“Ce qu’on appelle la vie est simplement un chaos d’existences qui se désagrège à chaque instant”
Yukio Mishima
Manson. Le chaos. Les nombreuses vies qui ont tourné autour de lui. Autant dans la sphère privée que musicale. Car les musiciens, compositeurs, producteurs ou artistes en tous genres sont nombreux à s’être frottés à l’homme, réputé indomptable, colérique et égocentrique pour finalement jeter l’éponge après plusieurs expériences.
Pourtant, comment ne pas reconnaître en Brian Warner cette faculté de bien s’entourer, de ses débuts avec Trent Reznor et le fabuleux "
Antichrist Superstar" à ses successeurs auréolés de succès que furent "Mechanicals Animals" et "
Holy Wood" qui avaient défrayés la chronique avec provocation envers l’Amérique puritaine et hypocritement sage.
Néanmoins, les excès et les vices avaient petit à petit éloigné le chanteur torturé et malfaisant d’une simplement bonne musique et il faut bien avouer que depuis le démentiel "
The Golden Age of Grotesque" (qui a désormais plus de vingt ans), les sorties se suivent et se ressemblent. Quelques bons titres pour "Eat Me Drink Me" et "
The High End of Low", la purge "
Born Villain", les anecdotiques "
The Pale Emperor" et "
Heaven Upside Down" puis un "
We Are Chaos" soporifique qui ne finissait pas d’enfoncer le référent dans l’anonymat d’une carrière belle et bien passée.
De nouveaux déboires judiciaires, des accusations d’agressions sexuelles et des poursuites en tous genres. Voici les raisons pour lesquelles on écrit sur
Marilyn Manson aujourd’hui. Mais comme à l’époque de
Holy Wood et du procès qui cherchait à créer un lien entre lui et la tuerie de
Columbine, on pourrait croire de l’extérieur que toute cette adversité lui a permis de retrouver une hargne, une rage et une fureur noire qu’il avait complètement perdue.
"
One Assassination Under God - Chapter 1" surprend à plus d’un titre. Déjà par sa qualité, son intensité, son aspect condensé et surtout par sa teneur industrielle, sombre et poisseuse que nous n’avions pas entendu depuis … vingt ans !
Ecrit avec Tyler Bates (guitariste, compositeur et producteur de "
The Pale Emperor" et "
Heaven Upside Down"), l’album dégage avant tout une noirceur véritable et malsaine, loin du rock indus sans âme qu’il propose depuis tant d’années.
Dès le titre éponyme, une épaisse couche de brouillard se tisse dans ces claviers cadavériques et dans la voix narrative, grave et presque chaude de Manson. On se croirait revenir à la grande époque. Un premier riff lent et décharné avant qu’il ne se découpe de façon mécanique, très typé 90, lourd et tranchant comme un rasoir. L’ambiance se noircit de plus en plus et surtout apporte une véritable densité sonore, Manson lâchant même des cris que nous n’avions plus entendu depuis des années, et dont nous n’étions plus certain qu’il soit capable de cracher avec autant d’agressivité. L’album sera à cette image. Retravaillant le passé et l’héritage avec une production moderne mais ne dénaturant à aucun moment le travail du révérend, de nouveau crédible artistiquement.
"
As Sick As the Secrets Within", déjà dévoilé, fut une véritable claque tant l’aura qu’il dégage nous ramène aux débuts des années 2000. Autant dans l’ambiance sourde, dans les sonorités crades de synthés et surtout dans cette voix que nous pensions enfouie, parfois doucereuse et pénétrante mais capable de se montrer bien plus rugueuse et létale quand le moment se fait sentir (écoutez moi ce break à 3min40). Nous passons d’ambiance malsaine et introspective comme “No
Funeral without Applause” et sa longue montée en puissance à une explosion quasiment punk de "Nod if You Understand" et sa ligne de basse prédominante tandis que "Meet Me in
Purgatory" renoue avec l’aspect shock rock d’un "
Mechanical Animals" dans son accessibilité et son refrain presque pailleté. Quant à "Raise the
Red Flag", c’est dans la noirceur industrielle de guitares grasses et saturées qu’il puise son agressivité pour, là encore, permettre à Manson de chanter comme il ne l’avait pas fait depuis des années. Un chanteur qui se permet même d’être touchant sur un "Death is not a Costume" qui prend ici et là des influences plus modernes (la batterie totalement électronique par exemple) pour les fusionner avec son aura pour en faire un morceau poignant.
"One Assassination Under
God" est-il parfait ? Est-il un futur classique ? Non. Il n’est ni révolutionnaire et il est probable que si Manson n’en était pas à l’origine (tiens, cette phrase pourrait s’appliquer à
From Zero de vous-savez-qui), beaucoup moins de journalistes écrirait dessus. Il permet néanmoins de le (ré)asseoir de nouveau à la table des négociations du metal en 2024, d’autant plus que les récentes prestations scéniques sont plutôt de très bonnes augures. "
Sacrifice of the
Mass" permet un épitaphe acoustique faisant mouche et parvenant même à surprendre dans les notes qu’il se permet d’attendre dans la seconde partie du titre. Une synthèse du meilleur, comme le démontre l’artwork piochant dans la trilogie magique. C’est déjà beaucoup, quand on tutoie les bas-fonds depuis tant d’années.
Je pensais pas autant apprécier un album de MM en 2024
Tout est dit dans cette chronique. Merci!
J'ai complètement accroché à la chanson éponyme dès la première écoute. Raise the red flag m'a fait perdre plus de 20 ans. :D Très bon cru cet opus!!!
Les 3 précédents albums étaient tout sauf anecdotique au contraire, par contre The Golden Age of Grotesque c'était le début de la fin. The Pale Emperor a fait une sacrée remontada depuis. J'ai hâte de me plonger dans le nouveau.
Mouais, pas forcément d'accord, (mais ça les goûts et les couleurs, on va pas épiloguer 10 piges la dessus)... Pale Emperor et Heaven Upside Dawn reste pour moi deux très très bon albums.
We are Chaos, étai sympas mais bien en deçà de tout ces oeuvres.
La, j'ai juste l'impression d'écouter du Emigrate. En me concentrant et sans me dire que c'est un album de Manson et faire fie des autres, Y a de très bons titres d'où ma notation de 16, au même niveau que Eat Me, Drink me, Born Villain et Portrait of American Family. Bon, mais pas sûr qu'il tournera souvent
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