Avec une carrière et une liste de sorties longues comme l'épée que Gezol aime substituer à ses parties masculines,
Sabbat, parmi les plus possédés par le démon des groupes japonais, est un de ces rejetons musicaux du Malin, crades, suintants et qui, dès les débuts des années
1980, crachaient leur venin empli d'occultisme, de luxure et autres joyeusetés.
Sabbat, c'est un groupe d'adolescents nourris à la NWOBHM qui ont suivi la voie boueuse et bouillonnante tracée par
Venom.
Et il faut dire que leurs débuts sont aussi débraillés que leur musique. Entre membres virés, semi-split, concerts d'adieu et de réunion, on retiendra ici des 80's le premier single de 85, comportant les deux célèbres morceaux
Black Fire et
Mion's Hill, les EP qui ont suivi (notamment
Born by Evil Blood et
The Devil's Sperm Is Cold) ainsi que deux pseudonymes qui semblent former le noyau autour duquel se développe progressivement le style du groupe : Elizaveat, le guitariste et tout particulièrement Gezol, bassiste, chanteur et créateur d'
Evil Records.
Nous voici donc en 1992 avec la sortie du deuxième album,
Evoke, à peine une année après un
Envenom qui avait vu les arrivées d'un second guitariste, Temis Osmond, désormais principal artisan de la six cordes et du batteur définitif de la formation, Zorugelion. Produit
Evil Records, produit
Sabbat à n'en point douter,
Evoke exhale à travers sa musique ces vapeurs malignes propres aux formations extrêmes de la décennie précédente, parmi lesquelles
Bathory, Sodom,
Venom. Comme son cadet mentionné plus haut,
Evoke perpétue un thrash black primitif, furieux, aveuglé par l'imagerie satanique et les messages de destruction et d’exaltation qu'il y comprend ; thrash black originel qui semble de plus en plus être pris de court au début des années 90 avec l'émergence de formes toujours plus virulentes et maléfiques d'expression musicale de ces fascinations.
Le sachant contemporain d'A
Blaze in the Northern Sky, il est certain que de voir une étiquette black metal associée à ce thrash rugueux barbotant dans le bouillon extrême du milieu des 80's peut faire sourire. Pourtant, dès son introduction toute en claviers lugubres qui contextualise à merveille l'artwork inquiétant d'Elizaveat, on sent bien que la Bête habite plus que jamais la musique de
Sabbat. Très proche de son prédécesseur sur bien des aspects,
Evoke semble néanmoins plus velu et s'en détache suffisamment pour présenter un intérêt similaire.
Ce sont la lourdeur plus généralisée de l'oeuvre et l'aspect solide de son riffing qui me font dire qu'elle paraît plus velue, les effusions heavy et punk se faisant bien moins entendre et un quelque chose du Sodom d'
Agent Orange s'ajoutant à de nombreux passages. L'empreinte morbide de
Celtic Frost, qui était auparavant extrêmement marquée sur un morceau comme
Devil Worship, se répand ici de manière plus homogène sur l'ensemble des morceaux et c'est un constat qui s'applique à la majorité des sonorités qu'on pouvait jusqu'alors distinguer : le style est davantage compact, bien que
Beyond the River, version quasiment death metal de Sodom à l'ambiance mortifère ou
Torment in the
Pentagram et
Metalucifer, véritables bûcheronnages en règle, viennent facilement me contredire.
Le chant de Gezol, alternant entre voix thrash au timbre juvénile et éructations crades, qui est un des principaux atouts et éléments caractéristiques de
Sabbat, se voit supporté par l'ajout de passages gueulés par ses comparses, variant ainsi encore un peu plus le propos, dont le fond tourne toujours autour de l'acclamation des forces obscures et de leurs figures tutélaires. Sa basse, autre élément de choix au sein de la formation, est elle aussi toujours très en avant, avec un son lourd et rêche qui approfondit le riffing classiquement thrash mais diablement entraînant d'Osmond. Côté batterie, Zorugelion la joue résolument à l'ancienne, point de grind ni d'abus de double, ce qui colle à merveille.
Les ambiances, grande force de
Sabbat (et de nombre de groupes extrêmes japonais de cette époque), sont au rendez-vous ; en témoignent l'introduction, l'excellente instrumentale Sabasius ou encore Hellhouse, traversée par une guitare acoustique du meilleur effet. Déplorons toutefois les solos qui, malgré leur qualité, ne soutiennent selon moi pas la comparaison avec ceux d'
Envenom en général.
Du reste, il est important de tout de même souligner que la recette reste extrêmement similaire car, hormis un effacement d'Elizaveat (tout relatif quand on le sait avoir fait session et que sa patte reste aussi évidente) au profit de Temis Osmond,
Sabbat enchaîne en une année deux albums avec le même line-up.
D'une authenticité indiscutable,
Evoke sort à une époque d'archaïsation progressive du black metal première vague et du thrash. S'il est légèrement plus compact musicalement que son prédécesseur, il en perd une partie de sa variété et de sa fougue, s'étendant de plus sur cinquante bonnes minutes, avec un risque d'y perdre l'auditeur. Mais c'est avant tout un album extrême, particulièrement noir, qui ravira tous les fans de cette vague musicale de têtes brûlées droguées à
Satan et aux slips en cuir, à l'ambiance si particulière.
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