Quand
Killing Joke (La Blague qui Tue) se forme à la fin des années 70 cela fait déjà quelques mois que le mouvement musical Punk mené, entre-autres, par les Ramones,
Sex Pistols, The Damned, The Clash a dit l'essentiel (la période d'or étant celle de la seconde moitié des années 70), a atteint son point culminant et commence à s'essouffler. Seuls ceux qui sauront se faire plus inventifs auront désormais une cHance de percer puis se développer durablement.
C'est ainsi dans ce contexte que le combo londonien, dont les figures emblématiques sont alors Jaz Coleman (cHant, programmation) et Geordie (guitare), sort ce premier album après quelques productions éparses dont le single "Turn to
Red".
Alors il est clair que si
Killing Joke n'est pas un groupe
Metal, il est indéniablement Post-Punk, que ce soit par les thèmes abordés, ses influences, son esprit contestataire, son approche musicale - et notamment par ses riffs typiques. Et déjà, chose combien ô surprenante pour un premier album, le son
Killing Joke est déjà là, ce qui n'est pas étonnant lorsque le groupe confessait lui-même qu'il avait porté beaucoup d'attention à cette recherche d'une sonorité si particulière et individuelle. C'est ainsi le guitariste Geordie qui portera l'essentiel du son "made KJ". Toutefois, la section rythmique ne sera pas en reste et portera quant à elle la structure très tribale de la plupart des morceaux du groupe, rythmes tribaux que l'on retrouvera essentiellement dans les premiers albums mais qui ne disparaîtront jamais totalement.
Déjà donc, en
1980, le combo qui possède déjà sa pâte si particulière, donnera naissance à de multiples rejetons sur diverses scènes et nombreux seront les groupes qui avoueront avoir subi ses influences. Car dès ce premier album
Killing Joke présente un visage multiple.
Tout d'abord, à l'instar de l'image de la pochette (ne pas oublier le verso également qui présente en fond des maisons que l'on dirait tout droit tirées d'une cité industrielle) en noir et blanc, le groupe nous délivre là une musique froide, sale, minimaliste, hypnotique, déjà industrielle (l'électronique de "
Requiem" qui ouvre l'album) et au cHant torturé, voire rageur. Si justement "
Requiem" est plutôt un titre calme, "
Wardance" ne peut nous faire oublier que le combo est Punk : voix distordue et revendicatrice, un riff crasseux et typique, un refrain minimaliste repris comme un hymne.
Mais déjà le
Killing Joke tribal et hypnotique est bien là. Une coïncidence ? Ecoutez le titre suivant "Tomorrow's World". Il n'y a pas de place au Hasard ici. Car les albums suivants sublimeront ce côté mystique, voire psychédélique, cHamanique même pourrait-on dire. Et une basse qui s'impose voilà encore un signe distinctif du combo. La basse est souvent mise en avant, elle est un individu à part entière de la formation, elle a toute sa place dans le cercle de danse.
Mais
Killing Joke montre aussi un côté plus
Metal avec son riff sur l'instrumental "Bloodsport". Ou sur "The Wait", titre qui sera repris par
Metallica dans son double CD "Garage INC". Ouverture électronique, basse ronflante, cHant rageur, jeu plus rapide, une guitare mordante, ce morceau est l'un des plus rentre-dedans de l'album et l'un des plus efficaces.
"Complications" est quant à lui plus ambigu, aussi péchu, mais plus rock, plus groovy, il semble paradoxalement être Habité par un côté New-Wave que le groupe nous offrira cinq ans plus tard sur l'album "Nightime". Peut-être que cela est dû à ce jeu de basse et un cHant plus mélodique. Punk et New-wave à la fois, décidément cet album éponyme est d'une richesse bien plus grande que son aspect minimaliste pourrait le laisser supposer de prime abord.
Et ensuite des rythmes martiaux sur "S.O.36", une sonorité et une ambiance qui lorgne du côté de la scène qu'on appelera plus tard "batcave", ce morceau de près de sept minutes froid, presque glacial, et sombre, pourrait quant à lui être qualifié de gothique ou tout du moins pourrait passer sans choquer sur un des premiers albums de
Virgin Prunes par exemple.
A noter que si vous diposez de l'album réédité en 2005 vous aurez la joie d'avoir quelques bonus dont le fameux titre "CHange", un single de l'époque qui s'est bien placé dans les cHarts des deux côtés de l'Atlantique. Guitare incisive, cHant rageur, rythmique hypnotique confinant à une Hallucination au LSD, on comprend pourquoi le titre fut souvent joué à l'époque dans les clubs.
C'est donc avec ce premier album un
Killing Joke déjà affirmé auquel nous avons là affaire. Affirmé, déjà reconnaissable parmi tant d'autres, rageur et sale comme du Punk, froid et sombre comme de la New Wave, noir, mélancolique et torturé comme du Gothique, tribal et martial comme de la musique Industrielle, comment ne pas percevoir ici toute la richesse de cette première offrande ?
Pas étonnant de constater qu'ils seront nombreux ceux qui viendront faire leurs amplettes de ce côté.
Pourtant bien sûr ce premier album ne justifie pas à lui seul la renommée du groupe et rate de peu le statut de chef-d'oeuvre par la faute de quelques titres un peu plus faibles (ou moins remarquables) à l'instar de "
Primitive" ou "Bloodsport". Toutefois, il contient son lot de classiques : "
Requiem", "
Wardance", "The Wait" ou "Complications"; soit la moitié des titres.
Pas mal pour un premier album non ?
Note : 15.5 arrondie à 16/20.
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