Le fléau d'une ère avenir,
Le sang chaud d'un guerrier en devenir,
La tristesse d'un frère blessé et trahi,
Le vent glacial qui s'introduit,
Dans les veines d'une forêt sombre,
D'un homme au milieu des décombres,
October Falls avait déjà trois albums à son actif lorsque sort ce
The Plague of a Coming Age: l'acoustique
Marras et les black A Womb of
Primordial Nature ainsi que
A Collapse of Faith. C'est un groupe pour qui la musique importe plus que l'apparence : les chansons n'ont pas de nom, les pochettes ne sont pas forcément attractives, toujours des photos de forêts, parfois -très- belles, parfois discutables. Pour ce nouvel album les choses changent, un peu.
Situons
October Falls : certains le classent dans le Black Folklorique mais il n'y a ni assez de chant clair et/ou incantatoire/pagan pour être proche d'
Arkona ou de
Borknagar. Ni de chansons emplies de cette joie typiquement folk qui nous donne l'impression d'être dans un bar à lever une jambe puis l'autre. Chansons que l'on retrouve chez
Finntroll, chef de file du style. Pour le rapprocher d'un autre groupe de Black Folklorique ayant même épaisseur et noirceur il faudra chercher du côté de nos compatriotes de
Primordial (par exemple «
Gallows Hymn » dans To the Nameless
Dead). On pourrait plutôt le rapprocher d'un groupe de Post-Hardcore comme
Lessen pour l'atmosphère sombre et pesante de journée pluvieuse que l'on retrouve chez les deux (
October Falls et
Lessen). Mais cette comparaison n'est pas pertinente pour n'importe quel groupe de Post-hardcore (aucun rapport avec
A Day To Remember par exemple). Et puis si
Lessen est à même de faire headbanguer une salle de métalleux sans problème, ce n'est pas vraiment le cas d'
October Falls pour lequel la musique s'écoute sur une chaîne, depuis un canapé ou un lit et le livret à la main (Ou alors en marchant dehors sans manteau un jour sombre de pluie avec votre casque, à vous de voir). En fait le groupe se classerait mieux dans le
Dark Metal.
Pas un
Dark à la
Celtic Frost. Mais plutôt le
Dark d'
Agalloch qui constitue sans doute le rapprochement le plus pertinent. Pourquoi cataloguer
October Falls de le Black Folklorique en ce cas ? Parce que
Marras lui rentre dans ce moule, puisqu'il possède un aspect folk, notamment grâce à l'utilisation de la flûte, et de l'importance apportée aux arbres, à la forêt (pochettes, paroles...). L'aspect black venant, lui, des albums qui ont suivis. Un peu comme
Linkin Park que l'on classe dans le Néo-metal pour
Hybrid Theory et Meteora mais sûrement pas pour Minutes to Midnight.
Mais revenons à
The Plague of a Coming Age. Sa pochette réalisée par Santiago Caruso connu pour son style torturé, noir et parfois choquant s'apparente à une fresque qui s'étend de la face avant à la face arrière en passant par la tranche. Fresque que l'on retrouve en tout ou partie à l'intérieur de la boîte cartonnée et dans un livret simple ; soigné, mais qui contient toutes les paroles. Celles-ci sont écrites en marron, et les titres, en gris un choix atypique, peut être pour signifier que l'on vient de la terre et qu'on y retournera en temps que poussière. « C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière. » Genèse 3:19. Une référence au péché originel auquel « The Weight of the
Fallen » avant-dernier titre de l'album, semble bien faire allusion.
Les chansons portent maintenant de « vrais » noms , des titres évocateurs comme « Bloodlines » ou « Below the soils » ; parfois mystérieux comme « Snakes of the
Old World » ou « At the Edge of an Empty
Horizon ». Cet album marque aussi le retour à des durées plus « conventionnelles » pour les pistes qui oscillent ici autour des 6 minutes. En clair, un anti-conformisme atténué pour une découpe plus nette.
Musicalement, on trouve du chant clair pour la première fois dans l'histoire d'
October Falls, et ce grâce à Tomi Joutsen, le vocaliste et guitariste d'
Amorphis dépêché pour l'occasion. Les morceaux concernés sont : l'éponyme «
The Plague of a Coming Age » et « Boiling
Heart of the
North ». Ce titre éponyme s’apparente à un vrai bol d'air frais à l'écoute de cette galette, de part son introduction longue et et de par ces vocaux qui attaquent sur du chant clair justement, très discret au début, quasiment murmuré. Une voix qui se veut douce, émotionnelle et qui en devient un brin chevrotante. On alternera par deux fois clair et saturé sur cette piste. Le travail préparatoire du chanteur clair agit comme un véritable catalyseur de l'émotion transmise par le chanteur extrême. Et ce sera le vent, élément sonore récurrent de cet album, qui nous laissera à la fin de cette musique et accessoirement et par delà même sur le cul. « Boiling
Heart of the
North » se situe en fin d'album elle est encore plus singulière que la piste éponyme . Entièrement en clair, peu de paroles mais de très belles paroles. Une musique à l'atmosphère sombre, propice à la réflexion et également un second vent de fraîcheur dans l'opus. Un début pianissimo et le chanteur s'introduit d'une voix claire et très douce comme celle que l'on prendrait pour ne pas réveiller un nourrisson endormi, un certain écho se forme... que dire, c'est magnifique ! En faisant écouter ce morceau à mon père, il m'a fait une remarque assez drôle mais non dénuée d'intérêt : « C'est un très beau slow ». Interloqué tout d'abord, j'ai réfléchi ensuite. Il est évident que ce n'est pas un « slow » comme on en entend dans une fin de soirée de mariage, il ne s'agit pas de faire un ''simple'' morceau suave et mielleux. C'est un « slow », dans le sens où c'est une musique lente qui ne sature pas l'espace sonore et prend à la gorge , sans la moindre brutalité jusqu'à monter à nos yeux pour en tirer le goût salé d'une inclination forte. Ce que les plus beaux slow de l'histoire sont capables de provoquer et que tant d'autres ont seulement essayé sans y parvenir.
