1980-1990. Autant dire qu'il aura fallu une décennie entière pour mettre en place le futur mouvement grunge tel qu'on le connaît aujourd'hui jusqu'à l'épisode tant attendu de 1991... Et en plus du très influent et légendaire
Black Sabbath, une icône sans qui bon nombre de projets ou de formations n'auraient pas abouti, le jeune et pourtant défunt Andrew Wood, à la tête de
Malfunkshun (depuis
1980) et plus récemment de
Mother Love Bone. Bref, un avant-succès qui aura notamment permis l'émergence de multiples moteurs issus du Seattle Sound ainsi que la publication d'un des tout premiers albums majeurs du genre, à savoir le « Louder Than Love » de
Soundgarden (signé chez une major de type A&M/Interscope Records). Un chapitre qu'
Alice in Chains se doit désormais de refermer avec cet imposant «
Facelift » après que son illustre vocaliste, Layne Staley, ait déposé sa coupe glam pour rejoindre le reste de l'équipe en 1987.
Une chose est sûre, les débuts du quatuor restent assez similaires, dans le style bien entendu, avec ceux des gars de
Soundgarden, l'influence majeure de
Black Sabbath en commun évidemment. Telle est justement la partie du mouvement grunge dont le son et la forme des morceaux restent clairement marqués heavy avec des textes à la fois sombres, poignants et douloureux, à l'image de l'arène de Seattle et de cette fameuse génération X. Nul besoin d'aller chercher très loin pour le choix du studio d'enregistrement puisque
Alice in Chains s'est en parti rendu au
London Bridge Studio (
Mother Love Bone,
Soundgarden) où Staley avait déjà fait son petit tour pour la première démo de son ancien groupe en 1987 (Alice N' Chains). Passé la signature avec Columbia en 1989, le combo s'offre donc les services de Dave Jerden (
Red Hot Chili Peppers,
Jane's Addiction) pour la partie production, mixage et enregistrement.
Puis dès le titre d'ouverture,
Alice in Chains s'empare de nous comme si de rien n'était avec le plutôt court «
We Die Young » et ces deux minutes trente de lourdeur, de groove intense et de heavy ravageur pour un thème tout aussi noir, c'est-à-dire le trafic de drogue par des jeunes d'à peine dix ans. Une première claque auditive qui n'aura de cesse d'augmenter en intensité dès «
Man in the Box » où Cantrell fait d'ailleurs usage d'une talk box sur sa guitare bourrée d'effets pendant que Staley semble se plaindre au plus profond de lui-même avec un chant introspectif possédant même un petit écho sur l'introduction. Le refrain sera par ailleurs assuré en deux temps : d'abord avec notre lead singer criant à la souffrance, puis avec l'accent plus posé voire la bonne parole délivrée par
Jerry Cantrell sur les backing vocals.
Sachez maintenant, au cas où certains auditeurs se poseraient la question, que l'expression de la douleur est bien loin de s'être arrêtée à ces seuls morceaux évoqués et que la plaie s'infectera d'autant plus sur l'une des plus grandes ballades grunge connues à ce jour « Love,
Hate, Love ». Des frissons que l'on ressentira tous très vite, que l'on partagera même, toute personne quelle qu'elle soit ne pouvant rester de marbre devant un tel titre.
«
Lost inside my sick head
I
Live for you but I'm not a
Live
Take my hand before I kill
I still love you, but, I still burn »
Ça respire l'émotion, ça transpire le vécu et de ce fait, le rendu offre un sacré cachet à ce premier opus nommé «
Facelift ». Dans le détail, on peut dire que les notes sont toutes plus lancinantes les unes que les autres, le chant de Staley, toujours aussi poignant, douloureux, avec un coffre vocal très impressionnant tandis que la pédale wah-wah et les solos de notre ami
Jerry Cantrell, teintés d'une certaine virtuosité. C'est aussi ça le grunge, la libre expression artistique, les tripes, l'émotion, et où l'humain et la musique ne font plus qu'un.
Et dès lors que l'on entend ce genre de sonorités heavy et de relents typiquement sludge/doom dans les riffs lourds et obscurs contenus sur « It Ain't Like
That » ou sur «
Bleed the Freak » et son refrain mythique, on sait tout de suite à quel monstre du metal penser. Mais la particularité de
Alice in Chains vient également du fait que même dans l'acoustique, ils réussissent à en tirer une ambiance sombre, perturbante et inquiétante comme c'est le cas sur « I Can't Remember ».
Aussi, bien qu'il soit évident que les Américains pratiquent un grunge orienté metal, il est possible, comme chez Chris Cornell et sa bande, de percevoir la lueur d'influences plus classiques. Par exemple, «
Sea of Sorrow » possède quelques notes jazzy émanant d'un Sean Kinney officiant au piano (en plus de la batterie) et « I Know Somethin' ('Bout You) » par contre, affirme clairement une sensibilité tournée vers le jazz-blues avec des percussions groovy, une basse qui claque et des vocaux psyché sur les refrains.
Plus étonnant, «
Sunshine » sonnera même parfois un peu blues/country et bien que l'interprétation ne soit évidemment pas à la hauteur d'un « Love,
Hate, Love », Cantrell a souhaité rendre un hommage à sa mère.
Une oeuvre incontournable du grunge, voici ce qu'est «
Facelift ». C'est donc avec ce premier méfait qu'
Alice in Chains sonnera le glas afin que le Seattle Sound puisse enfin révéler tous ses plus gros talents. Pour sûr, qu'à coups de classiques tels que ceux qui sont livrés ici, l'auditeur n'en a pas fini d'être bluffé, de vivre la souffrance de Staley et de s'émerveiller sur le jeu exquis de Cantrell.
« Facelift » est un premier album très impressionnant si on tient compte du jeune age des membres d’Alice in Chains à l’époque.
Le début du disque, faramineux de talent et de facilité, écrase l’auditeur sur place, balayant tout désir de fuite devant pareil éclosion artistique.
Le son foncièrement métal malgré quelques influences plus rock ou blues, reste même plus de 30 ans après extrêmement puissant et fluide, l’ensemble des compositions formant un bloc quasi sans défaut du début à la fin.
Énergique, mélodique, chaleureux et vivant, tel ce révèle ce premier lifting facial.
Suite à l’impact de ce disque en 1990, les Dieux du rock (Van Halen, Iggy Pop) , ont salué avec les honneurs ce nouveau venu parmi les grands en offrant à Alice in Chains la première partie de leurs tournées.
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