Il y a ces géants infatigables que rien n’arrêtent ou ne démotivent. Ni les changements de personnel, ni les pandémies et encore moins la perte d’une partie de leur fanbase déçue d’un changement d’orientation musicale assez perceptible.
Soilwork est de ce bois là. Si le personnel est resté stable depuis le départ de Dirk Verbeuren chez
Megadeth, la pandémie a modifié sensiblement les plans des suédois qui sortent finalement le successeur de "
Verkligheten" avec un peu de retard. Ce dernier avait été comme un nouveau départ, après un ensemble d’albums assez cohérents et entrant dans une logique évolutive de la musique de
Soilwork. Atteignant un certain point d’aboutissement sur "
The Ride Majestic" (même si "
The Panic Broadcast" reste le summum du regain de violence du groupe), le combo avait intégré une dose non négligeable de lumière dans sa musique, l’aura de
The Night Flight Orchestra planant parfois (quand les deux compositeurs principaux sont les mêmes, ça devient inéluctable) sur des parties bien plus atmosphériques et aériennes que par le passé. L’ep "
A Whisp of the Atlantic" et son morceau fleuve de 16 minutes avait permis de continuer à expérimenter en se faisant plaisir en plein covid avant le nouvel album complet.
C’est un sacré morceau que présente
Soilwork avec "
Övergivenheten". Quatorze titres pour 65 minutes, autant dire que l’on imagine directement que la dimension progressive et mélodique à encore pris du gallon. Même producteur, volonté d’un son aussi organique que possible, totalité des instruments joués (pas de samples), charte graphique dans la lignée du précédent opus, l’album s’inscrit dans une continuité logique de son prédécesseur, comme
Soilwork aime le faire à travers ses cycles d’albums.
C’est ainsi avec le titre éponyme "
Övergivenheten" (que l’on pourrait traduire par “
Abandon”) que
Soilwork ouvre son disque. Une mélodique acoustique assez mélancolique mais nerveuse, cinématographique, soufflant le froid, accueille l’auditeur durant plus d’une minute. Bjorn
Strid arrive ensuite mais non pas sur un hurlement mais avec une envolée presque mélodique, montrant encore des progrès sur le chant clair (il se bonifie comme le vin cet homme) qui explose sur un refrain sublime, totalement chanté en tonalité mélodique avec une dernière phrase hurlé de son timbre désormais totalement reconnaissable et dans un gimmick connu de tous.
Pas de blasts, pas de vitesse démesurée mais un mid tempo plutôt lumineux au solo aérien qui s’inscrit dans la lignée d’un "
Full Moon Shoals". "
Nous Sommes la Guerre", à l’intro narrative en français (venant de David Andersson et non Sylvain Coudret, le français de la bande, comme on pourrait le penser), de presque sept minutes, enfonce un peu plus le clou dans cette veine (très) mélodique, au chant presque exclusivement clair et au pont progressif coupant le titre en deux comme le groupe l’a finalement très peu fait mais dont "
A Whisp of the Atlantic" a dû être un terrain d’expérimentation. On y retrouve certains instruments plus subtils, quelques notes de flûtes, des guitares très clean et surtout des sonorités de synthés qui proviennent clairement des aspirations de TNFO. Si l’ensemble est beau et bien fait, la composition tire en longueur et manque clairement d’un certain dynamisme pour passionner complètement.
Va alors se poser une problématique sur "
Övergivenheten". On sent
Soilwork dans cette volonté de ne pas se répéter, de renouveler leur son et d’être en constant mouvement. Leur nouveau terrain de jeu étant plutôt atmosphérique et puisant dans les années 70/80, ils perdent inévitablement la dualité qui faisant le sel des suédois.
Pour autant, les vieilles habitudes, si elles ne sont plus systématiques, reviennent parfois au galop comme sur le plus radical "Electric
Again" (qui arrive en 3e position, comme par hasard) avec un Bjorn plus belliqueux sur les couplets et surtout des passages bien plus rapides. Néanmoins, cet aspect aérien et lunaire qui émane du chant clair est totalement présent, tout comme la présence d’un violon électrique en guise de premier solo, avant que la guitare ne s’accompagne d’une accélération redoutable avant la reprise du refrain. "Is It in your
Darkness" sera également apprécié des aficionados de speederies en retrouvant un
Soilwork plus traditionnel, tout comme "This
Godless Universe" qui associe le violon aux blast beat effrénés d’un Bastian Thusgaard s’adaptant parfaitement à tous les styles désormais pratiqués par le groupe. L’album est dense et tellement varié qu’on peut parfois trouver qu’il manque de cohérence, un peu comme on pouvait déjà le rapprocher à l’époque de "
The Living Infinite" qui confondait un peu trop richesse et remplissage.
