Sous couvert d’une ouverture d’esprit, d’une prétendue nouvelle orientation musicale ou sincérité envers soi-même, un artiste peut presque faire ce qu’il veut. Les éventuelles voix dissidentes de la critique ou de l’opinion populaire se chargeront ensuite de le classer en loyauté artistique ou en virage mercantile.
Lorsque le groupe en question pratique un style déjà particulièrement accessible, changer de trajectoire peut être pris comme une trahison par une masse de fans aveugles comme d’un raccourci encore plus facile pour des détracteurs avides de commentaires négatifs.
Dans cette optique peut reluisante face à laquelle un artiste ne doit faire fi du dilemme le rongeant, est arrivé un album que j’ai d’abord tenu entre mes mains avec un certain amusement, pressé de voir dans quels nouveaux clichés mes suédois préférés (loool) de
Soilwork étaient tombés avec "
Stabbing the Drama".
Pan ! Splaf ! (onomatopée d’une grosse baffe dans ma gueule).
Mais est-ce bien le même
Soilwork que je viens d’écouter ? Est-ce bien le même combo qui accumulait les tentatives infructueuses de personnalité sur un "
Natural Born Chaos" étrangement bien accueillie par une scène death mélodique de plus en plus navrante ?
Bon, et bien les suédois ont simplement mangés de la vache enragée en studio pour nous coller un uppercut comme je ne m’y attendais absolument pas.
Toujours sur une base très catchy du point de vue des riffs, une énorme dose de puissance a été injectée dans des guitares bien plus saccadées et tranchantes que sur les opus précédents, laissant moins de place à des chorus prévisibles et conférant aux morceaux une impression d’énergie qui vous décolle la tête des cervicales.
Dans cette optique, Bjorn Speed semble libéré, et libère une rage dans ses vocaux qui fait véritablement plaisir à entendre, plus agressif sur ses parties extrêmes et plus juste que jamais sur ses parties claires, parties de plus mieux agencées, plus originales et semblant utiles à la musique.
Le choc s’opère dès le premier morceau éponyme, un riff syncopé ouvre le bal et laisse le chant libre à une entame vocale à la limite du hardcore, brutal et vociféré comme un chien enragé. Un riff simple mais vicieux semble être l’unique trame d’un morceau épuré et direct, frappant directement et de façon très éloigné de "
Rejection Role".
Un refrain mélodique, mais granuleux et presque émotionnel parachève une entrée en matière que l’on n’aurait jamais osé rêver.
Outre cette rapidité retrouvée, on ne pourra isoler cet état de fait de l’arrivée de Dirk Verbeuren (
Scarve,
Sybreed…), propulsant de ses parties fulgurantes des titres semblant taillés pour lui.
L’écrasant "Weapon Of Vanity" met particulièrement en valeur le jeu d’une richesse incommensurable du batteur prodigue français. Sur une double pédale étouffante se greffent des blasts comme tombés du ciel qui envoie sur orbite un titre d’une agressivité jouissive, les pistes vocales s’entremêlant divinement entre clairs, hurlés et vociférations purement death.
Des changements de tempos particulièrement triturés recouvrent notre esprit de convoitise.
Cette tendance résolument plus agressive, qui, loin de prendre une forme néo métal comme on a pu l’entendre un peu partout, trouve son aboutissement sur l’énorme "Stalemate", martelé pendant trois minutes supersoniques et revigorantes allant puiser autant véritablement et ouvertement dans un hardcore que ne renierait qu’à moitié un
Killswitch Engage.
Dans son exact antinomie, le morceau suivant "Distance" laisse éclater le talent mélodique si maladroitement exploité par le passé. Le refrain particulièrement beau et poignant est une grande réussite, jusqu’au hurlement déchiré d’un Bjorn sauvage et primaire, mais semblant sincère (tiens, je prends position !).
Alors oui,
Soilwork a changé, et c’est là que les avis divergent. Car le changement n’est pas aussi radical que se que j’explique, du moins pas dans le style. Ce n’est que la somme d’un nombre importants de petits détails qui mettent en forme la mini révolution décrite, sans aucun doute en grande majorité inspirée par la scène américaine cartonnant outre Atlantique.
Mais dans le fond,
Soilwork n’a jamais été aussi cohérent et précis, de plus produit d’une main de maître (quoique la basse est étonnamment sous mixée pour un tel album) et appuyé par un Dirk dont la patte a inéluctablement apportée, comme le démontre un titre comme "
Blind Eye
Halo" impressionnant et passant par presque toutes les étapes pour notre héros national véhiculant une influence plus touffue comme il pouvait le faire dans
Scarve.
"
Stabbing the Drama" se place donc en pole position chez les suédois et, sans jamais être révolutionnaire (mais en s’éloignant d’un envahissant
In Flames), offre un album de métal qui tache la moquette et qui déclenche de sérieuses séances de headbanging. Rafraichissant !
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