L’année 1981 a été marquée par l’arrivée de la Gauche au pouvoir en France alors qu’à l’Est commençaient à poindre les premiers vents de révolte. Le clivage gauche-droite en politique était la base de nombreux débats et positions de principe sur bien des sujets de société. L’ami Bernie se faisait gorge chaude d’éveiller nos esprits de jeunes blancs becs à quelque réflexion politique. L’album
Répression et son «
Antisocial » immortel et intemporel résonnaient encore aux oreilles de la classe ouvrière. Pourtant, ce que je ne voulais pas manquer ce mercredi là c’était la diffusion du clip de «Certitude,
Solitude» dans Platine 45 sur Antenne 2, présenté par Jacky. Celui qui fit partie ensuite de la bande à Dorothée s’illustrait en ce début des années 80 en un Antoine de Caunes du service public, au look improbable de dandy et à l’allure décalée dans ses interviews où il semblait sortir de son plumard.
Qu’importe, le Télé Poche de la semaine indiquait qu’il allait mettre
Trust au menu de la semaine. Après le générique de Jacno (le cultissime «
Roulette Russe»), place enfin à notre meilleur groupe de
Hard Rock hexagonal. Waow, le titre est méchant. Putain, Bernie, qui avait encore des cheveux, porte un col en moumoute sur son blouson en cuir, alors que le mien n’est qu’en jeans! Le titre assure bien. Grosse pêche après une entame très calme, le déluge de guitare et de mots comme on aime et encore plus, quand c’est
Trust qui est aux manettes. Un break où Bernie à nouveau parle plus qu’il ne chante et le morceau qui repart. C’est donc plus que confiant que je raflais du rayon disques du Monoprix du coin cet album à la pochette ma foi réussie. La Gibson de Nono déchirant un ampli bois de l’époque, ça commence bien. Une composition de groupe parfaite aussi avec Bernie, Nono, Vivi et un second guitariste
Moho accompagné de Nicko Mc Brain, qui pour l’album suivant cédera sa place à l’icône Clive Burr. C’était, comme au foot, le début des transferts et l’échange réciproque
Trust/Iron Maiden un témoignage de réussite pour nos frenchies.
Paradoxalement, la magie de
Trust ne fonctionne que si les textes chantés ou ânonnés par Bernie sont en parfaite symbiose avec la musique. Lorsqu’il y a un trop grand décalage, on se trouve confronté à un groupe coupé en 2, où le chanteur/brailleur s’essouffle dans des refrains naïfs alors que la musique se perd sans conviction dans les méandres de compositions moyennes, malgré une production de bonne qualité. Ce disque nous réserve donc une première face un poil en retrait d’où seul surnage «La Junte». Dès les premières mesures, ce titre apporte l’éclaircie que le disque avait du mal à nous laisser percevoir jusqu'alors. La guitare est inspirée et le chant vindicatif met en plein dans le mille. On se met à partager la haine des juntes au pouvoir en Amérique du Sud. Nono et
Moho nous régalent et la base du jeu de Nicko complète les ingrédients de cette magnifique baffe. Fortunes diverses pour les autres titres de la face A. «La Grande
Illusion» est un pamphlet contre les promesses électorales qui souffre comme «
Répression» et «Misère» d’un refrain en demi-teinte, malgré quelques beaux et bons passages de guitare. «Le Sauvage» est sauvé par la ligne de batterie et un break de guitare en arpège tout en délicatesse et qui redonne un peu de peps. L’impact de ces 4 titres aurait été bien meilleur si la cohésion d’ensemble avait été plus forte.
La déception est vite balayée par une face B qui enchaîne les réussites. Au même titre que «La Junte», la politique étrangère est abordée au travers du morceau «Les Brutes», réquisitoire anti URSS, tranchant comme le riff acéré de
Moho. Un break de Nono annonciateur d’un solo, encore un, plein de toucher et de feeling, soutenu par une rythmique basse/batterie aux assises solides et swinguantes. Une tentative de flash-back avec «
Marche ou Crève» sur cinq premières années d’existence aussi violent qu’un crachat à la face d’un flic. Un morceau presque speed pour ce groupe, une tuerie qui enchaine intro/couplet/refrain et break à un train d’enfer. La guitare de Nono qui gémit sur un solo brillant et le Nicko qui assure le tempo. Du
Trust haut de gamme. Vient enfin, à mon humble avis, la petite boule d’énergie de l’album avec «Les Templiers». Le riff est assassin, tel un destroyer, et la rythmique bastonne fort. Des paroles qui se retiennent sans le moindre problème et que votre serviteur est encore capable de vous envoyer sans trou de mémoire ou presque, 30 ans après. Hypnotique ! C’est aussi le qualificatif que je retiendrai pour «
Ton Dernier Acte», aussi émouvant que révolté quand on sait que Bernie partageait le début de cette funeste soirée avec le géant, Ronald Belfort « Bon » Scott. Un gros blues quasi asphyxiant par moment, tiraillé entre l’injustice des paroles et la justesse de l’interprétation des musiciens. Quelque part entre le calme et la violence, véhiculés par un sentiment de profonde tristesse. Qui aime bien châtie bien. Les hymnes de cet album gomment les petites faiblesses et imperfections. On pardonne tout à ces favoris. Même d’être passé chez Michel Drucker et son Champs Elysées quelques années plus tard…
J’adore les gens qui causent et qui pensent posséder la musicalité…
Jennifer, c'est de très belles paroles sur une musique qui essaie de remplacer Joe Dassin ou Mike Brant ;)
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