasse et de folie, à l'instar de ce sample de métro à la fin de «Backslide», qui semble vouloir nous renseigner sur le cadre de l'action de ce nouvel opus. Unsane ne s'est donc pas adoucit mais étend tout simplement un peu plus ses riffs, pour tout autant de tension. On retrouve donc cette ambiance plus posée pour «Got it down», ou pour «Hammered out» gérant calmement son humeur atmosphérique et apportant un charme supplémentaire au groupe.
Tout le plaisir coulant de cette ambiance étouffante typique au groupe reste intacte ; d'ailleurs, dans cette version 2005 d'Unsane, la voix se fond encore plus dans la musique, peut-être pour accentuer encore d'avantage la folie urbaine en laissant au chaos plus de place? Cela n'empêche pas Chris Spencer de nous gratifier de bons chants en supplément de ses toujours imposants riffs de guitare, tout en tension, torsion et distorsion («Killing Time», «Make them prey»).
On retrouve tout de même quelques morceaux plus rythmés, comme on pouvait d'avantage trouver sur Occupational Hazard, tels «Release» ou «D train» maintenant le cap de l'agressivité sonore d'Unsane ; ensuite, les perles de Blood Run arrivent avec tout d'abord «Anything» et son intro batterie très Signorelli ouvrant pour un implacable riff de guitare, c'est toujours aussi fort. Puis «Recovery», portée par une guitare saturée attentiste, avant qu'elle ne se transforme en un nouveau gimmick de feu, et qui fait encore une fois la différence.
On trouve alors l'album encore plus plaisant et ce Blood Run m'amène à me poser une question : et si Unsane, dans son futur proche, intégrait d'avantage de blues à sa musique ? Ce serait une évolution logique, intéressante et surtout très plausible pour le talentueux trio. En attendant ça, les klaxons fusent sur la lourde basse de «Latch», puis «Dead weight», avec tout son poids et après une longue résistance, rend son dernier souffle sur un quai de métro, qui pourrait tout aussi bien être celui de Paris
Avec Blood Run, Unsane parle encore un langage commun et reste tout autant incisif malgré les années et les modes. Bravo!
Unsane, c'est avant tout un travail basé sur la passion et exécuté par de purs passionnés. Un groupe capable d'aligner 360 concerts à l'année, tous continents confondus. Un groupe désormais seul rescapé d'une scène hardcore/noise new-yorkaise des 90's et qui se permet encore d'étonner à chacun de ses nouveaux accords. Il y a tellement de talent dans ce groupe, et pourtant seulement concentré entre trois musiciens ; Unsane, c'est (depuis Scattered, Smothered and Covered) une guitare sale maltraitée par Chris Spencer, une basse omniprésente et hypnotique élevée par Dave Curran et, enfin, une batterie tribale martelée en finesse par Vinny Signorelli. A chaque fois, l'amalgame entre eux fait mouche. Et Occupational Hazard leur donne encore raison.
Dernière livraison du groupe culte de New-York donc, avant une petite pause salvatrice méritée, Occupational Hazard est un album dans la lignée des précédents enregistrements d'Unsane, direct et glauque, sans que l'on percoive une once de lassitude chez les musiciens. Occupational Hazard est donc le quatrième album (sans compter les nombreux singles, compilations et splits divers) d'une carrière commencée en 1988, mais le son et l'énergie si caractéristique du groupe sont toujours flamboyants. La passion est bien intacte.
Ouverture du bal urbain avec "Commited" et, de suite, le son inimitable de la guitare, tendue et aigue, aux notes toutes pointues. Chris Spencer tire physiquement sur sa guitare comme personne d'autre ("Take in the Stray", "Lead") et impose son jeu personnel. Mais même lorsqu'elles se déchaînent dans la saturation, les six cordes paraissent légères en comparaison du déferlement de lourdeur orchestrée par la vrombissante basse. C'est un véritable bloc. Pour autant, cette dernière groove continuellement ("Wait to Lose") et c'est sur ce point qu'Unsane séduit. Le trio new-yorkais produit une musique parfaitement collée à l'image de leur environnement urbain : c'est dur, sale, irrespirable ("This Plan", "Smells Like Rain", "Lead") mais l'humanité reste toujours présente. Et ce détail transpire encore plus dans la conduite de batterie pour laquelle Vinny Signorelli privilégie l'utilisation des toms ("Over Me", "Hazmat"), lui donnant une couleur primaire et donc fondamentalement humaine. Si leurs ex-contemporains d'Helmet s'adonnaient aussi à cette forme de hardcore bruitiste, il leur manquait ce point essentiel. Et si un groupe comme Will Haven revêtait, par sa musique, une ambiance religieuse, Unsane s'inspire plutôt de l'influence qu'exerce la ville sur l'homme.
En ce sens, la septième chanson de l'album, "Sick", est on ne peut plus probatoire. Le riff de guitare vous tord les boyaux pendant que le chant éternellement saturé de Chris Spencer (autre marque de fabrique récurrente du groupe) crache le trop plein d'adrénaline : « I'm sick in my head, I fall outta bed. I'm telling you, it's what you said. It's killing you, It's in your head ». Et si Unsane n'a rien de morbide, il ne ment pas en tout cas vis-à-vis des images qu'il utilise pour chacune de ses pochettes ; c'est toujours sanglant visuellement et cinglant musicalement, comme pour exacerber le sentiment de mal-être. Digne d'une B.O de "Seven" et de "Blade Runner".
Unsane ne rejette pas la force attractive d'une grande mégalopole. Comme tout citadin, les musiciens aiment l'influence de la ville sur leurs sensations. Ils croient en ce qu'ils font et on le ressent à l'écoute d' Occupational Hazard. Et si la recette reste à peu prés la même depuis leurs débuts, Unsane trouve dans ce moule 1000 raisons de se renouveler. Chaque chanson ressort différente de la précédente. On remarque la mélodie de "Humidifier" ou bien le rythme de "Scam" qui ne tardent pas à nous achever.
Et d'ailleurs, Unsane clôt son album par la chaotique "Understand", sans doute la plus lanscinante d'Occupationnal Hazard mais d'autant plus intense. Jusqu'à l'explosion de chaos qui précéde un silence nous tirant de notre hypnose. Et voilà le dernier tour de force du groupe : faire du silence un élèment dérangeant.