En ce début des années 90 l’avènement de certaines mouvances plus extrêmes, et l'essor d'autres, est l'une des causes qui va signer le déclin d’une nouvelle scène française Heavy
Metal, et dans une moindre mesure
Hard Rock. L'incapacité de ces musiciens, à se projeter vers un avenir créatif plus novateur, restant quelques peu sourds à l’émergence de ces nouvelles tendances plus agressives entraînera quasiment tout le monde, les bons et les moins bons, vers une fin inéluctable. Ainsi les artistes bien trop passéistes tels les Blasphème, Sortilèges, Warning,
Nightmare, qui firent les heures les plus glorieuses d’un paysage artistique à l’essence identitaire riche, variée, intéressante, unique, remarquable en somme, n’eurent plus d’autres choix que le silence. Condamnant, de ce fait, aussi, les plus talentueux et visionnaires d’entre eux. Aux bancs des accusés, on peut aussi évoquer ce particularisme hexagonal du choix de la langue française qui, quoiqu’on en dise, n’aura, à l’époque, jamais séduit autre chose qu’un microcosme francophone plutôt restreint.
De cette hécatombe seule ceux qui, déjà depuis longtemps, proposaient une vision plus véhémente de leur musique et ceux qui tentèrent de se convertir à l’anglais survivront. Ainsi
Killers,
Vulcain et leurs Heavy corrosifs, mais aussi
ADX et son Weird Vision, ainsi que quelques rares autres, continueront sur un chemin périlleux où le moindre faux pas, la moindre expiration hasardeuse, le moindre morceau moins accrocheurs leur compliquera sacrément la tâche. Tant et si bien que nombres d’entre eux, handicapés aussi, il faut le souligner, par des structures et un soutien quasi inexistant en leur terre, par un public et un business qui préfère applaudir et aduler au-delà de ses frontières tous ceux qui chantent dans la langue de Shakespeare, finiront par avoir définitivement raison de la plupart.
Et puis vint
Manigance.
Plus de dix ans après.
Et avec lui un certain renouveau du Heavy
Metal hexagonal. Aidé de cette nostalgie et de sa capacité indéniable à produire de la musique à la fois très contemporaine et à la fois influencé par un certain héritage du passé, le groupe sut réussir là où les autres échouèrent. Audace parmi les audaces, Didier Delseaux et les siens se permirent même cette prouesse délicate que plus personne n’osait ici, ou alors, de manière très anecdotique : le chant en français. Poussé par l’engouement d’un public désireux de retrouver ces émotions passées, les groupes, anciennes gloires, ressuscitèrent les uns après les autres.
Dans cette vision d’une musique union de divers univers, il n’était pas absurde, bien au contraire, que le plus avant-gardiste des groupes qui donna naissance inconsciemment aux prémisses de la fusion,
Satan Jokers, ne renaisse de ces cendres. Et c’est articulé autour de quelques grands noms de la scène française, notamment de Marc Varez (
Vulcain,
Blackstone) à la batterie, mais aussi d’Olivier Spitzer (Stators, Rebel) et de Michael Zurita (Gogol 1ier, Tai Phong) aux guitares, ou encore de
Pascal Mulot (
Steve Vai,
Blues Saraceno) à la basse, que Renaud Hantson (Chant, Batterie), entre
Furious Zoo et sa carrière solo, décide, après, aussi, le succès d’un album live sortis en 2005,
Satan Jokers Best of Live, et d’une compile,
Hardcore Collectors sortis en 2008, de faire revivre le plus ardent de ses rêves.
D’emblée ce cru 2009 de
Satan Jokers s’inscrit dans une certaine mouvance Heavy
Metal résolument moderne. Loin de s’égarer dans les stigmates les plus pesant et les plus poussiéreux d’un passé qui serait ridiculement anachronique, et dans lequel, d’ailleurs, il ne se laissait déjà pas enfermé à l’époque alors qu’il semblait normal de respecter le legs d’une certaine tradition séculaire,
Satan Jokers nous offre un premier titre, Silicone Baby, très actuel aux riffs nerveux, au tempo véloce, à la double grosse-caisse ravageuse ; où le timbre écorché d’un Renaud Hantson, loin du lyrisme ambiant parfois un peu trop solennel du genre, sert admirablement le propos.
