Rares sont les formations metal symphonique croates à venir défendre leurs chances dans un registre metal aussi surinvesti que celui-ci. C'est pourtant le défi qu'a tenu à relever ce jeune quartet originaire de Varaždin. Et ce, avec le risque encouru d'essuyer, comme tant d'autres avant lui, une désaffection prématurée de cette scène-là. Prudent dans sa démarche, opiniâtre et minutieux dans son travail en studio, le collectif s'est semble-t-il donné les moyens de ses louables ambitions.
Cofondé en
2012 par le claviériste/guitariste Petar Škvorc et le guitariste Matija Čić, rejoints dans la foulée par le bassiste Josip Jaklin, le groupe ne s'est stabilisé que bien plus tard. Avec l'intronisation, en 2015, de la frontwoman Ines Siuc, la bande est au grand complet.
Pas moins d'un an plus tard démarrèrent les enregistrements de leur introductif EP répondant au nom de « Optimal Configuration » ; modeste auto-production finalisée en août 2017, où s'égrainent cinq titres sur un ruban auditif de 24 minutes, pas une de plus.
C'est dire que le combo s'est laissé le temps d'affiner ses compositions, son jeu d'écriture, et de peaufiner ses arrangements. Doté d'un enregistrement de bon aloi, signé Marin Kereša, et d'un mixage équilibré entre lignes de chant et orchestration, l'opus a bénéficié d'une pochette d'inspiration futuriste, relevant du trait affiné des graphistes Dora Jovanovska et Mario Strlek. Une jaquette en lien étroit avec la thématique de l'oeuvre, basant sa réflexion sur la création d'une nouvelle espèce d'être humain, toujours plus connectée aux nouvelles technologies, et sur la notion de progrès affectant l'homme et la société en général.
On effeuille alors un manifeste metal mélodico-symphonique cinématique et progressif, doublé d'une touche dark, dans la veine de
Nightwish,
Sirenia,
Delain,
Draconian,
Tristania ou encore
The Fall Of Eve. Ce faisant, sans révolutionner le genre, la troupe affiche néanmoins un réel potentiel technique et des qualités mélodiques qui ne sont pas en reste, tout en témoignant de ce zeste d'inspiration qu'il faut pour parvenir à nous retenir plus que de raison. Et elle ne tarde pas à nous le faire savoir. Ainsi, c'est dans une atmosphère résolument futuriste que la brève entame instrumentale d'obédience cinématique «
Entropy of
Life », de par ses arrangements nightwishiens, nous propulse dans de célestes contrées. Une prégnante entrée en matière qui laisse augurer de sémillants instants en substance...
C'est sur une dynamique rythmique vitaminée que le combo croate marque ses premiers points. Ainsi, on retiendra l'up tempo symphonico-progressif un brin cinématique « The New Design » à la fois pour ses riffs corrosifs étreignant une rythmique tempétueuse, ses nappes synthétiques délicieusement oscillantes, ses fins arpèges au piano et sa sente mélodique d'une précision que pourraient lui envier
Sirenia ou
Delain. Dans ce truculent chaudron orchestral se meut une sirène aux délicates volutes, dans la droite lignée de Laura Tracey (
The Fall Of Eve).
Pour les aficionados d'espaces dark symphonique gothique, ils y trouveront matière à se sustenter. Ainsi, dans la lignée de
Draconian, avec un zeste de
Tristania, l'obscur mid tempo syncopé «
Sin of the
Flesh » nous assène ses riffs massifs tout en nous livrant d'énigmatiques harmoniques. Dans cette atmosphère apocalyptique s'immisce un saisissant duo mixte en voix de contrastes, les graciles impulsions de la belle venant en contre-point des growls ombrageux de son comparse. Ce faisant,le combo feint de nous perdre en de complexes conjectures technicistes pour mieux nous récupérer sur des couplets finement ciselés et d'hispanisantes gammes au maître instrument à touches. Et l'adhésion s'opère sans encombres.
Lorsqu'il s'aventure dans le périlleux exercice de composition de longues tirades, force est d'observer que le collectif s'en sort avec les honneurs. Ainsi, la fresque symphonico-gothico-progressive « The
Omega Point » ne nous lâchera pas d'un iota, nous assénant ses quasi 8 minutes d'un spectacle à la fois épique et mystique, nous faisant frissonner à la manière de
Draconian. Sachant cultiver les effets de contraste vocaux et nous octroyant une stupéfiante montée en puissance d'un corps orchestral qui n'a de cesse de s'épaissir, le méfait fera plier l'échine à plus d'une âme sensibilisée à l'exercice de style.
Soucieux d'afficher une certaine unité à leur œuvre, les quatre mousquetaires ont achevé leur parcours comme ils l'ont commencé, à savoir par la livraison d'un apaisant et profond instrumental cinématique. Ainsi, les seyants accords de « Moving Data » trouveront un débouché favorable auprès d'un auditorat touché par les pièces instrumentales, comme celles concoctées par
Tuomas Holopainen à l'image de « The
Life and Times of Scrooge ».
Nos acolytes ont manifestement bien appris les leçons de leurs maîtres inspirateurs ; plus encore, ils les ont digérées suffisamment pour nous offrir une œuvre puissante, variée, sensible, voire pénétrante, et jouissant d'une belle profondeur de champ acoustique. On aurait peut-être souhaité quelques prises de risques supplémentaires et des lignes mélodiques, certes avenantes et finement élaborées, mais un poil moins convenues. Cependant, pour un premier jet, en dépit du modeste format de l'offrande, la bande des quatre déploie un arsenal de compétences insoupçonné, savamment orchestrées et aptes à générer quelques émotions auprès de l'aficionado du genre. C'est dire qu'à l'aune de cette proposition, la jeune troupe serait déjà susceptible de maintenir la tenace concurrence à distance. A quand le premier album full length ?...
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