Il est un secret bien caché des mélomanes avertis, un territoire du prog perdu entre rock et métal, revisitant 60's, 70's, et 90's, entre les Beatles,
Led Zeppelin et Yes :
King's X. Un secret tellement bien caché, qu'il s'est longtemps égaré lui-même. C'est aussi une influence, mineure mais bien présente, pour beaucoup de groupes de prog, mais aussi de grunge ou de néo (
Alice In Chains,
Taproot, par exemple).
Il y a aussi une chose qui caractérise
King's X, c'est un optimisme vivifiant qui ne les a pas quittés malgré quarante années de carrière. Aussi la spiritualité prend une place importante dans leurs textes, dans le chant et les chœurs où plane l'esprit du gospel, bien qu'ils se défendent d'être un groupe chrétien.
En ce qui me concerne, j'avais envie d'aimer ce groupe atypique et attachant, mais chaque album était pour moi un rendez-vous manqué, où ils me semblaient éternellement le cul entre deux chaises : je n'avais pas trouvé la foi.
Né en 1979 dans le
Missouri, sous le nom de The Edge (rien à voir avec le célèbre guitariste de U2), le groupe a débuté en faisant du classic rock et des reprises, sous la forme d'un quatuor la première année, avant de se stabiliser en trio avec
Ty Tabor (guitare, chœurs), Doug Pinnick (basse, chant), Jerry Gaskill (batterie, chœurs). En 1985, ils ont déménagé à
Houston (
Texas), trouvé un producteur et manager en la personne de Sam Taylor, changé de nom pour
King's X, avant de signer sur Megaforce Records (
Testament,
Anthrax,
Overkill,…).
Si leur premier album "
Out Of The Silent Planet" n'a eu qu'un succès critique, c'est avec "
Gretchen Goes To Nebraska" en 1989 et "
Faith Hope Love" en 1990 que
King's X a marqué les esprits, avec un mélange de prog, de funk rock et de hard, dominé par des chœurs entre Beatles et Queen.
Promu sur une major avec
Atlantic Records, le groupe sortit ensuite trois albums studio dont l'éponyme "
King's X" en 1992, puis leur album le plus metal et sombre à ce jour :"
Dogman" (
1994). Après s'être séparé de leur producteur et sorti le LP "
Ear Candy", le combo changea de label pour
Metal Blade, et migra ensuite chez
Inside Out Music (
Dream Theater,
Devin Townsend,
Haken). La suite de leur carrière a produit des albums en demi-teinte, jusqu'à "XV", sorti en 2008. Pour ne rien arranger, le sort a fait des siennes envers le batteur Jerry Gaskill, qui a subi plusieurs attaques cardiaques, de lourdes opérations, et pour le fun
King's X a tergiversé en voulant changer de label, ...avant de re-signer chez
Inside Out Music.
Cela faisait donc une dizaine d'années que leur dernier LP était sorti, et les musiciens ne savaient pas s'ils reviendraient en studio un jour. Mais comme pour beaucoup, les choses se sont enclenchées à la "faveur" des confinements, chacun amenant ses idées de chansons et l'idée saugrenue d'un nouvel album s'est imposée. Seule différence dans le processus de création, ils ont choisi d'inclure la préproduction dans l'enregistrement, travaillant les chansons en studio pour être prêts à capter chaque étincelle qui surgirait.
Pour être franc, je n'attendais rien de "
Three Sides of One", mais le premier single et opener "Let It
Rain" m'avait ensorcelé, avec cette voix imprécatrice emplie de soul, enjoleuse, menaçante par moments. Et ces guitares, plutôt crunch, mais lourdes comme un orage d'août...
Et à la découverte de chaque titre, c'est une renaissance qui se dessine. Comme si nos texans s'étaient réveillés d'un long coma musical, touchés par on ne sait quelle muse divine . Il y a une vibe de fun et d'entrain qui donne envie de taper du pied pour rentrer dans sa journée. Même lorsqu'il est plus léger,
King's X semble en mission.
Il y a un côté intemporel, sur cet opus, entre le soul des sixties, la patine sonore plutôt seventies, l'entrain de la pop rock eighties, le désespoir du grunge nineties, et des fulgurances plus modernes. L'album prend son temps, chaque chanson à son rythme, d'ailleurs en anglais dans le texte ("Take the Time") où le timbre de Doug se voile d'accents à la Bowie et de violons zeppeliniens. Parfois langoureux, parfois lapidaire et d'une simplicité pop innocente qui ramène au temps des Beatles, son chant a pris une diversité et une profondeur qu'on ne lui connaissait pas.
Ils parviennent à avoir dans une même chanson une convergence avec
Steven Wilson et David Bowie,
Soundgarden et Tom Petty,
Sevendust et Oasis. Blues, gospel et pop se mélangent comme un miel à l'arrière goût amer, et permettent aux vocaux de s'épanouir avec les chœurs.
Juste au moment où on se dit que finalement c'est plutôt du rock,
King's X envoie du riff lourd et groovy, façon néo, limite djent. Il n'en finit pas moins dans des limbes stratosphériques avec ses chœurs, on ne se refait pas. Lorsqu'il accélère le rythme, il ressemble à un hybride entre
Quicksand et At The
Drive In ("Festival"). Les contrastes sont parfois extrêmes, entre des couplets mélancoliques et survolés de chœurs féminins, et un gros riff implacable ("Flood Pt.1"}.
La clôture de l'opus se fait sur le court "Every Everywhere", qui semble s'éclipser en s'excusant ; pour ceux qui voulaient un bouquet final en apothéose, il faudra revenir, mais on leur pardonne !
Pas d'esbroufe, dans l'attitude comme dans le son. La production est très naturelle et fait sonner
King's X comme une entité vivante. Et pour cause, tout à été fait en analogique, et on retrouve ce feeling d'album du fin fond du vingtième siècle. Le son de basse est énorme, chaud et gourmand, en première ligne parfois ("Give It Up"). La guitare de
Ty Tabor, qui peut sembler en retrait dans les compositions, revient au premier plan, sur un refrain, un break, ou un solo (celui magnifique de "
Nothing But the Truth" par exemple transcende cette chanson). Les soli ne sont pas très nombreux, mais virtuoses et superbes ("Festival", ou "
Nothing But the Truth").
A les entendre un peu empruntés sur leurs derniers albums, jamais je n'aurais cru qu'ils puissent retrouver leur âme à ce point là. Cet album est soul jusqu'à l'os, irradie de l'âme de chacun de ses musiciens. Je trouve
King's X plus inscrit dans son temps maintenant qu'à ses débuts, même par rapport à "
Gretchen Goes To Nebraska ".
Beaucoup trouveront
King'x trop rock, inclassable, trop classique, ou décalé, mais il pourrait bien convertir quelques réfractaires. Il n'y a que les cons qui ne changent pas d'avis, et en l'occurrence je me sens tout d'un coup vachement intelligent.
Tu m'a donné envi de me pencher sur ce King's X. Belle chronique.
Goneo : Merci pour eux, c'est un super album, même les titres très pop passent bien. Après il y en a qui ne vont pas aimer..
Je n'avais jamais pris le temps d'écouter King's X (pourtant, j'en ai eu l'occasion à de nombreuses reprises...). J'ai donc commencé avec cet album : une très belle surprise aux influences multiples, ce qui n'est pas pour me déplaire.
Belle chronique exhaustive qui retranscrit bien l'album !
Merci pour la chro! Un magnifique "retour en grace" pour un groupe que j'aime beaucoup depuis ses débuts.
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