Dire que l’album que tiennent beaucoup des présents lecteurs était attendu n’est qu’un faible euphémisme face à l’attente, une fois n’est pas coutume, intense qui sépara "
Imaginaerum" de son successeur désormais connu. Comme précédemment, rien ne fut simple et
Nightwish dut encore travailler avec des changements de personnels et non des moindres, puisque
Anette Olzon, auréolée de sa magnifique performance sur le précédent opus, fut contrainte de quitter le groupe pour des raisons restées obscures et personnelles (non sans amertume du côté de la principale intéressée). L’ann
Once permit une nouvelle qui mirent les fans en émoi puisque c’est la flamboyante, talentueuse et autrement plus reconnue
Floor Jansen (Revamp, ex-
After Forever) qui la remplaça au pied levé (le bluray live au Wacken en est une belle preuve).
Deux tournées mondiales (une avec chaque chanteuse), un album solo pour
Tuomas Holopainen, un film et une déclinaison en soundtrack plus tard et le groupe commença à travailler sur le successeur du chef-d’œuvre d’une vie. Troy Donockley avait, à l’instar de
Floor, été intronisé en tant que membre officiel mais les changements de line-up n’allaient pas s’arrêter puisque ce fut au tour de Jukka, rescapé du line up originel et principal homme des comptes (comptable, gestionnaire des tournées et businessman averti du groupe) qui dut se résoudre à quitter le groupe pour raisons de santé (insomnie chronique) mais choisit lui-même son successeur en la présence de Kai Hahto (
Wintersun, Swallow the Sun). A croire que
Nightwish ne s’en sortirait jamais !
Pourtant, loin d’être affaibli, c’est un groupe soudé et
Musicalement intact qui revient, et ce, avec un huitième opus studio aux allures de retour aux sources tout autant que de résumé intégral de toutes les facettes des Finlandais depuis leurs débuts.
Ne sillons pas, "
Endless Forms Most Beautiful" n’est pas un chef-d’œuvre au goût d’absolu comme pouvait l’être "
Imaginaerum", qui ne trouvera probablement jamais de disque à sa mesure désormais. Tuomas l’avait annoncé à plusieurs reprises, ce disque serait son exact opposé, son prisme noir à tous les niveaux. "
Imaginaerum" évoquait les rêves et l’enfance, celui-ci serait scientifique et adulte. Le précédent était un disque symphonique jusqu’au-boutiste, "
Endless Forms Most Beautiful" verrait un retour en force des guitares et de la puissance métallique. Tuomas l’a compris. Ne pouvant faire mieux, il fallait faire différemment, éviter les comparaisons, retrouver une agressivité et une âpreté qui avaient disparu depuis le départ de
Tarja Turunen en 2005.
Dès lors, il n’est pas surprenant de retrouver de nombreuses similitudes avec "
Once", que ce soit dans certains riffs, dans des idées ou encore le contexte général très hétérogène (ne passions-nous pas de "Creek’s Mary
Blood" à "
The Siren", puis de "Romanticide" à "
Ghost Love Score" ?).
"Shudder Before the Beautiful" débute ainsi avec des faux-airs de "
Dark Chest of Wonders", particulièrement dans ce riff absolument énorme dès l’introduction (ouverture de c
Oncerts à venir ?) et l’accalmie des couplets laissant la parole à
Floor qui, c’est désormais officiel, n’utilisera que très peu son chant lyrique au profit de son spectre medium ou grave. Mais
Nightwish reste
Nightwish et il serait ridicule de penser que les envolées symphoniques, les chœurs ou le lyrisme ambiant au groupe ont disparu. Le
London Orchestra et sa chorale sont toujours bien présents, la production est dantesque mais avant le break, le morceau nous offre un solo en question/réponse entre Emppu et Tuomas, chose que nous n’avions pas entendue depuis des années. De même, si Kai reste dans un giron bien tracé, son affiliation au metal extrême se ressent sur certains patterns plus techniques changeant des traditionnels martellements de caisse claire dont nous avait habitués Jukka depuis le début du groupe. Le riff revient en trombe sur le break symphonique, fourmillant de détails et de chœurs, mettant plus en avant les cordes que les cuivres, et ce, dans une tonalité globalement plus sombre que sur les deux opus précédents, clairement plus féériques.
