Avec son précédent album, «
The Fourth Legacy »,
Kamelot a mûri et a même créé un disque vraiment exceptionnel. Donc, la question que nous sommes en droit de nous poser en ce qui concerne «
Karma » est de savoir si l’opus précédent était unique, ou si le groupe a été encore plus loin !
Pour tout dire, nous pouvons être vite rassurés. Néanmoins, il serait trompeur d'affirmer que «
Karma » est de meilleure facture que son prédécesseur puisque les deux albums sont, pour l'essentiel, issus du même moule. Alors que «
The Fourth Legacy » a un style plus ciblé, «
Karma » s'avère, lui, bien plus accessible tout en ayant davantage de variété en termes de mélodies. Pour ma part, il s'agit-là de l'un des albums les plus forts de
Kamelot et certainement une pierre angulaire du metal. Tout un chacun pourrait être en mesure de l’écouter, sa beauté dépassant tout préjugé que l'on pourrait avoir envers la musique de style power.
Musicalement, l'album est un mélange solide d'écriture de chansons accessibles, de constructions instrumentales techniques et de quelques surprises au moment où on s'y attend le moins. Tout d'abord, le chanteur Roy Khan délivre un large spectre vocal sans pour autant entrer dans des hauteurs odieusement élevées que beaucoup d'autres chanteurs de ce genre utilisent si souvent. D'autre part, le ton du guitariste Thomas Youngblood n'est pas aussi lourd qu'il le deviendra plus tard mais ses riffs sont néanmoins puissants ; la section rythmique, quant à elle, est assez solide, au moment où le claviériste/producteur Miro (qui a rempilé pour ce disque, ainsi que Sascha Paeth) ajoute beaucoup d'orchestrations et d'autres éléments qui, fort heureusement, n'éclipsent jamais le groupe lui-même. Ces claviers, justement, sont l'un des deux facteurs qui améliorent grandement l'harmonie de l'album. En effet, ils influencent le son en ajoutant une touche légèrement médiévale.
L'aspect symphonique, ou même orchestral, du groupe s'est aussi renforcé alors que les très séduisantes influences folk qui ont fait de «
The Fourth Legacy » une expérience si palpitante sont largement absentes ou, tout du moins, repoussées avec force. S'il y a encore quelques touches orientales et celtiques ici et là, ces tendances ont été largement dépassées par la grandiloquence symphonique.
Concernant les sujets abordés, «
Karma » nous plonge dans divers thèmes de la vie qui étaient généralement ignorés par la majorité des groupes de l’époque. Certains sujets sont sensibles, mais
Kamelot ne craint pas d'ouvrir des portes que beaucoup préféraient garder fermées. Le combo essaie simplement d'attirer notre attention avec des références au destin, mais aussi aux légendes !
Le destin évoque surtout la mort, le désespoir, voire l'état suicidaire tout au long de ce disque, tandis que la légende est celle de l'histoire vraie et tragique d'Elisabeth
Bathory, une comtesse du XVIe siècle de ce qui faisait alors partie de la Hongrie. Pour la petite histoire, elle était connue sous le nom de "La comtesse de sang" en raison de ses activités meurtrières pour lesquelles elle est devenue célèbre. On dit que
Bathory avait une amante lesbienne et qu'elle s'entourait de magiciennes, de diseuses de bonne aventure, de sorcières, et qu'elle torturait des domestiques pour se divertir !
Mais l'histoire ne s'arrête pas là : selon la légende, la maléfique comtesse aurait fait tuer 600 filles afin de rajeunir son corps. De nombreux corps vidés de leurs entrailles ont d’ailleurs été découverts à l'extérieur des murs de son château. Alors que ses coauteurs ont été dûment jugés et reconnus coupables,
Elizabeth n'a jamais été ni jugée ni exécutée, mais est restée emprisonnée dans son château jusqu'à sa mort, en 1614. Les outils de torture qu'elle utilisait se sont volatilisés pendant la Seconde Guerre mondiale et son seul portrait a été volé en 1990. On pourrait d’ailleurs se demander si le combo n’a pas joué sur l’histoire du vol car, sur la pochette de l’album, c’est bien la comtesse qui y est représentée, comme s’ils étaient désormais dépositaires du portrait dérobé. Il va sans dire que
Kamelot aborde cette légende avec la grâce et le respect qu'impose un tel sujet.
Passons sans plus attendre au contenu après cette longue introduction ! Le disque s’ouvre sur "Regalis Apertura", titre assez standard qui sert d’intro à "Forever", suivi de "
Wings of
Despair". Ces deux morceaux sont plutôt typiques du power metal avec des mélodies accrocheuses, à la rapidité caractéristique de la double grosse caisse ; vient ensuite "The
Spell", une piste plus accessible avec une excellente section rythmique et une sélection d'accords plus simples.
Comme tout groupe de metal qui se respecte, il faut une ballade, et si cet album en possède deux, la première est un peu particulière. Intitulée "Don't You
Cry", elle est un message fort du guitariste Thomas Youngblood à son père, mort lorsqu’il avait douze ans. Bien que ce ne soit pas Youngblood qui la chante, Khan met tellement de cœur à l’ouvrage qu’il arrive à nous faire ressentir toute l’émotion de ce titre ! Il nous fait boire les paroles, ce qui nous perce littéralement les tripes et nous fait ressentir cette douleur que Thomas a voulu nous faire passer à travers son texte ! Une version française existe en piste bonus, ayant pour titre "Ne Pleure
Pas", mais elle rend moins bien que l’originale. La deuxième ballade, quant à elle, se nomme "Temples of Gold" ; elle n’est pas entièrement acoustique, cependant le chant tendre de Khan combiné à la basse décontractée, à l'accompagnement acoustique doux et au sitar, se combinent pour créer un couplet exceptionnel. Si le refrain monte d'un cran avec l'introduction d'une guitare déformée en sourdine dans certaines parties, il n'est pas joué de manière agressive. Cette plage reste néanmoins une chanson aux paroles un peu lugubres.