La recette changeant un peu sur cet opus, vous trouverez une introduction par piste, toujours dans les deux minutes, ainsi qu'une chanson instrumentale, la première de l'album . Pour ces introductions sont utilisé des bruits de « vent » de manière quasi-systématique et parfois des bruits de chaînes. Le tempo est lent et plombant. Pour les guitares il y a des marches harmoniques et elles jouent souvent en arpèges. Le procédé d'accumulation est récurrent. La batterie colle parfaitement à l'atmosphère, elle donne du corps et porte le rythme pour pouvoir ensuite l'accélérer afin d'obtenir une couche épaisse et bien black ou au contraire, le ralentir jusqu'à atterrir sur des outros en fade-out.
La production est aux petits oignons : la batterie très bien sonorisée, les guitares électriques et acoustiques aussi. Et la basse n'est pas au rabais. Elle tricote souvent avec de jolies lignes, audible une bonne moitié du temps, elle est parfois mise en avant mais elle se retire aussi pour laisser la place aux frontmen (vocaux et guitares). Miko Lehto produit un chant guttural dans lequel on peut distinguer les mots, il a une présence assez importante mais la production est telle qu'il passe globalement derrière les autres instruments de manière à apporter une violence profonde mais ni virulente ni subversive. Le batteur est aussi remarquable que le bassiste, il nous gratifie d'un jeu complet, tantôt dans le simple accompagnement, tantôt complètement mis en avant dans la musique. Il permet d'apporter du contraste dans une musique qui conserve une certaine épaisseur tout au long de l'album.
Une épaisseur typiquement October Fallienne qui se traduit souvent par une double-pédale, des lignes de basse assez rapides, des vocaux saturés et torturés sans être agressifs qui se perdent dans le néant de la musique, deux guitares leads au tempo allant et venant, absolument épico-dramatique, dont les descentes harmoniques s'apparentent à des catabases mythologiques. On trouvera bien sûr de ci de là quelques ponts acoustiques et mélodiques, de discrètes notes au piano, le vent et des bruits de chaînes. Autant d'éléments qui colorent la musique d'
October Falls et l’aèrent subtilement.
Un autre point fort de cet opus, ce sont les paroles. De véritables vers ardemment interprétables, qui poussent à la réflexion. Pour exemple je citerais la fin de « Bloodlines » :
« As without a struggle, there's no victory,
And without victims, there's no history »
Qui se traduit intuitivement par :
"Sans combat, il n'y a pas de victoire,
Et sans victimes, il n'y a pas d'histoire "
A méditer donc...
On pourra reprocher à cet album une certaine linéarité, mais pas beaucoup plus. En y accordant quelques écoutes on appréciera les subtilités de chaque morceau. Tout comme il faut plusieurs écoutes pour saisir la véritable richesse d'un Killing with a Smile ou d'un At the
Heart of
Winter. Et comme les albums sus-cités, ce qui pourrait vous rebuter à l'écoute de «
The Plague of a Coming Age » c'est le style pas le groupe. L'épaisseur que l'on retrouve continuellement chez
October Falls donne le caractère de ce groupe : une lourdeur dépressive qui frôle la perfection.
En conclusion nous avons là un album aux changements assez discrets, l'évolution perceptible rendant le tout moins hermétique, sans nuire à la qualité musicale et avec toujours plus d'émotions transmises. Mikko Lehto a su s'entourer de musiciens talentueux pour faire mûrir son projet, et cette offrande, qui fut pour moi un coup de cœur à ma première écoute, mérite amplement qu'on lui accorde de l'attention, des écoutes et le 18/20 que je lui donne aujourd'hui. Certes c'est une note élevée, mais à la hauteur et du talent du groupe et du soin apporté à cette œuvre.
Finalement cet homme réside en chacun d'entre nous,
A chaque pleurs, chaque heure sombre, chaque lien que l'on renoue,
C'est cette part qui combat et défait,
C'est ce visage de notre personnalité,
Qui lors de nos périodes les plus mauvaises,
Nous purge par la musique finlandaise.
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