Il existe des centaines de groupes qui n'ont vraiment pas une tête de vainqueur. Ils ne sont pas géniaux, pas avant-gardistes pour un sou, ni même charismatiques. Pire : la musique qu'ils proposent est bardée de défauts plus ou moins accentués. Pourtant, leur musique arrive néanmoins à dégager un certain charme propre à attendrir l'auditeur. Peut-être parce que les groupes en question se battent malgré le peu de moyens ou d'attentions, parce qu'ils donnent le meilleur d'eux-mêmes, parce que, contre vents et marées, ils tentent de faire leur truc, parce qu'ils ne sont pas composés de manchots, parce que leur musique nous fait passer un bon moment et apporte finalement une bonne dose de plaisir. Tout simplement. Tous ces éléments font que l'auditeur n'aura pas envie d'être trop méchant avec ces loosers magnifiques. Alors, les failles qui tartinent les morceaux arracheront un sourire indulgent plutôt que l'expression d'une cruelle désillusion.
C'est le cas de
Reinxeed, groupe suédois dirigé par le talentueux Tommy
Johansson, guitariste, chanteur, claviériste, compositeur et accessoirement producteur dont
The Light est le premier album.
Le combo donne dans le "symphonic power metal", dixit sa page Myspace. Si Myspace le dit, alors... Bon, perso, j'appelle cela du speed mélodique mais on va pas non plus se crêper le chignon pour des sombres et nébuleuses histoires d'étiquettes, hein. Tout cela pour dire que
Reinxeed s'inscrit dans la voie défrichée en son temps par les
Helloween,
Gamma Ray,
Stratovarius,
Sonata Arctica et j'en oublie, la liste est longue.
Reinxeed apprécie donc les cavalcades rythmiques et ce n'est pas
The Light, le titre éponyme placé en ouverture, qui me contredira. Un bon petit démarrage sur les chapeaux de roue. Cela joue vite, carré. Tommy
Johansson en profite pour montrer ses capacités à la guitare, aux claviers et derrière le micro. Plutôt écœurant, le garçon. Ecoutez «
Heavenly Fire », le dernier titre entièrement instrumental où ce bougre de multi-instrumentiste s'en donne à cœur joie dans des démonstrations guitaristiques néo-classiques qui rappèlent fortement le sieur Malmsteen dans ses œuvres. Quant aux autres musiciens, sans atteindre le niveau de leur patron, ils assurent sans difficulté. C'est bien là le principal.
Si les phases speed mélodique ont la part belle,
Reinxeed ne méprise pas non plus des rythmes plus lents et parsème certains titres de parties plus heavy et de breaks fort bien sentis afin de garder éveiller l'attention de l'auditeur, comme cet étonnant break inspiré par le folklore russe sur « Great Hall Of
Reinxeed ».
Comme il sied à ce style musical, la mélodie se révèle être un point fort de
Reinxeed. Elle est omniprésente même si elle s'inspire des groupes cités plus haut. Quelquefois, elle s'inspire d'ailleurs même de très près. Beaucoup d'airs ont un petit côté « tiens, ça me rappelle X ou Y ». On l'aura compris, niveau originalité musicale, on est proche du zéro absolu.
Comme l'indique le nom de cet album, dès l'entame et jusqu'à la dernière note, l'atmosphère dégagée est très orientée happy metal et rappelle un peu le
Helloween des Keepers ou un
Freedom Call sous prozac. C'est optimiste, dynamique, frais, presque enjoué.
Reinxeed souhaite vous filer la pêche. Mais la recette pourrait ne pas convenir à certains qui trouveront
The Light déprimant ou énervant justement à cause de ce côté "joyeux-joyeux" fortement prononcé. Allez comprendre. De toutes les manières, on ne pourra guère accuser le groupe de tromper son monde. Alors, à une époque où le metal est quelquefois bien sérieux et s'embourbe trop souvent dans des débats pseudo-philosophico-dépressifs, il est agréable de se voir proposer autre chose.
Afin d'apporter un peu d'air et de personnalité à son power metal, Johansonn a pris le parti d'insuffler dans sa musique des éléments empruntés au classique. Surtout dans la deuxième partie du CD où nous retrouvons clairement le côté symphonique dont se targue le groupe. Seulement, là où le bât blesse, c'est que, si ces parties orchestrales sont bien composées, elles sont entièrement jouées par un synthé. Le rendu au clavier présente donc un petit côté limité, étouffé. Cette impression se trouve renforcée par une production qui, si elle se révèle honnête, n'est pas non plus des plus clinquantes. Presque étriquée, elle n'aide pas donc à rendre justice à ces louables efforts. Certes, le groupe n'est aucunement fautif. Il n'a pas disposé des moyens de ses ambitions.
Reinxeed n'a tout simplement pas eu le budget d'un
Nightwish, d'un
Rhapsody In
Fire voire d'un
Within Temptation. Seulement, quand il s'agit de se la jouer Michaël Kamen, cela s'en ressent forcément. Ces arrangements qui n'ont de symphoniques que le nom restent agréables mais ils auraient pu être tellement plus prenants dans d'autres circonstances. Quel dommage !
De plus, ce coté artisanal mélangé à l'optimisme exacerbé de
Reinxeed font de certains de ces intermèdes orchestraux des pièces un tantinet kitch qui auraient toute leur place dans les B.O. des Disney. Quelques uns pourraient trouver cela insupportable.
Enfin, si Tommy
Johansson présente certes une beau brin de voix, notre viking semble apprécier les élans aigus, voire suraigus. J'avoue ne pas toujours goûter ces exubérances vocales que je trouve "too much", un peu forcées et, quelquefois, à la limite du supportable. Je préfère largement quand il réfrène ces envolées que ne renierait pas la Castafiore, ce qu'il sait heureusement faire !
Mais tous ces défauts n'empêchent pas
Reinxeed de pondre des titres très appréciables bien exécutés et qui filent le sourire. A l'écoute, je ne peux m'empêcher de penser qu'ils auraient pu fédérer un public plus significatif s'ils avaient été jeter en pâture 20 ans plus tôt.
Aussi, ceux qui n'ont rien contre un "happy almost symphonic vintage power metal" (ah, ces étiquettes !) peuvent jeter une oreille attentive. Ils ont de quoi satisfaire leurs pulsions.
est ce que ce groupe ne cultive pas ce coté kitch ? (cf.le clip)
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire