La terrible crise économique qui secoue la Grèce ne semble pas avoir atteint le label
Nuclear Winter, qui continue imperturbablement de proposer des sorties intéressantes. Après
Drawn And Quartered, c’est au tour de
Karnarium de proposer son nouveau full lenght via le label de
Anastasis Valstanis. Ce combo originaire de Suède oeuvrait jusqu’ici dans un
Death Metal typiquement swedish, style dans lequel il est difficile de se faire une place tant les candidats sont nombreux.
Otapamo Pralaja (
2012) s’avère pourtant plus surprenant qu’on aurait pu le croire, laissant transparaître une personnalité nouvelle.
L’instrumentale de mise en bouche frappe d’entrée, la puissance est décuplée par rapport au premier album, le son est gras et les guitares ronflent comme un vieux Berliet TBO, prélude trompeur à la descente abyssale qui va suivre.
Sur A Maddening Laughter, le
Death sombre et crasseux cher à
Nihilist,
Grotesque ou
Carnage sert toujours de base à la musique de
Karnarium, mais se métamorphose soudain en une créature lovecraftienne cauchemardesque, tel Nyarlathotep qui fricote avec les démons du cimetière de Göteborg… Le côté occulte palpable sur ses anciennes réalisations prend une toute autre dimension. En effet leur
Death Metal à l’ancienne s’est mué en une entité rampante lovecraftienne, usant à loisir de sonorités dissonantes, rapprochant le quatuor de groupes comme
Portal ou
Mitochondrion.
J’ignore si les noms à coucher dehors des musiciens font partie du concept, je n’ai rien contre des patronymes artistico-aristocrates comme Qlane-Ahn F.W. Lephe (chant) ou evil à rallonge à la
Blasphemy comme NekroSadistikWatcher (guitare), mais je n’ai pas spécialement envie de les répéter dix fois, on se contentera donc de parler du chanteur, du bassiste ou du batteur. Un batteur au jeu épuré et old-school d’ailleurs, parfaitement adapté au combo, avec une prise de son à l’ancienne, mais qui sait aussi marteler sévèrement quand il le faut, comme sur Travelling
Through All Spheres of Thought à la puissance écrasante proche d’un
Witchrist ou sur le furieux Order of Ahamkara où les hurlements de damnés accompagnent des guitares distordues et les rythmiques parfois saccadées provoquent un réel malaise.
Au cœur de l’album figure le clou du spectacle, l’occultisme poussé à son paroxysme avec le monstre de douze minutes Per Me Reges Regnant, délivrant un
Death lourd et atmosphérique (dans le sens occulte du terme), ne négligeant pas quelques accélérations bien senties, et une fin interminable et répétitive qui nous aspire irrémédiablement. Ce titre rappelle un autre pavé des cultes
Incantation : Unto Infinite
Twilight /
Majesty of
Infernal Damnation sur l’album
Diabolical Conquest.
L’instrumentale ritualiste qui suit semble dans le prolongement : tout en crescendo comme si des servants de je ne sais quel culte psalmodiaient une incantation visant à nous éveiller d’un cauchemar pour nous attirer dans un autre, d’abord en douceur, puis plus douloureusement.
En plus d’être habile et puissant, Otapamo Prajala immerge l’auditeur dans son concept, la marque des grands disques. A ce propos un artwork moins convenu aurait mieux collé à ce concept aussi sombre et tordu, les pages rouges avec un symbole à la con disséminé ça et là sont un peu légères, dommage car c’est le genre de détails qui font entrer corps et âme dans un disque. Toutefois il en faut bien plus pour bouder son plaisir, ce dernier étant au zénith sur Harness the
Arcane Rhythm avec ses plans plombés, ses larsens qui traînent en longueur et ses accélérations épisodiques à la
Incantation.
Karnarium sort donc brillamment son épingle du jeu, s’éloignant des carcans d’un swedish
Death Metal à saturation depuis bien longtemps, Otapamo Prajala se révèle un disque singulier, s’inspirant de la scène australienne actuelle comme de la scène suédoise d’antan. Sans non plus chambarder les codes musicaux, le quatuor montre que le
Death Metal ne tourne toujours pas en rond, et que l’esprit de l’ancienne époque peut être préservé tout en y apportant des éléments nouveaux.
BG
Tu utilises plusieurs fois dans certains contextes (musicaux et philosophiques) le terme "occulte", à quoi réfères-tu ? Qu'entends par là sur un plan musical ? Un groupe est-il représentatif de cet occultisme musical ?
Plusieurs questions j'en suis conscient mais toutes autour du même thème / terme.
Merci pour ta réponse BG.
Au moins là, je perçois plus clairement le sens de ta chronique.
Encore merci BG.
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