Ce fut non sans se faire remarquer que le groupe de
Metal Progressif italien
DGM dispersa son influence sur deux autres formations talentueuses. Ainsi, Simone Mularoni mit à profit ses talents dans le maniement de la six-cordes et dans l'élaboration d'un
Power Progressif complexe mais accrocheur au service du génial
Empyrios ; Andrea Arcangeli, quant à lui, se retrouva engrangé dans un autre projet, encore une fois Progressif jusqu'au bout des ongles :
Noveria.
Bien que le rapprochement avec
Symphony X fut une remarque plus que récurrente adressée à
DGM, parfois fondée, souvent futile, il était en revanche évident que le premier album de
Noveria présentait quelques fulgurances très semblables aux travaux des géants américains. Nul ne saurait alors dire si c'est l'influence d'Andrea Arcangeli, à la basse, qui poussa Francesco Mattei à orienter son
Noveria sur une musique aux riffs assassins, à la rythmique torturée, et aux choeurs et samples omniprésents. Il en résulta alors un
Risen de très bonne facture, d'un excellent niveau technique, et d'une variété rare pour un premier album (même si nos musiciens ne sont pas des amateurs), malgré une identité manquant encore de frontières précises tracées par la plume d'un artiste débarrassé de l'ombre de ses modèles.
Avec la parution d'un nouvel album,
Noveria possédait de nombreux angles de composition pour écrire ce
Forsaken tant les caractéristiques de sa musique sont légion et qu'il ne semble pas savoir sur quel pied danser. Mais, comme
Risen, c'est sur un périlleux équilibre entre
Power coloré, déluge technique et atmosphères symphoniques intimistes qu'évolue
Forsaken, second forfait de la formation. Des titres comme «
Shock », « (W)hole », «
Hatred » ou encore «
If Only » en font les frais.
Au sommet d'une technique exemplaire, d'une vitesse désarmante et de riffs faisant l'effet d'une violente mandale, se dressent des refrains d'une grande mélodie («
Shock »), d'une superbe poésie (« (W)hole »), ou encore très théâtraux («
Hatred »). Le tout entrecoupé de duels de solos-débridés, à la précision de fou furieux, dans la droite lignée de ce que le
Power Progressif fait de mieux à l'heure actuelle. Et souvent terminés par ces sublimes outro au piano pour faire la transition avec le fil rouge de l'album. En effet, un soin tout particulier a été apporté aux ambiances, souvent distillées par de délicates notes de piano, qui nous renvoient à la visualisation d'un paysage post-apocalyptique, décharné et appauvri en humanité. «
Lost » ou « Isolate », servant respectivement d'introduction et d'interlude illustrent ce fait à merveille par cette sublime bulle de solitude résolue qu'ils parviennent à créer autour de l'auditeur. Cependant, malgré leur qualité d'exécution, on ne peut s'empêcher d'éprouver un certains regret, regret d'écouter des musiciens témoignant d'un rare équilibre entre technique et lyrisme se contenter d'un modèle prédéfini, déjà tracé par les colosses du genre il y a des années.
Mais ce triste constat ne perdurera que sur quelques pistes tant
Noveria semble parfois toucher du doigt la quintessence d'un talent de composition qui lui est propre. Il suffit d'écouter le démentiel «
Denial » pour s'en convaincre. Introduit par un son électronique menaçant rejoint par un beat, le morceau prend quelques secondes pour faire monter une tension poignante avant de faire jaillir un riff aussi simple qu'hypnotisant, à la rythmique démentiellement balourde. Francesco, au chant, nous livre là sa meilleur prestation en plus d'y faire un sublime duo avec le légendaire Kelly Carpenter, exécutant un refrain étrangement posé, évoluant vers une envolée proche de l'épique, avant de se déchirer les cordes vocales sur un break aussi beau que torturé. Le morceau est truffé de samples, achevant de donner à l'ambiance toute sa majesté, faisant naître des couleurs malgré le gris que tend à nous évoquer l'album.
Il y a aussi le brillant « Regrets », bourré de contrastes aux transitions fluides et maîtrisées. Porté par un riff qui aura tendance à nous évoquer les premiers travaux d'
Epysode, le titre nous lâche, juste après un couplet qui ne sera pas sans nous rappeler celui de « Fear », un refrain à la splendeur démesurée, posé sur un socle de chœurs et de samples discrets, mais pleins de grâce. Francesco est largement à la hauteur pour assumer le monstrueux travail vocal exigé par ces deux compositions. Aussi, il est légitime d'espérer d'autres titres de ce type dans le futur, qui pourraient vraiment propulser
Noveria sur le podium de sa propre identité.
Mais la polyvalence du chanteur, la puissance et la rapidité avec lesquelles son timbre s'adapte aux horizons si changeants de la musique sont ici aussi exploitées d'une belle manière. Notamment sur « When Everything Falls », superbe ballade ne reprenant que très peu de gimmicks récurrents et jouant encore sur cette capacité naturelle que semble avoir
Noveria pour nous livrer des chansons pleines de contrastes, amplifiant ainsi la beauté des refrains qui semblent descendre droit des cieux.
On évoquera également un «
Archangel », qui malgré un riff d'introduction trop semblable à celui proposé par
Myrath dans « Time to Grow », réussira à nous conquérir dans ses ambiances lumineuses, ses légères touches de piano, ses guitares oscillant entre le lourd et l'aérien, ou encore une fois, ce refrain porté par une voix qui semble définitivement avoir le diable comme l'ange en elle.
Affublé d'une production respirant la puissance et laissant planer la démesure,
Forsaken est le gage d'une immense progression de la part de la formation, qui d'ailleurs semble s'extirper du carcan de «
Symphony X bis » dans lequel il aurait été facile de l'enfermer. Fort heureusement, c'est sur la capacité du groupe à écrire de délicieuses mélodies, transcendées par un travail colossal sur les riffs, les solos et les rythmiques que semble s'être orienté
Noveria. Cependant, quelques imperfections demeurent, notamment des rapprochements évidents avec d'autres formations ou encore l'inutile démonstration technique de certains passages, et qui auraient gagné à être épurées pour dénaturer au minimum l'ambiance de l'album. Toutefois, si
Noveria continue sur cette lancée, il pourra séduire de nombreuses oreilles, issues d'horizons aussi variés que ceux qu'il a choisis d'explorer...
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