Le nouveau
Burzum est arrivé, à peu près un an après l'album du retour,
Belus. Ce dernier était de l'avis général plutôt bon, assez réussi dans l'ensemble mais n'apportait pas grand chose de neuf. Qu'en est-il de ce
Fallen ?
Un titre en anglais déjà, chose inhabituelle pour Sieur Vikernes. Une chute est annoncée, espérons qu'elle ne sera pas musicale.
Le premier titre est une piste d'intro, dont le titre signifie "De l'arbre monde" : quelques murmures, des bruits de vent. Ambiance pas aussi forestière qu'à l'accoutumée, on se croirait plutôt sur de hauts plateaux désolés et balayés par les vents, entre les quatre murs d'une vieille forteresse en ruine. Un titre sympa pour débuter.
"Jeg Faller" (Je tombe) est un titre très surprenant : production plus propre que d'habitude, une guitare black bien classique en revanche. Mais le changement est ailleurs : la voix. On l'entend assez distinctement et chose incroyable, on a même un semblant de refrain et de chant clair. Le titre est en fait d'une remarquable mélodie. L'instrumentation en est plutôt simpliste, minimaliste voire naïve, mais ce n'est pas pour moi un problème dans ce genre de musique. La basse tisse un tapis bien rond en fond sonore et par moments elle est seule à accompagner cette voix. Ou plutôt ces voix, car il y a des chœurs sur le refrain. Ce virement n'est vraiment pas pour me déplaire. Quelques passages parlés également. En fait, j'ai l'impression que le tournant radical annoncé par la pochette - superbe pour peu que l'on soit sensible à la peinture académique française (ici un détail d'une toile de Bouguereau) - est totalement suivi par la musique, qui se fait plus subtile, plus douce, plus harmonieuse. La fin du morceau est plus mouvementée, on renoue avec un black plus traditionnel chez
Burzum. Un titre varié, pas du tout ennuyeux, qui augure du très bon pour la suite.
Suite qui est donc "Valen" (Tombé /
Fallen), un titre plus long, de près de dix minutes. Début sur un riff (oui, un riff !) assez accrocheur. La batterie se fait toujours très simpliste, c'est sûr,
Burzum n'est pas un grand batteur, mais les deux guitares utilisées ici dessinent des motifs encore une fois mélodieux et étonnants que le norvégien. Encore des chœurs et du chant clair, décidément, il a bien changé le Varg. Par moments, je trouve que les pistes de guitare ont presque quelque chose de psyché, d'assez entêtant, qui se joue certes dans la répétition des motifs mais aussi dans leur composition même. Ce qui tient place de chanson titre raconte visiblement la suite de cette chute qui sert de prétexte narratif à l'album. Un coup d'oeil sur la traduction anglaise des paroles sera ici éclairant : sur le titre précédent, le narrateur était dans l'arbre du monde (mythologie viking, probablement le modèle de l'arbre géant dans la sphère,
Yggdrasil). Il en tombe et décrit sa chute. Ici il est tombé et le titre est une invocation de la mort et des ténèbres. On touche donc à rien de moins qu'un album concept qui raconte une histoire. La fin du morceau le laisse seul, au sol, dans les ténèbres. Le titre est sympathique pour les mêmes raisons que le précédent et pour le riff assez sympa que l'on retrouve de loin en loin. En revanche il est peut-être un poil trop longuet. Mais rien de bien gênant.
