Le noir et blanc est la meilleure façon de mettre en valeur la noirceur, en cela, la pochette très glauque de "
Void of an Era" met dans de bonnes dispositions le dépressif qui sommeille en nous. Le groupe est un projet issu de combos français de la bouillante scène de Besançon : Horskh et les anciens Asidefromaday, dont les membres se connaissaient depuis plusieurs années. Chez Alta Rossa, si les mecs semblent plutôt bons vivants, la musique est un moyen d'exprimer les émotions les plus sombres : déception, douleur, colère, qui semblent ne jamais devoir s'arrêter.
Malgré les confinements, les cinq musiciens sont parvenus à monter leurs compositions, souvent initiées par le guitariste Jordan, et travaillées et structurées en répétition. Les textes sont écrits à trois, avec des thèmes autour de sentiments négatifs issus de la vie en général, et de la façon dont le monde évolue. Leur premier disque est sorti le 18 Fevrier 2022 sur le label Source Atone Records, qui enchaîne décidément les sorties de qualité.
Alta Rossa est plus proche du style post metal sludgy d'Asidefromaday que de l'indus cybernétique de Horskh, mais c'est en tout cas brutal et sombre, et n'est pas sans me rappeler les excellents suisses de
Kruger dans leur meilleure période, et les
Mastodon ou
Neurosis des débuts ("The
Fall"). Aussi il y a une certaine complexité rythmique ; des plans heurtés presque mathcore peuvent vous casser les lombaires avec une froide efficacité (le break de "The Stardrainer").
J'ai été d'emblée impressionné par la puissance de feu délivrée par la musique d'Alta Rossa, qui n'a rien à envier aux ténors du sludge. Ainsi la production de l'album, enregistré au Disvlar Studio par Steph Lawansch (
Blockheads,
Whoresnation,
Abyssal Ascendant, etc…) est parfaite. Même si leur musique peut sembler emprunte d'une certaine sophistication dans la forme, le rendu est très représentatif de la puissance brute qu'ils délivrent en concert.
La batterie se révèle puissante, avec un groove violent perclus de soubresauts de double grosse caisse. Les parties de Mathieu Martinazzo sont relevées, denses. Le rythme peut se faire écrasant, presque indus ("
Cycle"), des toms tribaux viennent aussi renforcer l'ambiance sombre ("The
Fall"). Il faut attendre la fin de l'opus avec l'éponyme "
Void of an Era" pour que le groupe ralentisse vraiment et prenne le temps de laisser couler un désespoir aux dissonances industrielles, et aussi laisser exploser enfin une accélération aplatissante.
Les guitares de Jordan Daverio et Thomas Dubois sont faites de riffs massifs, souvent survolées par des mélodies tournoyantes qui harcèlent l'auditeur dans une nuée de réverb. La basse grondante de David Demesmay se fait parfois entendre seule ("Orbiting"), prenant le lead, mais elle pilonne la plupart du temps en support des rythmiques.
Le chant meshugguesque d'Antoine Lauzel ne laisse aucune place à la frivolité, avec un scream growlé maîtrisé qui prend toute la place qu'il mérite.
Ce projet n'a donc rien d'une récréation, et en sept titres pour trente minutes, le groupe bisontin a su mettre en forme un univers oppressant, chaotique, empli d'électricité. On est finalement pas loin du niveau de qualité que proposent des formations récentes come Dvne ou
Barishi, et vu ce que donne son premier jet prometteur, c'est assurément un groupe à suivre de près…
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire