Formé en 1982 à Laupheim par Uli Hildenbrand (
Angel of Death, guitares) et Armin Weber (
Virgin Slaughter, chant) rapidement rejoins par Andy Krampute (
Incubus Demon, basse) et Alex Gilliar (Witchammer, batterie) courant 83/84,
Poison verse très tôt dans un thrash metal primitif et bestial emprunt de satanisme et se voit affubler de l'étiquette black metal à l'instar de leurs voisins de
Destruction. Furieuse et très sombre, leur musique teintée de hardcore punk et de speed metal s'inscrit dans l'underground allemand comme un des faciès les plus extrêmes du metal connus alors, aux côtés notamment de
Hellhammer.
Le groupe enregistre plusieurs cassettes de démo, parmi lesquelles Sons Of
Evil en 84,
Bestial Death en 85 et
Awakening Of
The Dead en 86. Avec des noms pareils, on imagine déjà la saveur du contenu. Bingo! Du thrash malsain et agressif, (très) mal produit, loin des standards de l'époque ; les titres courts au format proche du "one-shot" (une prise) laissent au fil des années place à des morceaux longs, dépassant à partir d'
Awakening Of
The Dead allègrement les 6 minutes.
Aux côtés de
Paradox,
Violent Force ou encore
Minotaur,
Poison participe en 1987 au premier sampler Teutonic
Invasion de Roadrunner Records. Cette participation entraîne néanmoins la signature exclusive d'un contrat de 12 mois avec le label, qui pouvait alors décider de produire ou non le groupe. Comme vous l'imaginez, après des mois de rehearsal et la démo Into
The Abyss, rien n'est proposé au groupe, qui sombre à nouveau dans l'underground avant de se séparer.
En 1993, une réédition d'Into
The Abyss est tout de même produite au format vinyl sur le label indépendant du belge Wim Baelus,
Midian Creations, connu aussi pour avoir distribué The
Diabolic Serenades d'
Ancient Rites.
Débutant sur la montée en puissance de
Sphinx, Into
The Abyss est un album de 4 titres pour 32 minutes, soit une durée moyenne de 8 minutes par titre! La qualité tant dans la composition que dans la production s'est améliorée : les guitares très saturées délivrent un riffing agressif soutenu par une basse lourde et boueuse et une batterie classique mais extrêmement brutale, malheureusement un peu faiblarde dans son rendu. Le chant arraché de
Virgin Slaughter semble habité tant ses cris font peur, aujourd'hui encore. Dès ce premier titre, tout le potentiel de la formation se déverse dans l'esprit de l'auditeur, comme une tâche noire d'encre indélébile qui se répand, avalant toute couleur sur son passage : une agression continuelle à grands coups de riffs et rythmiques thrash bestiaux, la science du refrain puissant et du solo allemand à la fois mélodique et violent, des passages presque doom au sein de chaque morceau qui renforcent la noirceur de l'ensemble et cette fougue, cette urgence qui éclatent à chaque accélération, faisant s'agenouiller tout amateur de thrash.
Voilà la musique de
Poison sur ce Into
The Abyss, caractérisée par des titres longs (presque 10 minutes pour
Slaves of the
Crucifix!) affublés d'une structure thrash classique poussée à l'extrême, une véritable identité suintant à chaque instant à travers le feeling et le son de chaque membre, une cohésion musicale délicieuse à entendre... Le soin apporté à la mise en place des morceaux est remarquable, tant au fil des écoutes l'ensemble paraît équilibré, solide et sans baisse de régime. Les introductions de morceaux (notamment des deux derniers) à l'ambiance ténébreuse collent parfaitement au concept morbide, sataniste et inspiré de Lovecraft que propose l'album.
En résumé, aux côtés de Sarcofago, Sodom ou encore
Hellhammer/
Celtic Frost,
Poison aura permit la progression du metal vers des limites encore jamais atteintes et, malgré une existence ponctuée de galères, aura livré un album d'une intensité et d'une personnalité bluffantes. Soutenue par des musiciens bons et cohérents et une production acceptable, la musique de la formation est fougueuse et honnête. Lorsqu'on se retrouve en plein milieu de
Slaves (of the
Crucifix) abasourdit par ce solo basique et mal mixé, sidéré par ce rire diabolique clichesque sur
Yog-
Sothoth, c'est que cette musique nous a touché, sans artifices. Voilà la grandeur de
Poison.
Merci pour cette chronique, ce mini album est tout de même impressionnant, je ne connaissais pas du tout...je viens de le découvrir sur Youtube (encore une suggestion pertinente, tout comme DEPRAVITY la semaine passée).
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