Des formations différentes, le rock en a vu passer. Que ce soit le classique à basse, batterie, chant et guitare, ou le plus complet avec la présence de claviers ou d’un second guitariste, voire le duo guitare-batterie comme chez les White Stripes ou les Black Keys, il y en a pour tous les goûts. Cependant, il y a une composition qui a toujours su se faire discrète : le mélange basse-batterie. Il peut paraître étrange en effet d’éliminer la guitare d’un groupe de rock, élément que la majorité juge « essentiel » pour la réussite d’un groupe, notamment pour la virtuosité, les soli dantesques ou simplement pour le rythme. Cependant, ce n’est pas parce qu’elle est prédominante qu’elle est indispensable. Et ceci, c’est ce qu’a prouvé
Royal Blood en 2014 en raflant diverses récompenses musicales, en impressionnant Môssieur Jimmy Page et en jouant en première partie des Arctic Monkeys. Rien que ça.
Royal Blood est donc un duo formé par Mike Kerr à la basse et au chant et Ben Thatcher à la batterie. En 2014 est paru leur premier album éponyme, une petite perle qui n’a pas manqué de surprendre ceux qui prétendent à tout bout de champ que « le rock est mort » (cf : ce vieux
Gene Simons qui a préféré céder au démon de l’avarice plutôt qu’à celui du rock …). «
Royal Blood » est un album brut, très lourd, comme une sorte d’enfant illégitime entre le hard-rock de Motörhead et le blues des Black Keys, et vu la composition du groupe, on est en droit d’attendre quelque chose d’assez « rentre-dedans », d’assez direct.
Le gros point fort de «
Royal Blood », ce sont bien évidemment les riffs. Le fait que la basse saturée remplace la guitare ajoute une lourdeur inédite à un blues/hard-rock lo-fi accompagné d’une batterie souvent martelée et usant beaucoup de la grosse caisse. Ainsi, «
Out of the Black », «
Ten Tonne Skeleton » et « Little Monster » constituent les trois moments les plus forts de l’album, avec une structure très simple et des refrains accrocheurs que l’on se met à chanter à tue-tête. Cependant les titres ne se ressemblent pas, bien qu’ils se classent dans le même registre. En effet, alors que « Little Monster » alterne de très courts passages instrumentaux avec des moments de chants tout aussi brefs, donnant un rythme particulier à l’ensemble, «
Ten Tonne Skeleton » mise sur l’utilisation de claviers pour mettre en valeur les autres instruments en créant un fond sonore entraînant. Les chansons sont courtes, percutantes et taillées pour devenir des tubes –ce qu’elles sont déjà plus ou moins-.
En revanche, certains titres s’éloignent du hard que proposent ces trois chansons et s’approchent du style de
Jack White ou des Black Keys. « Careless », «
Figure It
Out » ou « You Can Be So Cruel » donnent d’ailleurs l’impression d’être joués avec une guitare tant la différence avec le reste de l’album est frappante, ce qui est une sacré prouesse quand on sait qu’il n’y en a justement pas. Le chant y est également plus doux et s’adapte au ton du morceau, à l’instar de celui de Dan Auerbach des Black Keys ou de celui de
Jack White, notamment dans « Careless ». Quant à « Better Strangers », « Loose Change » et « Come On Over », dont l’introduction ressemble étrangement à celle de «
Hysteria » de Muse, ce ne sont ni des chansons hard-rock, ni des chansons blues : elles se classent tout simplement dans le registre du rock indépendant. « Loose Change » possède d’ailleurs un léger aspect hip-hop par son rythme saccadé, contrebalancé par la lourdeur de la basse. Jusqu’ici tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes pour nos Anglais, mais il va vite y avoir un petit retournement de situation.
En effet, ce n’est qu’au bout de quelques écoutes que les premiers défauts de cet opus se feront ressentir. Il est d’ailleurs ironique de constater que c’est le principal point fort du groupe qui en fait aussi le plus gros défaut : sa composition. Le fait d’avoir un power duo basse-batterie permet de donner du punch à l’ensemble, mais les compositions sont assez limitées. L’absence totale de bridge, soli ou autres éléments de ce style ne permet pas de casser cette monotonie qui emporte l’auditeur au bout de quelques écoutes. Si cet aspect ne se remarque pas trop pour le moment, on est en droit de se demander ce qu’il en sera pour les prochaines sorties de
Royal Blood.
En somme,
Royal Blood nous livre ici un très bon premier opus, proposant une formule alternative aux groupes « classiques » du rock, et nous assène un bon coup dans les gencives avec un « hard-blues » brut. En revanche, l’ennui peut se faire ressentir au bout d’un moment, notamment à cause de la lourdeur du son du groupe. Cependant, à condition de laisser passer un peu de temps entre chaque écoute, «
Royal Blood » est un album que l’on apprécie à chaque fois qu’on l’insère dans le lecteur.
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