Ainsi, un "
Valleys of Gloam" fait déjà écho au titre éponyme tandis qu’un "
Golgota", arrivant tardivement dans l’album, peine à déclencher un second souffle dans un disque pourtant pas avares d’interludes ("Morgongäva / Stormfägel", "The Everlasting
Flame") pour tenter de faire respirer tout ça. Un "Death, I Hear you Calling" possède un riff presque hard rock, certaines envolées vocales disco à la TNFO mais avec la prod (quoique certains en discuteront) et certaines accélérations propres à
Soilwork. Un mélange des genres parfois bancal qui ne passe pas toujours, surtout dans un disque aussi long.
Reste cette longue pièce de plus de sept minutes, "On the
Wings of a Goddess
Through Flaming Sheets of
Rain" (rien que ça) et sa nouvelle introduction narrative féminine en français. Le
Soilwork 2022 y est à son maximum, le penchant prog n’empêchant pas la composition de blaster, de hurler tout en incorporant énormément de mélodies dans les lignes vocales et surtout une inventivité réelle dans la section rythmique. Les riffs retrouvent de la vigueur et les leads mélodiques mènent une composition ambitieuse et parachevant les idées de ce douzième disque.
Difficile d’analyser totalement et en profondeur un disque comme "
Övergivenheten". Peu de riffs, beaucoup de mélodies, une multitude d’idées vocales et une expérimentation réelle de leur son mais une perte indéniable de l’énergie qui les a toujours caractérisés. Comme un "
Verkligheten" poussé à son paroxysme et touchant probablement les tréfonds de cette facette, cet album annonce la fin d’un cycle tel que
Soilwork aime les créer. Quelle sera la prochaine étape ? Seuls les maîtres créateurs du groupe le savent … et nous le ferons partager à l’avenir.
Merci la chronique de ce nouveau soilwork et il était temps. Pour moi c'est sublime, un mélange subtil entre death mélodique et et progressif qui se rapproche en effet de leur double album living infinite en plus abouti encore et il faut plusieurs écoutes pour l'apprécier à sa juste valeur. Mais 14/20 ça me paraît très sévère comme note moi je mets sans hésiter 17 voir 18/20.
Une bonne chronique.... en même temps jamais déçu de notre cher Eternalis.
Par contre la note est très sévère. Je lui aurai mis un bon 16. N'oublions pas nos oreilles sont toutes uniques.
Pour ma part je suis plutôt en désaccord. Je me suis interrogé lors de ma première écoute, j'ai eu l'impression que Soilwork calmait le jeu (ce qui me semble très relatif maintenant, même si les mélodies sont à l'avant-plan) je trouve effectivement que "Nous sommes la guerre" est dispensable (et mal placé), mais pour le reste, c'est un carton plein. Varié et cohérent à la fois, inventif, produit aux petits oignons, bourré de bons riffs (là franchement je ne te suis pas, j'en trouve un excellent dans chaque chanson - ou presque), ce sera sans doute mon numéro 2 cette année (devancé de peu par le Ghost). Je ne sais pas quand il arrêtera de tourner en boucle.
Et terrible nouvelle... voilà que David Andersson s'en est allé vers d'autres cieux. Quel gâchis, mais quel gâchis... Gros respect à lui et à son travail, et qu'il repose en paix. Musicalement parlant, c'est une terrible perte à mes yeux.
Je n'ai donc jamais le droit de noter un tant soi peu plus bas
En soi, j'écoute l'album régulièrement, j'ai acheté le double vinyle clear et je l'apprécie beaucoup ... mais objectivement, je le trouve trop proche du précédent avec la "surprise" en moins puisqu'il est à mon sens dans la droite lignée. Plus abouti pour certains, un peu trop réchauffé pour d'autres, chacun son point de vue sur le sujet.
Molick : Kotipelto ? Tu t'emballes un peu ou ça fait longtemps que tu as pas écouté Strato ahah
Amon : Oui, triste "timing" que ce décès après la sortie et avant la tournée ...
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