Souvenez-vous, c’était en 2016 :
Abyssic, groupe sorti des profondeurs de l’underground norvégien, sortait sur
Osmose son fantastique premier full length, A
Winter’s Tale, manifeste de doom funéraire philarmonique aux sonorités envoûtantes inédites et incroyables de richesse. Presque deux ans jour pour jour après la parution de ce premier chef-d’œuvre, voilà que le groupe nous revient sous la forme d’un quintette pour son deuxième album,
High the Memory, qui reprend les mêmes bases musicales et sublime le tout, histoire d’enfoncer définitivement le clou dans le cercueil.
Adornation s’ouvre sur cette intro cinématographique puissante et dramatique dessinée par cet entrelacs de chœurs et de cordes avant que le premier coup de grosse caisse ne vienne résonner comme un glas funèbre et annoncer l’explosion de ce doom symphonique si unique à la lourdeur suffocante. L’ensemble est toujours soutenu par ces cuivres grondants et menaçants et ces subtiles orchestrations de cordes, volatiles manifestations de lumière et de légèreté qui se débattent dans un monde de ténèbres. Pour ceux qui découvrent le groupe avec ces quelques lignes, c’est bien simple : imaginez un
Dimmu Borgir au somment de son art orchestral qui se mettrait au funeral doom. Le growl de Memnock est toujours aussi abyssal, une fois de plus, les guitares et les orchestrations de cuivres fusionnent intimement en une tourmente toujours aussi sombre et grandiloquente de malaise et de grandeur, et une impression de tristesse et de déchéance s’évapore de ces cinq plages monumentales.
La mélancolie noble du piano mêle ses sanglots à ce mellotron fantôme aux notes aigues et mystérieuses qui conférait cette ambiance de brume à un morceau comme A
Winter’s Tale, tandis qu’un mur de guitares massives esquisse ces masses sombres, cyclopéennes et irréelles que l’on croirait droit sorties des songes maudits de Lovecraft. Aussi effrayant que fascinant,
High the Memory est un vrai album de funeral doom, avec des plages s’étendant entre 8 et près de 21 minutes, pour une durée totale de 77 minutes et donc, vous l’aurez compris, pas tout à fait le genre de galette que l’on s’enfile distraitement entre deux bières à l’apéro. Non,
Abyssic se destine aux auditeurs qui ont le temps et l’envie de se laisser emporter par de longues plages instrumentales où l’émotion et la sensibilité mêlent leurs chants virtuoses.
Ici le terme symphonique prend tout son sens, la simplicité minimaliste du doom étant parée d’atours orchestraux qui lui confèrent une profondeur incroyable et en rehaussent encore la puissance (les amateurs de groupes comme
Hollenthon ou Septic
Flesh apprécieront, s’ils supportent la lenteur catatonique de combos comme
Skepticism ou Shape of
Despair), ceci dit, les Norvégiens n’oublient pas d’enrichir leur musique de plages atmosphériques dominées par le piano et de légères partitions de cordes (la partie à 6,33 minutes du titre éponyme, lente marche fantastique et féérique sous un pâle clair de lune à travers des neiges immaculées, le long passage ambiant de Dreams Become
Flesh où l’on se sent flotter doucement dans des empyrées lointaines et paisibles, contrebalancé par quelques blasts envoûtants qui viennent emballer les belles mélodies de guitare et leur donner une dimension encore plus immersive).
La lourdeur typique du genre n’est donc pas omniprésente, ce qui aère agréablement l’ensemble, et de longs passages instrumentaux évoluent avec grâce et lenteur dans des contrées quasiment progressives – dans la mesure où l’on peut employer ce terme lorsqu’on parle d’une base musicale comme le funeral doom. C'est un fait,
Abyssic a ici réussi à mêler encore plus intimement les dimensions metal et symphonique de sa musique et joue plus sur les contrastes, nous offrant un album moins monolithique et étouffant que le précédent.
Certes, la claque n’est peut-être pas aussi forte que sur A
Winter’s Tale car l’effet de surprise est passé, ceci dit,
High the Memory est objectivement d’une qualité au moins similaire à son flamboyant prédécesseur et confirme ce que l’on savait déjà :
Abyssic est le maitre incontesté dans un style hybride qu’il a quasiment inventé et qu’il est probablement l’un des seuls à représenter, une sorte de doom symphonique extrême et magistral aux relents black et progressif.
Du coup, après l’écoute ébahie de ces 77 minutes d’émotions aussi variées qu’intenses dont on sort retourné, le titre de l’album nous ferait presque sourire : non, les Norvégiens n’ont pas de souci à se faire, car avec une musique de cette qualité, on ne risque pas d'oublier
Abyssic de sitôt…
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