Deux albums pour construire la légende, un seul pour la compromettre...
Ceci est sûrement le tempo de la critique qu'on peut se permettre pour ce "
Set the World on Fire". Car sinon, comment expliquer qu'
Annihilator ne soient pas plus au devant de la scène thrash? Les deux premiers opus, formidables exemples de maîtrise du genre, devaient leur ouvrir les portes d'une plus grande reconnaissance.
Seul un raz-de-marée pouvait les empêcher.
On ne peut pas vraiment dire que cet album soit un catastrophe pour les fans thrasheux, mais une bonne grosse déception.
Annihilator ne fait pas exception à l'énorme trou noir qui touche tous les pointures du thrash dans les années 90.
Un titre accrocheur qui assure de mettre le feu au monde, il y a de quoi de mettre l'eau à la bouche de n'importe quel fan sevré de ce thrash renversant. Mais hélas, il faut bien le dire, il ne reste pas beaucoup de thrash dans cet album. Les traces du passé se font rares, et il faut les chercher.
On en retrouve certaines miettes aux extrémités de l'album. Le titre éponyme "
Set the World on Fire" conserve un brin d'intransigeance qui nous fait croire que rien n'a changé, que le groupe monte graduellement, calmement mais sûrement, en puissance. "No zone" poursuit dans la même lignée, et nous fait patienter pour enfin la grande envolée qu'
Annihilator nous ajusqu'alors toujours assuré. On ne le sait pas encore, mais il n'en sera rien, alors on apprécie avec mesure.
Le désir d'un gros thrash ne sera que partiellement assouvi qu'à l'épilogue de l'album, avec le titre "Brain Dance", qui par moment nous assure des sympathiques riffs rapides. Surtout, il s'agit d'un bon titre complètement barré, original et frais. On perçoit liberté qu'on aurait souhaité ressentir tout au long de l'album, pas juste à la fin.
Annihilator se fait plaisir etcela fait, de loin, le meilleur morceau de la prestation.
Voilà pour le thrash, son sort est réglé. Alors, quid du reste? On a surtout affaire à du bon rock heavy, plus lent, avec un chant plus travaillé (mais pas réussi) et des passages très mélodiques.
Une fois la pilule digérée et qu'on admet qu'on n'a pas entre les mains un album de thrash (dur à admettre lorsqu'on parle d'
Annihilator), on peut alors commencer à émettre un jugement. Puristes du thrash, pas la peine de lire la suite...
Au final, si cet album est plus rock/heavy, est-il au moins de qualité?
Sur plusieurs points, on peut dire que oui. La virtuosité de Jeff Waters n'est toujours pas à remettre en cause, les solos sont de véritables délices, et certains titres comme "Bats in the Belfry" ou "Don't Bother Me" s'enchaînent sur un bon rythme, presque dansant.
Le titre "Knight jumps queen" surprend et rappelle que malgré ce sensible changement de style, le groupe conservait ce décalage qui faisait déjà selon moi la grande force d'
Annihilator durant ses belles heures. "
Snake in the grass" se dote d'un refrain accrocheur et d'un rythme spécial et entraînant, qui permet de supporter les passages sans grogner.
Là où le groupe pêche est dans la réalisation des "ballades", si vous permettez que je réduise cet exercice de style aux morceaux "
Phoenix Rising" et "Sounds good to me".
Déjà, pour commencer, en faire deux dans un album déjà bien accalmi par de nombreux passages lents, cela en fait au moins un de trop.
De plus, il aurait fallu que ces deux morceaux contiennent la magie qui fait la splendeur des plus grandes ballades. Entre un "Sounds good to me" complètement plat et un "
Phoenix Rising" qui aurait pu être chanté par n'importe quelle starlette qui apparait et disparait en moins de cinq mois, on est en droit de se poser des questions.
Cela sonne trop impersonnel, beaucoup trop commercial.
Annihilator aurait-il oublié quel était son public et à quelles en étaient les attentes?
Pour finir, je garde le meilleur pour la fin, le gros point noir de l'album est l'affligeante médiocrité du chant d’Aaron Randall. Trop posée, trop travaillée, manque de simplicité, de tranchant et d'efficacité, on peut trouver beaucoup de choses à lui redire. Il fera d'ailleurs les frais de sa banalité, Jeff Waters préférant reprendre ses responsabilités pour "
King of the Kill".
Pour ne pas trop finir sur une mauvaise note, on sent tout de même qu'
Annihilator n'a pas tout perdu de ses envies de tout lâcher. Par instant, on sent que cela va exploser, mais rien ne vient. L'incompréhension règne alors : pourquoi ne se lancent-ils pas?
Voilà sans doutes pourquoi le succès ne fut pas au rendez-vous pour ce "
Set the World on Fire" mais surtout pourquoi il est resté en travers de la gorge de nombre des fans du groupe.
On sent qu'
Annihilator a raté un tournant de sa carrière, que la popularité en a pris un coup, et que malgré tout les efforts qui pourront être fait, l'euphorie ne sera plus jamais la même.
En conclusion, ce n'est pas un mauvais album. Il est, à de nombreux instants, plaisant à l'écoute mais il restera ô combien décevant par rapport à ce qu'on était en droit d'attendre après les fabuleux "
Alice in Hell" et "
Never Neverland".
"
Set the World on Fire", un descendant à jamais dans l'ombre de ses illustres pères...
L'Annihilator 90' me fait vraiment penser à un mix parfait entre Megadeth et Metallica.
Dans une vieille interview, Jeff Waters avait expliqué qu'en 1991, pendant le Painkiller Tour de Judas Priest (sur lequel Annihilator assurait la première partie en compagnie de Pantera), il avait eu une sérieuse discussion avec Phil Anselmo sur la future orientation musicale de leur groupe respectif.Ce dernier défendait le fait qu'il fallait offrir à son public ce qu'il attendait, c'est à dire une musique agressive.De son coté, Jeff Waters lui rétorquait qu'il fallait rendre la musique plus mélodique de manière à toucher plus de personnes.Résultat : Pantera a explosé en 1992 avec "Vulgar Display Of Power" et Annihilator s'est planté en 1993 avec "Set The World On Fire".D'ailleurs dans cette même interview, Jeff Waters raconte que lorsque Phil Anselmo et lui se sont revus quelques années après, le souvenir de ce débat les a bien fait rire...surtout Phil.Sinon pour info, on retrouvera le talentueux chanteur Aaron Randall au sein du groupe Speeed (avec trois e), qui sortira un bon "Powertrip Pigs" (avec Jack Frost à la guitare et Ray Hartmann à la batterie) en 1999 chez Massacre Records.
"Deux albums pour construire la légende, un seul pour la compromettre..." : attention à ne pas se laisser influencer par les avis définitifs des chroniques, et passer à côter d'un bon (très bon, super) album...
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