« Voici que je vous envoie comme des brebis au milieu des loups. Soyez donc adroits comme les serpents, et candides comme les colombes. » (Évangile selon Saint Matthieu, chapitre 10, verset 16)
Ils étaient brebis. Au contact des bêtes féroces, ils sont devenus loups. Aussi adroits que des serpents, et en même temps candides comme des colombes. Ça résume assez bien la situation actuelle de la formation germanique «
Powerwolf ». La succession d’albums parfois de très haute facture a donné en quelques années un statut de prestige à ce groupe, qui allie power metal et horror-opéra. Des albums comme «
Bible of the Beast » ou «
Blood of the Saints » sont devenus des incontournables pour beaucoup d’amateurs de power. Et c’est principalement dû à ses hymnes accrocheurs, à cette illusion d’assister à des commémorations impies, qui supplantent de loin celles rendues par les croyants. Le sacro-saint catholicisme est à la fois singé et moqué par une bande de loups garous. Suite au glorieux «
Blood of the Saints », qui a permis à ces infâmes de gagner prodigieusement en notoriété, «
Powerwolf » signe avec
Napalm Records et prépare un nouvel album. Leur désir n’est rien moins qu’arracher le trône du power metal et de faire trembler la concurrence. Craignez la fureur nocturne, entendez le hurlement des loups. Les prêtres de la nuit ont entamé une nouvelle messe. Sanctus lupus : In the name of
God !
On vous entendra bêler mes agneaux. «
Amen & Attack » s’impose d’entrée sans ménagement à l’aide d’un chœur vibrant. Puis une fois prévenus, un power metal décapant s’élance à nos gorges. C’est un pur régal dans un style détonant, avec toute la magie du chant lyrique de sieur
Attila Dorn qui fait la différence. Le refrain est jouissif, correspondant bien aux refrains emblématiques du genre. Comme observé sur ses précédents, «
Powerwolf » n’hésite pas à emprunter du côté de «
Helloween » et de «
Gamma Ray ». D’ailleurs on jurerait pour peu que «
Secrets of the
Sacristy » est une version liturgique puisée de l’album « Powerplant » de «
Gamma Ray ». Il n’y a que la voix de
Dorn qui scande des « alléluia amen » qui en changerait le tempérament. Et encore, certaines intonations auraient pour effet de rappeler Kai Hansen, surtout sur le break de fin. On y retrouve le power metal éclatant et technique de la grande époque allemande, allant de la fin des années 80 au tout début des années 2000. Toute l’adresse, toute l’agilité du serpent. C’est très rapide, émoustillant et très loin (pour le moment) de tout aspect horrifique.
Pour retrouver ce formidable emballement mélodique, il faudra attendre le fougueux, l’indomptable «
Cardinal Sin ». Sieur
Dorn devra lui aussi passer à la vitesse supérieure pour suivre ce mouvement de locomotive. La dynamique se révèle plus sympathique, bienfaisante, sur un «
Lust for
Blood » tout en harmonie. Candide comme une colombe, on vous avait dit. Les guitares sont encore de la fête, mitraillant les bancs des fidèles sur « Extatum Et Oratum ». Mais Père
Attila tient à s’imposer et à faire sa messe en latin, du moins le temps d’un entêtant refrain. La vieille langue latine est pleinement honorée. Elle se saisit d’une seconde jeunesse sous les griffes de «
Powerwolf ». Elle figurera ainsi, collégialement avec l’anglais, sur le palpitant hymne « Coleus Sanctus ». Hymne à mid tempo, qui ne néglige aucunement la puissance. Ses couplets avancent à un rythme à mi-mesure, haletant, nous préparant à l’imminence d’une explosion. Il va s’agir du refrain, le point d’orgue qui fait le succès de chaque morceau du présent volume.
Oui ! La douce et blanche brebis peut se transformer en loup. La pleine lune annonce son lot de victimes. Et si « Sacred &
Wild » faisait office de pleine lune au sein de ce «
Preachers of the Night » ? Tout porterait à le croire, tellement ce titre épique nous soulève, nous irradie de ses sonorités galvanisantes. Un loup se réveille en chacun de nous et hurle les paroles du morceau. Place à des mélodies simples, mais qui ont pour effet de vous prendre aux boyaux. Le doux sermon d’« In the Name of
God », lui aussi dans une apparente simplicité, nous ferait toucher le ciel. Quelques passages à la mélodie cristalline très Stratovarienne se confondent au power massif germanique de la formation.
Attila Dorn n’en a cure. Il maintiendra un ton véhément et direct tout le long. Il garde la main, mettant toujours autant la pression sur un vigoureux et brave « Nochnoi Dozor », qui nous emmènera dans des aventures plus chevaleresques, éloignées des sombres chapelles fréquentées par l’inquiétante, mais néanmoins fascinante, formation.
Si vous tenez toutefois, à rester dans la maison du saigneur, prenez votre aise pour écouter le superbe recueil funèbre «
12012 » (en allemand et en latin). C’est une force sinistre, irréductible qui vous plaquera sur votre assise. L’entrée funèbre de l’orgue annonçait déjà la chose. La participation du divin instrument s’illustrera de manière déterminante, rendant l’instant périlleux et intense. Là où règne la noirceur, pénètre la lumière. D’ailleurs, il est à noter que les parties orgue de l’album, identifiables sur «
12012 », mais également sur d’autres titres, à différentes portions, ont été enregistrées à l’église Ste Barbe de Crusnes, en France. La dite église avait déjà eu les faveurs de la formation pour son opus antérieur («
Blood of the Saints »). Rien n’est en revanche aussi funeste et cérémoniel que la conclusion « Last of the Living
Dead », basée sur la prophétie issue du livre de Zacharie de l’Ancien
Testament (Chapitre 14, verset 12). Elle n’annonce ni plus, ni moins que la fin des temps, la fin de tous ceux qui se seront opposés à la vraie foi. Raison de la gravité de la voix. Elle se déploie de manière lente, mais retentissante, faisant profiter encore des quelques instants à venir. L’orgue lui sert de couverture, les autres instruments n’ont le droit qu’à une courte réplique. Et nous serons alors plongés dans le profond silence à partir du milieu de piste. Nous ne parviendrons qu’à cerner le bruit du tonnerre au loin, quelques cris d’animaux pour le restant. Est-ce cela la fin des temps ? La disparition de toute humanité pour faire place à quelques meutes de loups éparses ? C’est pourtant à quoi on se risque d’envoyer les brebis au milieu de ces animaux sauvages.
Sacrée galette, sacré hostie. Leur souhait était ni plus ni moins que d’être sacrés papes du power metal. Une telle chose peut paraître aujourd’hui démesurément prétentieuse. Cependant, on s’accorde à reconnaître une aura prodigieuse, un charme fou à ses calotins en corpse paint. Ils ont embrassé la foi, ils ont été mordus par un loup garou. On se dit que les membres auraient pu tous figurer au rôle du Révérend Lowe dans le film « Peur Bleue », adapté du Roman de Stephen
King. «
Preachers of the Night » auréole «
Powerwolf » de gloire et étend cette passerelle qui les amènera peut-être un jour aux cieux. Si Dieu le veut ! Pour cela, il leur faudra des compositions toutes aussi riches et hymniques. Mais, ayez confiance. Ils en ont pris désormais l’heureuse habitude. « Sans le latin, sans le latin, la messe nous emmerde… ».
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