J’ai longtemps repoussé le moment d’écrire cette chronique. Pourquoi? Difficile à dire. Peut-être aussi difficile que de définir pleinement ce groupe (si ce n’est qu’il s’agit d’un groupe de post-rock), ses aspirations (trop peu d’informations circulent à ce sujet) et son évolution (passée et futur).
Jacob est dans la Bible le fils d’Isaac et le père de Joseph. Ce personnage est célèbre puisqu’il est également connu comme “Israël”: celui qui a combattu avec Dieu.
La signification est peut être fausse, le nom un peu présomptueux, mais avec cet album le divin n’est pas loin.
Formé à Napier sur l’île Nord de la Nouvelle-Zélande, terre de rugby, des wetas, des kiwis, des Maori et d’Hobbitbourg,
Jakob est formé en 1998 par trois amis qui évoluent vite sur la scène locale. Souvent comparés à Sonic Youth, Sigur Ros ou ISIS, pour moi le groupe a plus d’atomes crochus avec le groupe
Jesu (ce qui sur le plan biblique est logique) qu’avec ceux précédemment cités.
Le groupe est composé, depuis son origine, par Jeff Boyle à la guitare, Maurice Beckett à la basse et
Jason Johnston à la batterie.
En marge du monde, à l’image de la Nouvelle-Zélande, la formation sort rapidement un EP et dans les années suivantes un autre EP et deux albums. Leurs concerts se portent de plus en plus loin (d’abord l’Australie, ensuite les Etats-Unis, puis l’
Europe). Le groupe obtient quelques récompenses sur leur terre natale, mais le succès n’est pas toujours au rendez-vous par-delà les océans.
Après quelques concerts en Australie et un 7”,
Jakob repose ses ailes en Nouvelle-Zélande à l’occasion d’une tournée nationale, en Août 2006. C’est au cours de celle-ci que de nouveaux morceaux de leur dernier album sont joués.
L’album parait le 11 septembre 2006, date choisie ou non, sous le titre de “
Solace”, qui signifie “consolation”. Sept titres le composent et créent un univers doux, sophistiqué, parfois maladroit, souvent abrupt mais jamais violent : tout ce dont on est en droit d’attendre quand on recherche la consolation, thème psychologique et philosophique associé au deuil.
Parce qu’il y a sept titres exceptionnels, brillamment composés, l’album devrait subir les affres de la décomposition méthodique du track-by-track, néanmoins ce serait leur faire insulte.
Pris comme un tout, l’album est un rêve, qui comporte ses phases de cauchemar, de quiétude et de plaisir.
Néanmoins,
Jakob évite de tomber dans l’onirisme le plus total et rappelle de temps en temps qu’ils sont bien réels et que tout se joue sur Terre, comme le montre le cover de l’album aux arbres chétifs, presque malades.
A force d’écouter et de réécouter un album comme celui-ci, on pourrait penser qu’il est facile de s’en lasser, mais
Solace est une surprise à chaque écoute.
L’album comporte à mon sens deux titres forts (c’est dire s’ils sont bons, vu l’apologie globale) : « Oran
Mor » et « Saint ». Là, les mots se chamboulent « apothéose », « paroxysme », « pinacle », « summum », « zénith »… Que dire…
« Oran
Mor » est le titre le plus court de l’album mais également le plus « énervé » et combine dans une alchimie magique la détresse d’une guitare saturée, voix émanant du cœur, avec le calme olympien de la basse et de la batterie, véritable métronome. Sans pour autant parler de virtuose,
Jakob est le premier groupe que je connaisse qui utilise ses instruments comme des émotions et non comme des sons.
« Saint » est au contraire d’« Oran
Mor » une ode à la béatitude : durant près de la moitié du titre une montée crescendo vers des hauteurs célestes, que l’auditeur pourra contempler passée la deuxième moitié du morceau.
Le piètre auditeur que je suis ressort forcément changé d’une expérience comme celle-ci. En quête de paix intérieure, «
Solace » - la consolation - est un moyen efficace d’y arriver. L’irascibilité, l’aigreur et la lypémanie de l’homme moderne trouveront dans ce disque des réponses, avec lesquelles on aimera se consoler, relativisant sur l’avenir.
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