Voici "Vanvidd" (Folie). Un titre d'emblée plus énervé, le chant est toujours différent des précédents albums, on dirait qu'il est plus jeune. Des chœurs pratiquement inaudibles qui marmonnent des imprécations, de l'écho, un tempo plus rapide et emporté. Si j'ai bien compris ce sont censés être des moutons (métaphore assez curieuse) devant une créature féminine, fragile et nue. Vraiment intriguant cet album. Le tempo se ralentit par la suite, sur fond de voix claire étouffée qui nous berce. Puis la folie envahit le morceau, à nouveau un tempo énervé, et des hurlements qui couvrent le tout. Une petite explosion de violence aussi bienvenue que réussie. La guitare se retrouve ensuite seule le temps d'une mesure et le morceau repart de plus belle sur des parties vocales rageuses. Un très bon titre encore une fois, toujours pas de faux pas dans l'album, d'une remarquable cohérence. On en est à la moitié et il reste 3 titres. La créature rencontrée n'était pas si innocente et belle que ça, sous l'agnelle se cachait la louve, pour garder la métaphore du texte.
"Enhver til sitt" (Chacun pour soi, au sens de "chacun obtient ce qu'il mérite" selon le site officiel de
Burzum). Un démarrage classique qui ressemble à celui de
Dunkelheit. On retrouve un texte plus étoffé et une ambiance forestière. Une partie du texte est murmurée. Décidément j'aime le mixage de cet album, qui fait enfin la part belle à une voix plutôt changée et audible. Du bon boulot pour une fois.
Echo réutilisée avec parcimonie et fin en fade away sur guitare + batterie. Titre assez classique et agréable, plus traditionnel chez Varg, si l'on ne tient compte que de la composition.
La piste la plus longue de l'album est "Budstikken" (Le message). Démarre sur une longue intro instrumentale où la batterie, quoique simpliste, tient le premier plan. Puis on part sur un tempo et un thème de guitare assez étrange, presque sautillant. On est décidément pas au bout de nos surprises sur cet opus. Le titre semble presque joyeux. Cette joie est celle du guerrier, la chanson étant une ode épique au combat à l'ancienne, avec des armes du style arcs, haches et épées. Une exaltation qui étonne de la part du sinistre musicien, mais qui me séduit là encore. La partition de basse est également remarquablement plus élaborée que d'ordinaire chez lui, elle dessine une mélodie indépendante de celle des guitares qui rend du plus bel effet, le son étant suffisamment clair et dégagé pour que l'on en distingue les notes. Les guitares, très aigües, apportent également leur touche mélodique. A la moitié du titre on part dans un relatif tournant, avec un couplet ânonné nonchalamment en voix claire, avant de s'embarquer dans un pont guitares/basse assez sympathique. Le titre est incontestablement le plus léger, presque guilleret, de la discographie de
Burzum. Assez dépaysant et d'une belle subtilité. La fin du morceau retrouve quant à elle une certaine rage salvatrice, tandis que le texte s'oriente vers les cibles du message, des ennemis sortis tout droit des contes et légendes scandinaves. La voix black alterne alors avec les mélopées flegmatiques en chant clair, qui terminent le titre sur une note moins joyeuse, certes.
Dernier morceau de l'album, l'instrumental "Til Hel Og Tilbake Igjen" (Allez retour vers Hel) : démarre sur des percussions un peu tribales. Ce pendant nordique de l'enfer (
Hell) occidental se trouve sous les racines de l'
Arbre Monde. La chute est terminée, il faut donc remonter. Les sons métalliques et résonnants de la batterie et des autres percussions utilisées sont relativement inquiétantes et la remontée s'annonce ardue. Morceau très progressif, tout en murmures, échos, résonances, percussions et finalement une guitare acoustique de toute beauté - malgré un son qui a tendance à saturer et grésiller quand les notes prennent de l'ampleur, effet tellement prononcé qu'il ne peut-être que délibéré. C'est la note finale d'espoir de cet album qui annonce la possible remontée vers la lumière. Pourtant, nul ne peut remonter de Helheim, nul excepté Baldr - le nom usuel de
Belus, sujet du précédent opus de
Burzum.
La boucle est donc bouclée.
Voilà un album qui fait grand plaisir, qui propose une voyage reposant et passionnant dans la mythologie scandinave, et qui ouvre à
Burzum de nouvelles possibilités musicales, moins redondantes, plus soignées et harmonieuses. Un très bon disque.
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