Satan Jokers c’est assurément de la musique d’aujourd’hui, épuré de ces sempiternelles et obligatoires envolés mélodiques asséné à coup de synthé omniprésent et de l’emphase grave et grandiloquente d’orchestration classique. Si ce premier morceau est indéniablement rapide, il ne constitue pas réellement la ligne directrice d’un album suffisamment varié pour offrir les plaisirs sincères et simple d’une véritable réussite. Et, d’ailleurs, excepté sur l’excellent 200 Chrono, on ne retrouve nulle part cette vélocité. La musique de
Satan Jokers n’en demeure pas moins succulente, sous les riffs simples étonnamment efficaces de titres tels que Combat, ou d’Indien de Demain, duo avec Zouille (Sortilèges) enrichis de quelques ambiances orientales. En réalité chaque morceau possède cet intérêt propre qui réside dans le soin apporté à certains détails de composition. Les énoncer dans une longue litanie monotone, et ce afin de leur rendre l’hommage qu’ils méritent serait ennuyeux et priverait l’auditeur du plaisir de la découverte. Citons tout de même, pêle-mêle, le très bon refrain d’un Mouroir plus
Hard que véritablement Heavy; ou bien la trame émotionnelle adroitement construite d'une excellente ballade, Addiction, qui, loin de sacrifier à l'habituelle mièvrerie de l’exercice, jette l’auditeur au milieu de sentiments émouvants. Ou encore sur un superbe Ma Guitare, au refrain savoureux et au solo Rock, sur un très bon Lunettes Noires, ou quelques lignes de chants rappellent, comme un clin d’œil, l’intro d’un Immigrant Songs d’un certain
Led Zeppelin, excusez du peu, et où le refrain est, encore une fois, un véritable bonheur.
A retenir des défauts, car il est essentiel de garder toute objectivité, on peut noter la longueur d’un album un peu trop long, où certains morceaux un peu moins, et j’insiste sur le « un peu », évidents auront tendance à faire baisser l’intensité d’un opus, pourtant, très intéressant. La conséquence pourra amener certains d’entre-nous à une authentique lassitude face à autant de titres, d’idées, de nuance, de subtiles variances.
Il faut aussi signaler cette pochette des plus hideuses. Au-delà de ces petites imperfections, on notera, aussi, l’aspect totalement désuet d’un morceau comme Sorcier (Remix 2008) qui, même s’il possède toutes les qualités nécessaires à notre contentement, et qu’il fut, aussi, l’élément déclencheur de cette résurrection, parait bien étrange au milieu de ces textes traduisant des inquiétudes bien contemporaines (la prostitution sur internet pour Professionnelle, une satire assez cynique de la société américaine dans U.S.A. (
Union Sacrée des
Assassins…)) là où lui nous narre les affres d’une histoire plus « imagée ». Ce titre plus onirique et moins social est quelque peu décalé ici, mais n’altère en rien notre plaisir.
Quoi qu’il en soit
Satan Jokers cultive avec talent l’art du mélange délectable. Cette union subtilement composée de Heavy, de
Hard-Rock, de Rock, qui définit de manière assez précise une identité qui est, incontestablement, la sienne, est, sans aucun doute, le fruit de ses aptitudes, mais aussi de l’expérience de musiciens qui n’ont cessés de travailler. Nul ne sait si cet opus sera véritablement celui de la renaissance, cependant avec un tel résultat,
Satan Jokers aura mis toutes ses chances de son côté, et pourra, sans contexte, fièrement revendiquer son appartenance à la scène actuelle comme un de ces défenseurs les plus expérimenté, et paradoxalement les plus prometteurs.
Pour ma part je suis resté à l'ancienne époque, avec des titres comme "les fils du metal" et "la marche hérétique". Le jeunot a été juste curieux avant l'heure.
et si en plus les paroles sont intelligentes ça peut faire du bien.
Bcp mieux que le suivant. Pas un titre faible (le seul reproche serait l'anti americanisme primaire de la chanson USA qui est d'ailleurs la moins bonne chanson de l'album) et j'adore particulierement "addiction (souffrir avec moi)"
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