Effacons le doute tout de suite : Contrairement à son homologue Californien
Deftones,
Korn ne fera jamais mieux que son éponyme. Et l'effet de fraîcheur de la découverte n'en n'est finalement pas la première raison.
Donc allons droit au but :
Life Is Peachy est moins bon, beaucoup moins bon que son grand frère. On concevra sans trop d'hésitation qu'un tel monolithe noir respirant le malaise juvénile, au vu de sa relative simplicité d'arrangement, nécessitait un groupe soudé, inspiré et un contexte particulier.
Pourtant, en 1996, cette nouvelle symbolique Néo avait un sens. Ses acteurs encore en fort petit nombre avaient trouvé une recette qui tue. Celle-ci touchait un public jeune, parlait à ses préoccupation directe, décrivait ces cours de collèges grises et enbrumées par l'angoisse et les substances, encore loin du caprice, du consommable et du superficiel.
Korn particulièrement aurait reçu son certificat du porte parole des jeunes rebelles et ados en détresse, le sac à dos badigeonné au marqueur, trimballant l'envie, l'ennui et la boule au ventre. Nous sommes encore à des années lumières des simulâcres que la scène chiera par camions entiers, représentants de l'immense et presque soulageant seppuku artistique du Nu
Metal.
Deux ans avant,
Korn sortait un monstre. L'album éponyme était un monolithe noir à l'acné assumée. Bien plus que la fusion et l'alternatif des RATM ou
Faith No More, il fit fuir les metalheads aguerris. En contrepartie, il récupéra un public nouveau, construisit une fanbase qui allait devenir une nouvelle foule de consommateurs au service d'un filon à côté duquel un éditeur rentable ne passe rationnellement pas.
Quelle importance après tout? Tout ça n'est pas encore arrivé. Et
Life Is Peachy n'a pas encore marqué le début du déclin vertical du genre. Il est juste moins bon...
En abordant le disque, ce n'est pas ce qui saute aux oreilles. Le son gras singulier de
Korn est bel et bien présent. Le couple imparable Silveria-Fieldy n'a pas lâché ce don pour le groove malade. Ni head, ni munky n'ont arrêté le jeu bruitiste.
Jon Davis a gardé son expression nuancée et efféminé.
Les différences arrivent plus tard, et justifient à elles seules la petite déception.
Le premier indice est au niveau du son : le premier
Korn était pourvu d'une production organique qui faisait voler la tripaille tout en restant relativement claire. La présence des effets sur les cordes était équilibrée, ce qui n'empêchait pas l'overdrive de créer un climat poisseux.
Life Is Peachy en rajoute des tonnes. Les guitaristes au jeu tendant toujours plus vers la non-mélodie se parent d'une nappe de boue que l'on aurait pu croire propre au
Sludge. L'album est crade, très crade, mais souvent vainement.
Car
Korn imbrique ces petite mélodies naïves dans ses morceaux et le fait avec plus ou moins de maladresse. Si ces dernières se montrent cohérentes sur des titres comme
Ass Itch,
No Place to Hide respirerait presque la caricature sur son couplet.
Le jeu global se testant sur des rythmiques parfois funky et hip hop vient lui aussi poser un décalage frustrant avec l'atmosphère âcre et huileuse. Et enfin, le plus décevant, les morceaux ont cette foutue tendance à se suivre et à se ressembler. Les tubes comme A.D.I.D.A.S sont certes efficaces, mais cette structures en boucle qui apparaît dans l'album finit par gonfler.
Pour contrer ce point-ci, une série d'interludes et parenthèses diverses qui ratent leur cible : Un feat avec Chino Moreno qui sentait bon sur le papier, et qui s'avère finalement être une fusion rap metal sous ecstasy parfaitement dispensable. K@#0%! et son flot d'insultes qui ne parvient pas à combler un refrain foiré ou un
Lowrider se voulant humoristique et pulpeux mais qui n'apporte même pas de bouche d'aération.
Seul porno-creep s'en sort avec brio.
Tout ça craint vraiment quand tu sais ce que le groupe a pondu deux ans avant... La faute à des expérimenations peu senties et bordéliques, mais aussi certainement à une inspiration légèrement tarie.
Bon, voilà, la liste amère est sortie, on peut lancer la machine à ovations :
Life Is Peachy, en dépit de tout, préserve l'aura noire de
Korn. La recette est un peu essouflée mais définitivement présente. L'atmosphère de début de disque ne trompe pas : durant tout sa première partie, l'album fait un sans faute. Twist est une folle mise en bouche à l'acide, le riff est caverneux et sale, le slap fieldien attaque la nuque, david silveria fait preuve d'une versatilité encore absente du précédent. Swallow est rampant, le riff de
Good God et sa nappe de guitare assomment et lost et son power-chord défiguré et opaque crée un climat d'enfermement.
Le sommet arrive sur Mr Rogers, une sordide histoire de voisin abuseur d'enfant, où le riff s'assombrit, où les nappes guitaristiques se font lancinantes, où les cassures rythmique prennent sans arrêt l'estomac, où les légers silences se supportent comme des enclumes , ce titre est une perle toxique et dépressive noyée sous les flangers et coups de butoir du talentueux Fieldy.
On avance... jusqu'à la fin. A l'image du terrifiant Daddy,
Kill You se veut être une longue pièce exutoire. En dépit du numéro de pleurnichard un peu facile, nous avons ici un titre au riff captivant et puant le viol d'innocence, ce savoureux alliage conçu de terreur infantile et du paradoxe entre l'hostilité du riff et la voix androgyne et fragile de J.Davis, ce que
Korn manie à la perfection.
En fait, la semi-déception que l'on peut ressentir à son écoute ne provient pas vraiment de l'absence de contenu. Elle est surtout liée à l'avenir du groupe.
Et puisqu'il n'y aura plus de chronique de ma part pour ce groupe enterré depuis longtemps, petite rétro - prospective de leur carrière :
-
Follow the Leader se rapproche de l'amour pour la pop de J.Davis,
Korn se lisse et perd beaucoup de son encre visqueuse.
Son caractère simple et immature oublie sa spontanéité et devient un talon d'achille.
-
Issues est l'album le plus abouti du groupe, un autre monolithe un peu moins noir que leur première mouture mais parfaitement dans l'esprit et équipé des meilleurs riffs et de certains des plus grands titres du groupe (dont le chef d'oeuvre 'No Way' ). Dernier coup de maître.
- L'histoire de
Korn s'arrête là. Juste au correct Intouchable... Il sortent un album "faussement retour au sources" qui sera l'une des pires conclusions stylistiques de l'histoire du metal. Le reste ne sera qu'une longue suite d'épisode ratés par un cadavre spasmophile, malgré les essais et prises de risques parfois fructueuses de
See You on the Other Side.
Indifférence totale désormais. Parfois, il semble que la puissance de
Korn fut étroitement liée à l'histoire chaotique et douloureuse de ses membres, en particulier son frontman. Ce fut également un argument de commerce valable pour le public visé. Désormais engraissé, embourgeoisé, vidé de sa substance, popisant et niais,
Korn est mort.
The End... (mommy why?)
Là tu gicles : Mr Rogers.
Toujours du grand
Korn : Chi,
Lost, Swallow,
Good God,
Kill you.
Redondant, naïf mais efficace : A.D.I.D.A.S,
Ass Itch,
No Place to Hide.
Parfaitement inutile : Wicked, K@#0%!,
Lowrider.
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