Quelle vie de Chien! Pourquoi la vie d'un homme a t-elle été aussi longtemps comparée à celle d'un clebs? Qu'est ce qui le lie à cet animal? L'Homme est une évolution en continuelle dégénérescence, il est né prédateur, mais ce n'est qu'un loup à quenottes. Un être dont l'existence est attachée à un foyer, à un toit, à une écuelle, à une chaîne. L'être pourra toujours aboyer, gémir après les menaces, après le sort qui s'acharne. La seconde étude de "
Barabbas" ne porte pas sur le chien, mais bel et bien sur l'être humain. Après son saillant éponyme de 2011, qui avait porté au grand jour un doom metal typé stoner entièrement bâti dans la langue de molière, une véritable curiosité en soi, "
Barabbas" comptait bien aller plus loin et frapper plus fort les consciences. Paix à notre âme! Le second office fut venu pour le groupe francilien, alors constitué en quatuor. "
Messe pour un Chien", entièrement autoproduit en 2014 à Savigny-Le -
Temple, était destiné à faire trembler les pierres. A défaut de faire revenir les morts à la vie, il ramène l'Humain à son animalité primaire.
L'introduction intitulée "La Malédiction de Sainte Sélène" ouvre par une marche nonchalante, ponctuée par quelques cris de corbeaux. Puis le couperet tombe, l'atmosphère devient subitement pesante comme si nous avions eu à passer les portes des Enfer. On entend alors narrer un passage d'Essaïe, extrait de la Bible et faisant référence directe à l'ange
Lucifer. Le ton est donné. Dans cette pénombre, nous est ensuite donné un choix "Le Couteau ou l'Abîme", difficile choix. Ce second morceau s'illustre par sa lourdeur et ses sonorités graveleuses. Le chant prend des airs fantomatiques, comme si lui avait déjà choisi au préalable et nous invitait à l'accompagner dans sa demeure solitaire. Le périple, d'abord intimidant, au pas à pas, gagne en seconde partie de piste en intensité. Le périple était sinueux, il devient palpitant. Ce sentiment de dérive se retrouve sur l'extrait "Priez!", peut-être moins soumis à l'obscurité, mais toujours aussi heurtant. Aussi en partie à cause des paroles.
Ils auront poussé jusqu'au blasphème, ne craignant visiblement aucun courroux à ce qu'on découvre à travers "Moi, le Mâle
Omega". Un titre aux riffs abrasifs, imposant une dynamique qui le ferait flirter avec un gros rock bien massif, bien bourrin. L'énergie est imparable, indomptable. On sent globalement une proportion stoner plus en retrait en comparaison de l'album qui a précédé. Il y en aurait néanmoins une proportion non négligeable sur le sulfureux "Le Sabbath dans la Cathédrale". A propos de cathédrale justement, on y cerne l'influence de la formation britannique "
Cathedral" dans ce morceau aguicheur, mais néanmoins menaçant. Un assez long extrait, qui emploie à son compte quelques airs planants, voire même orientalisants sur la partie instrumentale présente à partir du milieu de piste. Il n'est pas à douter que le dit morceau est spécialement conçu pour mettre le feu et la confusion parmi les spectateurs qui les suivront lors de concerts.
"
Barabbas" nous parle de la Femme; la pécheresse, la vendue, la malicieuse. Celle pour qui on voudrait crever, celle qui n'est là que pour notre plus grand malheur. Loin donc d'adopter tout discours féministe. Le disque nous rapporte uniquement les rapports de l'Homme avec ses perversions. On l'a très bien cerné avec "Moi, le Mâle
Omega", nous en avons une sombre et très efficace redite avec le tonique "La Beauté du Diable", revisitant au départ quelque peu le conte du chaperon rouge; Autre histoire d'un rapport entre l'innocence et la perversion. Le mâle était sûr de lui, mais le voila suppliant sur l'implacable "Judas Est une Femme", aux riffs nonchalants, dégageant une certaine sensualité perverse et addictive. Une tuerie, un meurtre, un supplice. Après le vice, il y a la mort, celle-ci nous accompagne dans ses lambeaux durant le lent et triste dernier morceau, une déshérence nommée "
Messe pour un Chien". Les parties vocales ne claironnent plus. C'est le dépit qui prévaut pour coucher dans le dernier lit de son existence. Un lit à place unique.
Ce sermon, c'est tout une vie, une existence à faucher, à s'adonner à ce qu'on croit être le bonheur, une existence insouciante qui finira néanmoins par découvrir rapidement le péril à force de se croire le plus malin ou le plus fort. Fini de rigoler. Le destin a le dernier mot et se joue bien de vous. On l'estime cruel, mais personne n'est apte à le juger. J'en ferai différemment des mortels que sont les membres de "
Barabbas". Ils ont joué de nous avec une efficacité qui ferait pâlir même certaines grandes formations de doom metal. "
Barabbas" est une grande révélation du doom metal français, et n'ayons pas peur des mots, du metal en français. L'addition des deux (doom metal et langue française) est déjà si rare, si en plus, cela est accompagné d'une grande qualité de composition et de titres tueurs, je voudrais bien considérer ce groupe comme un véritable phénomène. J'espère seulement qu'ils connaîtront la gloire pas l'injustice, comme celle subie par le pauvre chien Barry qui sauva 40 personnes et fut tué par la 41ème.
17/20
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