«
Virgin Steele », cette institution du heavy metal épique américain, emmenée par le duo David DeFeis/Edward Pursino aura commis au moins une infidélité à son genre de prédilection. Il est une date dans l’Histoire où le vaillant serviteur de
Rome aura déserté les champs de bataille pour revenir à la douceur du foyer auprès de sa belle. 1993 marque l’arrivée d’un intrus dans la discographie des New-Yorkais. Après une période de cinq ans qui suit le précédent album, décrite comme particulièrement compliquée dans les relations entre les différents membres (se concluant d’ailleurs par le départ du bassiste Joe O‘Reilly), «
Virgin Steele » change de thème et de registre avec un «
Life Among the Ruins » au hard rock très prononcé. «
Noble Savage » et « Age of Conscent » apparaissaient déjà comme des albums phares qui glorifiaient la formation. Après ces succès remportés de haute lutte, le virage exercé apparaissait donc comme une entreprise hautement risquée. Certains parleront de défection impardonnable. Ce sera avec cet album que le nouveau bassiste Rob DeMartino fera ses premiers pas. Il imprégnera ainsi ses marques en terrain délicat.
Repose ton glaive et prend une rose en échange.
Quand on fait allusion à la rose, on en vient immédiatement à la femme. Celle qui nous chavire, celle que l’on voudrait tant conquérir ou conserver. «
Virgin Steele » passe ainsi de l’académisme au romantisme, préférant s’enlacer dans les doux bras des sirènes plutôt que de poursuivre la route dans leur navire de guerre. Cependant, ne nous montrons pas si naïfs. Quand un homme parle (en bien) de la femme, il songe avant tout au sex et au plaisir. La formation ne fait pas ombrage de cette dure vérité en annonçant directement la couleur avec son «
Sex Religion
Machine ». Le rythme y est sexy, déhanché, comme si nous avions affaire à une nouvelle œuvre de «
Whitesnake ». Le serpent blanc est très souvent cité quand on se réfère à ce présent volume des américains. Le chant torride et charmeur adopté par DeFeis serait en tout cas là pour ajouter encore à la confusion, imitant ainsi le style du maître et confrère
David Coverdale.
De cette rythmique aguicheuse et par à coups, «
Virgin Steele » en use et en abuse. Ainsi, «
Crown of
Thorns » et « Love’s Gone » utilisent de même une approche féline au pas à pas, qui s’avère globalement entrainante, si en plus celle-ci se voit accompagner d’un refrain solide. C’est d’autant plus vrai concernant le redoutable « Love’s Gone » qui s’inscrit dans le meilleur de l’opus. Ce titre offre autant de répondant que le tonitruant « Too Hot to Handle » s’assimilant davantage à la scène glam pour son côté insouciant et festif. La gratte du padre Pursino y est particulièrement démonstrative. Le riffing de ce dernier se montrera plus tranchant sur le morceau «
Jet Black », bien que son hard rock ne s’impose pas véritablement par l’originalité ou l’inventivité. Ce serait le même reproche que l’on pourrait faire à la suave ballade «
Never Believed in Good », malgré la très bonne prestation de David DeFeis.
Le groupe n’a pas lésiné sur le sucre glace. Pour exemple, « Invitation » ou encore « Cage of Angels » que l’on pourra considérer comme des interludes au piano, atteignent un tel niveau de délicatesse et de sensualité qu’il ne serait pas osé de le comparer à celui d’un « Careless
Whisper » ou d’un « Jesus to a Child » de Georges Michael. «
Virgin Steele » aura donc voulu se rouler dans les draps de soie blancs, n’hésitant plus même à s’engouffrer dans un hard FM tout de même accrocheur sur « Love Is
Pain », moins persuasif par contre sur un « I Dress in Black » qui nous mettrait trop longtemps dans l’attente.
Des titres bonus sont prévus sur l’édition
2012 du produit. Le très bluesy «
Snakeskin Voodoo Man », marqué par ses influences d’Elvis Presley, n’avait figuré au sein de l’album que dans sa version américaine. En Europe, il n’a figuré qu’en tant que single; diffusé dès 1992. Aujourd’hui, il s’incorpore pleinement à l ‘album comme les voluptueux et doux «
Wildfire Woman » et « Last
Rose of Summer ». Ce dernier est une pure démonstration de tendresse et de candeur. Un véritable hit dédié à l’amour. Sans doute l’un des plus beaux et innocents baisers offert par «
Virgin Steele ».
Il y avait de quoi tomber de sa chaise à l’écoute d’un pareil volume. Le changement est pour ainsi dire brutal. On devine déjà les fans du groupe, qui avaient été éblouis par le heavy « péplum » d’alors, maudirent DeFeis et ses potes. En guise de combats nus dans une arène avec des armes rouillées, on assisterait plus à un vaste étalage de sucre et de miel. Gare au diabète, parce que «
Virgin Steele » en met une sacrée couche, au point que l’on perd toute trace de heavy metal dans la musique. Très vite l’œuvre sera assimilée à un «
Whitesnake »-like. David DeFeis aura même tenté de se confondre avec le très saint et spirituel
David Coverdale. Mais entre les deux David il n’y a qu’un seul dieu de l’amour. L’autre est le dieu de la guerre.
14/20
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