Après ce pur moment d’émotion,
Kamelot nous délivre son premier gros tube, la chanson titre, "
Karma", qui est le pendant de "Nights of Arabia" tirée de «
The Fourth Legacy », avec sa légère touche orientale. Il s’agit-là d’un morceau avec une mélodie savoureuse et mémorable. Elle est l'une des chansons les plus progressives car elle passe par des passages à la fois lourds, mélodiques et plus doux au piano. Lui succède "The Light I Shine on You", qui est jouée dans la même veine que "
Karma" avec une certaine accentuation sur les riffs de guitare ; bref un joli numéro au rythme moyen avec de jolies mélodies. Ensuite, "Across the Highlands" est une chanson au rythme moyen également où le travail de la guitare est stellaire, évoluant avec une aisance majestueuse et agressive. Il s’agit d’un morceau fort dans la même veine que "Until
Kingdom Come", tiré également de l'opus précédent avec, notamment, une légère touche celtique.
Enfin, ce joyau se conclue avec "
Elizabeth", une trilogie en trois actes qui raconte, comme expliqué dans l’introduction, l’histoire de la terrifiante comtesse
Bathory.
La première partie, "Mirror Mirror", est une composition magnifique mais obsédante avec des cloches, des claviers et des cordes. C'est la piste la plus lente de la trilogie, s'ouvrant sur ce qui s’apparente à un xylophone. Une grande partie de la chanson est douce avec de la guitare et du piano qui accompagnent les vocalises de Khan. La chanson décolle vraiment aux environs d’une minute et demie avec des accords de puissance fracassants, des roulements de batterie, puis le solo d'outro nous ouvre la deuxième partie, "
Requiem for the Innocent", qui est peut-être la chanson la plus progressive de l'album. La guitare rythmique qui arrive après la minute est excellente et n'est qu'un des nombreux exemples du sidérant jeu de Youngblood. Il convient également de noter sur ce morceau les chœurs éthérés de ce qui s’apparente à ceux de ladite comtesse maléfique. La chanson s'estompe sur un piano qui nous ouvre la piste finale, "
Fall From Grace", dont l'intro est directement pleine d'énergie. La mélodie et le rythme de la guitare sont, encore une fois, d'un autre monde. Khan, lui, a un peu plus d'agressivité dans sa voix pendant les couplets ; le refrain est également remarquable et démontre encore une fois le pouvoir de Khan à transmettre des émotions lors de ses interprétations. La chanson s'estompe ensuite progressivement jusqu’à ce que le silence règne pendant 3 minutes et 39 secondes, soit jusqu’à la fin du disque.
Pour la petite histoire, ce long silence était voulu par le groupe : «
Karma » étant leur cinquième album, le combo américa(no)rvégien voulait que le disque dure exactement 55 minutes et 55 secondes. De quelle plus belle manière auraient-ils pu conclure ce véritable chef-d’œuvre qui, aujourd’hui encore, reste l'un des albums préférés de la majorité des fans ?
En conclusion, «
Karma » constitue le sommet de la carrière de
Kamelot. Aucun des albums précédents n'a jamais atteint la grandeur de cet opus, sauf, peut-être, "
The Fourth Legacy", qui en est le plus proche, et, comme pour celui-ci, c’est bien meilleur que les dernières sorties en date. Cet album a vraiment tout pour plaire : de superbes voix, des mélodies médiévales, des refrains accrocheurs, des illustrations brillantes et une production globale parfaite.
C'est définitivement une œuvre puissante de l'un des rares groupes originaires d’Amérique (sauf Khan bien sûr) qui a réussi à percer en Europe. C'est, à mon sens, l’un des meilleurs albums de power metal, et il est ce que tout fan de ce genre devrait posséder et pouvoir apprécier.
En ce qui me concerne le sommet de la carrière de Kamelot se trouve être Epica l'album suivant, car plus homogène et plus varié dans les tempos, sans oublier "III Ways To Epica" la pièce maitresse qui le clôture admirablement. De plus je trouve regrettable de voir les meilleurs morceaux "Across The Highland", "Elizabeth I, II, II", en fin d'album. Enfin nous somme presque tous d'accord pour dire que le meilleur de Kamelot se situe entre "Karma, Epica et The Black Halo.
Merci pour la chronique.
C'est vrai qu'il est difficile de choisir entre Karma - Epica - Black Halo! Des 3, je préfère Karma. Mais tu as raisons, ces 3 albums sont le sommet de la carrière de Kamelot et je crois que beaucoup ne savent pas dire lequel est meilleur que l'autre! Le goût et les couleurs comme on dit! Concernant Elizabeth, je trouve justement que sa place est à la fin, pour conclure ce magnifique album! Si ces 3 chansons s'étaient retrouvées au milieu par exemple, beaucoup auraient dit que l'album baisse en intensité au fur et à mesure des pistes!
merci pour ton opinion en tout cas! C'est un beau débat
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