Bon, allez, une fois n’est pas coutume, pas d’interminables prolégomènes pour cette chronique, attaquons directement dans le vif du sujet : qu’est-ce qui distingue la musique de
Primordial de celle des autres groupes ? Et, plus subtil, et sans doute plus difficile à démêler : qu’est-ce qui distingue un album de
Primordial d’un autre album de
Primordial ?
Le débat est lancé, et chacun aura sa propre réponse ; pour ma part, les Irlandais s’illustrent par ce mélange de résignation, d’amertume, et d’âpreté avec cette étincelle guerrière, cet esprit de lutte qui subsiste, même dans leurs hymnes les plus mélancoliques. Et, pour être tout à fait honnête, à mon sens, voilà au moins trois albums que la formule de la horde celtique reste inchangée, reposant avant tout sur une émotion brute qui varie finalement assez peu d’un enregistrement à l’autre, ces enregistrements étant de qualité à peu près égale, mais touchant plus ou moins l’auditeur selon sa sensibilité musicale.
C’est donc sans surprise que, dès les premiers accords traînants et nostalgiques de
How It Ends, on reconnaîtra l’empreinte musicale du géant gaélique. Comme d’habitude, le quatuor prend son temps pour développer ses ambiances, jouant sur un effet de répétition et une montée en émotions progressive qui font la force de sa musique. Ce premier morceau éponyme est une merveille, au riffing très immersif bouleversant de mélodies et magnifié par un superbe solo final, le tout renforcé par une double pédale métronomique et le chant toujours aussi pur et vibrant d’Alan Averill.
Je le répète,
Primordial évolue toujours dans le même créneau, sa musique semble figée dans le temps comme les sentiments qu’elle incarne, laissant encore et toujours ce goût de poussière et de cendres dans la bouche, stigmates amers de la lente et inexorable décrépitude des grandes civilisations. Mais force est de constater que la magie opère toujours, et que les Irlandais sont encore capables de sortir des monuments, là où par exemple
Exile Amongst the Ruins m’avait un peu laissé sur ma faim. Alors, quel est le secret de ce
How It Ends et qu’a- t’il de plus que les autres ?
L’appréciation d ‘un album de
Primordial restant très subjective, je dirais que la force de ce dixième full length, c’est peut-être un équilibre admirable que ses prédécesseurs n’ont pas forcément, ces dix nouvelles pistes alternant intelligemment entre morceaux lourds, sombres et résolument metal et compositions plus atmosphériques (l’admirable
Nothing New Under the Sun aux longues envolées musicales, qui répète à l’envi ses accords entêtants sur le martèlement rythmé et obsédant de la batterie et finit par nous emporter dans un torrent d’émotions brutes, la deuxième partie tribale et possédée de All Against All avec ce chant de gorge antédiluvien), sans oublier une légère patte folklorique sur certains morceaux qui avait été un peu mise de côté sur les opus précédents (le court interlude instrumental Traidisiúnta, qui nous permet de respirer un peu après la plombée doomesque de We Shall Not Serve, Call to
Cernunnos, reposant sur ce pattern de batterie entêtant, ce riff simple et entraînant et ce chant rauque ainsi que ces chœurs mâles qui gonflent notre poitrine d’une fierté païenne, le riff central de
Victory Has 1000 Fathers, Defeat Is an Orphan qui assume fièrement ses accointances celtiques).
Par ailleurs,
Primordial se montre ici particulièrement vindicatif, comme sur le guerrier et grondant Ploughs to
Rust,
Swords to
Dust avec sa longue intro rampante, qui explose ensuite comme un cri de colère, un We Shall Not Serve rageur aux roulements de toms frénétiques et au refrain vibrant qui nous hante, sonnant comme un hymne à la résistance voire à la révolte, ou un All Against All mid tempo plus sombre et menaçant aux dissonances et au chant haineux clairement black… La thématique de l’album qui délaisse les siècles passés pour se focaliser sur l’état du monde actuel et le comportement autodestructeur des milliards d’âmes qui le saccagent explique peut-être ce regain de violence, mais il faut souligner que la section rythmique y joue également un rôle essentiel , avec une basse très présente et idéalement mise en avant qui ajoute en profondeur et en noirceur aux compositions et un jeu de batterie admirable et très original, à la fois lourd, martial, fourni et très tribal, qui impose des rythmes sauvages très marqués à la fois hypnotiques et implacables. Quant au chant d’Alan, il est encore une fois impeccable dans tous les registres et frissonnant d’émotions, mais est-il encore besoin de le souligner ?
Malgré cette avalanche de superlatifs, il serait tout de même exagéré de qualifier ce dernier
Primordial de chef d’œuvre, car même si l’émotion, omniprésente et juste, nous emporte une fois de plus, il faut bien reconnaître qu’il n’y a pas grand-chose de nouveau sous le pâle soleil d’Erin. Autre défaut récurrent chez le quatuor, les longueurs de l’ensemble et une certaine redondance (en même temps, avec 65 minutes de musique, difficile de les éviter), et des titres comme
Pilgrimage to the World's
End ou Death
Holy Death ne sont peut-être pas indispensables, sonnant un peu convenus et manquant d’intensité, par rapport au reste.
Quoi qu’il en soit, ce
How It Ends est indubitablement un album de qualité et s’il devait constituer l’épitaphe sonore de
Primordial, une chose est sûre, c’est que cette fin ne manquerait pas de panache et ferait honneur à la belle et longue carrière du groupe…
Could it be the final chapter.
Before they burn the books.
As we pass into the long night of the soul.
Is this
How It Ends.
Until only one song remains.
Ensiferum93 : Merci pour ta lecture attentive. Je corrige de suite !
Merci pour ce premier retour, un album de Primordial révèle toujours ses subtilités à qui se prête au jeu... je ne me suis jamais lassé et nul doute que ça continue !
Les écoutes successives malgré 1 certaine appréhension ont vite confirmé la qualité de cet opus.
Belle acquisition
Bravo pour ta chronique
Une exquise surprise pour ma part, avec un album que je trouve très largement au dessus du précédent. Ainsi que de Where Greater men have fallen, qui pénait a aller plus loin que son immense titre éponyme.
Que ce soit les titres enlevés ou planants, je le trouve vraiment archi réussi, même à leur propre échelle (et je me contente en général largement des albums standards de Primordial puisque je suis une groupie absolue du groupe)
En bref, triple Youpi !!!!
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