«Sire, des forces maléfiques s’activent à
Salem ! Oh non monseigneur, il ne s’agit plus de
Salem en Massachusetts, mais de
Salem capitale de l’Oregon. Sur la côte Ouest, oui.»
Il n’est pas si loin le temps où l’on accusait son voisin d’être un sorcier ou une sorcière aux Etats-Unis. La création de tribunaux tenus par des magistrats publics, avec l’introduction de la criminologie, mais aussi de la psychologie, ont relégué à l’arrière-plan les méthodes de cette époque.
Pourtant, si le procès des sorcières de
Salem fait doucement sourire en
Europe, dans le folklore américain, la sorcellerie est toujours présente. Celle-ci passionne autant qu’elle inquiète l’Amérique. Que ce soit avec
Anton LaVey, les wiccans ou avec les puritains, il existe au Nouveau Monde des croyances que l’église aime à tacler et avec lesquels les marginaux (rockers, hippies et autres metalheads) jouent. Néanmoins, il est grand temps d’ouvrir un nouveau procès !
Formé à Portland,
Witch Mountain, dont le nom s’il ne fait pas référence à la nouvelle d’Alexander Key (
Escape to
Witch Mountain, 1968), fait au moins référence aux films qui en ont été tirés (1975 et 1995). Dans cette nouvelle, l’un des protagonistes, Tony, fait bouger des objets grâce à la télékinésie qu’il développe en jouant justement de la musique.
Ce groupe, dont beaucoup d’éléments évoquent pour le moment les années 1970, après avoir sorti un LP en 2001, c’est brutalement arrêté. Rob
Wrong (chant et guitare) et Dave Hoopaugh (basse), leur vie familiales respectives mis à part, se sont concentrés sur leur autre groupe
Iommi Stubbs, qu’ils avaient depuis le début des années 1990.
Iommi Stubbs ferait-il référence à Tony
Iommi, le célèbre guitariste de
Black Sabbath et soit disant adorateur du démon ? Allons, comme vous y allez, c’est un procès sérieux ici !
De son côté Nathan
Carson (batterie) joue les non moins prestigieux
Sunn O))), qui accouchent de leur White 2, mais également
Agalloch (géant
Dark Metal de la scène Portlandaise pour ceux qui l’ignorent).
Après une pause de «six ou sept ans» selon
Wrong, le groupe se remet au travail et compose quelques titres. Cependant quelque chose manque, la magie ne prend plus. Le groupe se met alors en quête d’une voix, qu’il trouve en la personne d’Uta Plotkin. Les trois musiciens sont sous le charme et Rob
Wrong (toujours) déclare : «I regret that we didn’t create a bigger body of work over the last 10 years, but those albums wouldn’t have had Uta on them. I don’t want albums that don’t have her on them.
That’s our sound now.» («Je regrette que nous n’ayons pas créé plus d’œuvres ces dix dernières années, mais ces albums n’auraient pas eu Uta dessus. Je ne veux pas en faire sans qu’elle y soit. C’est notre son maintenant.») A l’examen dans ce procès, tentons de déterminer quel peut-être ce fameux «son» ?
Uta Plotkin, née dans la même ville que son batteur (Corvallis, Oregon), mais dix ans plus tard, a bien des références :
Elizabeth Fraser (Cocteau Twins), Bjork ou encore Tina Turner. Ces voix diverses sont à l’image de la sienne : sensuelles, lourdes et mystérieuses. Car oui, Uta Plotkin est avant tout une chanteuse à tendance «soul» dont le répertoire ne semble pas s’épuiser.
J’en entends dans l’assistance qui s’agitent sur leurs bancs. Pourtant ce fameux «son», c’est cette alliance déjantée, presque maléfique, d’une voix de gospel avec les instruments du démon.
Voici, depuis l’ouverture de ce procès, que beaucoup de noms circulent autour de ce groupe. Sans faire dans le name dropping, on pourrait en rajouter une couche en disant que
Witch Mountain c’est un peu comme si
Nora Jones rencontrait les Melvins.
Le premier enregistrement de ce drôle d’assemblage, "
Veil of the
Forgotten", parait en 2010 sur la compilation «
Metal Swim» (qui contient, entre autres, des titres de
Death Angel,
Kylesa et
Jesu). Le «son» est là, et Uta se permet même un coup de growl.
Très vite le groupe rentre en studio pour enregistrer leur second album (et premier à voix féminine) : "South of
Salem".
Derrière le titre du disque, se trouve une référence à «South of
Heaven» de
Slayer que Nathan
Carson ne se prive pas de cacher. Ce dernier a également l’idée originale de l’artwork (signé en définitive par Skinner, un artiste de
Sacramento, Californie) : présenter une carte de l’Oregon dans laquelle la capitale (
Salem donc) aurait un pentagramme comme emblème. L’histoire semble se répéter puisqu’en 2009 à Portland, pour leur premier concert avec Uta au chant,
Witch Mountain avait ouvert pour le groupe
Pentagram.
D’abord sorti sous forme vinyl (depuis lors en CD) : «South of
Salem» surprend, détonne et envoute. Véritable sortilège arrangé par trois sorciers et une sorcière.
Cette potion n’hésite pas à combiner des ingrédients presque antagoniques. Cité précédemment, il y a le chant à tendance «soul», mais également un son global qui tend vers le stoner, ce que la basse ronflante et agréable de Dave Hoopaugh met en exergue. De même, la guitare de Rob
Wrong dont les courts mais brillants soli iront jusqu’à rappeler les années 70. Enfin, Nathan
Carson aux futs remplis parfaitement son office, structurant cet atypique cocktail. Malgré une durée courte, les six pistes de l’album s’écoutent ad libitum avec grand plaisir, lequel est renouvelé depuis la sortie de son successeur, «
Cauldron of the
Wild».
Après tous ces aveux sur ce disque, c'est avec difficulté que je dois admettre que les artifices des accusés m'ont atteint. Comme de nombreux autres, on me diagnostiquera surement une folie passagère, mais vous le savez : un sortilège n'est rompu que si son lanceur originel le veut bien.
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