La seule évocation du mot « metalcore » suffit à provoquer une sévère crise d’urticaire à votre serviteur, cependant, seul
Heaven Shall Burn y a toujours fait exception. Depuis la publication de «
Antigone »,
Heaven Shall Burn n’a cessé de repousser ses limites en termes de brutalité, tant au niveau du chant que de la musique, tout en conservant un côté mélodique poussé dont «
Veto », sorti en 2013, fit la synthèse parfaite des qualités de la formation. Fort du succès de cet opus, le combo tente de pérenniser sa popularité, qui est à son paroxysme outre-Rhin, avec la sortie de «
Wanderer », toujours produit par Tue Madsen et toujours chez
Century Media.
En préambule, il est important de signaler que le membre fondateur, Matthias Voigt, a quitté son poste de marteleur en chef, remplacé par Christian Bass. L’artwork, une magnifique photo de Christian Thiele, peut laisser augurer d’un éventuel changement d’orientation musicale qui lorgnerait plus vers quelque chose d’atmosphérique, d’aérien et d’apaisé, aux antipodes de la musique développée jusque-là par les germaniques.
« The
Loss Of
Fury », le morceau introductif, se charge de remettre les pendules à l’heure,
Heaven Shall Burn n’a aucunement retourné sa veste et compte bien molester durement son auditoire, « Bring The
War Home » enfonce le clou. Les teutons poursuivent sur le sillon creusé par son prédécesseur, en reprenant la même recette, avec les mêmes ingrédients, la brutalité flirtant avec le « death » (« They Shall Not Pass », «
Prey To
God » ou « Bring The
War Home), atout essentiel de la formation, occultant totalement le chant clair (à l’inverse de la grande majorité de ses comparses du style), qui lui évite ainsi l’écueil de la mièvrerie, auxquels, il faut y ajouter un grand sens de la mélodie (Passage Of The Crane » ou « A River Of Crimson »). Les préceptes du parfait
Heaven Shall Burn sont respectés à la lettre.
Une fois n’est pas coutume, les Allemands se fendent de l’habituelle cover, domaine dans lequel ils excellent, «
Valhalla », reprise dopée aux amphétamines du morceau de
Blind Guardian, présent sur «
Veto », en est le parfait exemple. Sur «
Wanderer », le groupe décide de s’attaquer au doomesque « The
Cry Of Mankind » des Anglais de
My Dying Bride et c’est une réussite totale. En y ajoutant sa personnalité et avec l’aide de Aðalbjörn Tryggvason de Sólstafir,
Heaven Shall Burn fait de ce morceau le bijou de «
Wanderer ». A la fois puissant, mélodique et sombre, ce titre sort complètement du lot...
...et c’est bien là le problème. Nul doute que
Heaven Shall Burn a joué la sécurité, mais, force est de constater que «
Wanderer » ne se hisse pas à la hauteur de son prédécesseur. En premier lieu, cet opus est assez inégal, le meilleur y côtoyant le moins bon. La première moitié de l’album est très intéressante et comprend quelques brûlots comme le féroce « They Shall Not Pass », « Bring The
War Home », « Downshifter » ou «
Prey to
God » sur laquelle George « Corpsegrinder » Fisher de
Cannibal Corpse vient pousser la chansonnette, apportant une touche de gras bienvenue à la composition. En évoquant les invités, il est à noter que Nick Hipa de
As I Lay Dying apparaît sur «
Save Me » et Franck
Blackfire (ex-
Kreator, ex-Sodom) sur la reprise de Sodom, « Agent Orange » (non évoqué plus haut, car pas disponible sur le format fourni par le label). La seconde partie de «
Wanderer » est malheureusement bien plus générique et quelconque avec notamment la doublette « Corium/Extermination Order » qui ne parvient pas à décoller, ou « A River Of Crimson » qui traîne en longueur malgré une ligne mélodique efficace, sans compter « My
Heart Is Compass », un interlude totalement inutile. De plus, la plutôt longue durée du disque (environ une heure) n’aide pas et entraîne une lassitude certaine.
Il est vrai que je n’ai jamais été un grand adepte des mixages de Tue Madsen dont le son, toujours très compressé, manque, à mon sens, de profondeur, de rondeur et de relief, même si j’étais le premier à louer les progrès faits en ce sens sur «
Veto ». Sur «
Wanderer », le Danois est retombé dans ses travers avec une mise en son encore plus compressée qu’à l’accoutumée, lissant indéniablement l’ensemble. Il est vrai que cette « rugosité » sonore rehausse le niveau d’agressivité mais amenuise la puissance qui pourrait en émaner de la musique développée par
Heaven Shall Burn.
Au final, c’est une impression mitigée que laisse «
Wanderer », mais également une certaine frustration car il est indéniable que les Allemands sont capables de beaucoup mieux. Cet album ravira assurément les aficionados du groupe et ne représentera qu’un opus de plus dans la discographie de
Heaven Shall Burn pour les autres. Afin de franchir à nouveau un palier, il serait peut-être bon de songer à changer l’équipe de production.
D'accord avec toi, très frustrant cette album. Une grosse impression de réchauffer, que le groupe va un peu nulle part sur ce disque. Ca s'écoute quand même, c'est loin d’etre mauvais mais c'est décevant quand tu regardes de quoi ils ont été capable sur Deaf To Our Prayers, Iconoclast ou Veto..
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