Au rayon des similitudes (et ce sera les deux plus seules marquantes), "Yours is an Empty
Hope" évoque facilement l’agressivité d’un "Romanticide" mais se montre pourtant bien plus fluide et cohérent que ce dernier ou "Slaying the
Dreamer", qui étaient des compositions coupées en deux. La tension est ici constante,
Floor aidant énormément en montrant les crocs telle qu’elle le fait dans Revamp, secondée par un Marco Hietala charismatique et endiablé. Le refrain est lourd et très épique, les cuivres font un retour en force incroyable, le break est monstrueux de puissance et si certains seront dérangés par cette sensation de déjà entendu, force est d’admettre la maîtrise totale du sujet, peut-être comme personne aujourd’hui n’en est capable. Il faut encaisser cette énorme reprise du titre plusieurs fois, hurlé par la
Demoiselle et appuyé par un orchestre écrasant pour ensuite revenir sur le riff principal (appliqué par une transition impeccable de Kai sur les toms).
Réduire en revanche l’album à ceci serait cruellement réducteur puisque, si
Nightwish renoue avec certains éléments du passé, il n’oublie jamais d’avancer et de regarder droit devant sur certains titres proprement éblouissants. "Weak Fantasy" démontre un talent inestimable sur le placement des percussions et des envolées symphoniques par rapport à des lignes vocales entrainantes et sensiblement plus aventureuses (qui a dit que la guitare acoustique avait quelque chose de country ?). Impossible effectivement de ne pas succomber à ce refrain impérial bientôt suivi d’une intervention vocale pleine de lumière de Marco. Elle démontre en tout cas que le géant blond n’est pas là uniquement pour intensifier un plan mais peut également apporter une dimension mélodique à un morceau très épique. Il sera en revanche bien plus discret vocalement sur "
Endless Forms Most Beautiful", Tuomas ayant préféré utiliser les multiples facettes de
Floor plutôt que de multiplier les apparitions de son bassiste (aussi responsable des guitares acoustiques sur l’album).
Le titre éponyme est également une ode à la puissance pure du metal puisque les guitares ont rarement été aussi omniprésentes ces dernières années. Le refrain se veut catchy et simple, facile à retenir et digne d’un futur classique. Une fois de plus, c’est la rudesse des guitares qui impressionne ainsi que l’épaisseur du son, l’impact n’en étant que décuplé (et ce passage à l’orgue qui permet aux guitares de paraître encore plus puissantes ensuite).
Ce qu’il faut également retenir, c’est qu’on ne peut réduire l’album à un seul titre ou une unique ambiance. Car si c’est cette puissance évocatrice qui prédomine au début, on ne peut mettre de côté l’aspect plus folklorique de certaines compositions où Troy a pris une place importante. Là où les albums précédents comportaient des morceaux rock aux arrangements folks, il n’en est rien lorsque l’on écoute un titre comme "
My Walden", clairement pensé et écrit en tant que titre folklorique. Troy y chante même en gaélique sur l’introduction et les parties instrumentales dévoilent une dimension folk n’ayant jamais été aussi forte et réussie chez le groupe. Il en est de même sur "Elan" bien que le titre soit plus décevant, lisse et finalement bien peu représentatif du disque, tandis que le sensible et léger "Enema Ruh" aurait tellement mieux réalisé le rôle d’étendard du disque (ce solo où le même accord est réalisé avec de multiples instruments les uns après les autres). On pourra être en revanche plus circonspect sur "Alpenglow", sorte d’"Escapit" du pauvre qui, s’il n’est pas mauvais, sent fortement un réchauffé dispensable, surtout sur un disque aussi long.
Parlons-en, pour terminer, de longueur. L’attraction centrale. Celle dont nous n’avons encore pas parlé, comme si elle n’était qu’un détail. Pourtant, nous l’attendions tous, nous voulions savoir. Comment Tuomas avait écrit ce titre pharaonique de vingt-quatre minutes, retraçant la création de l’univers et de la vie avec la participation exclusive du biologiste Richard Dawkins venant prêter sa voix sur le morceau portant le nom d’un de ses livres ("The Greatest Show on
Earth"). Ce qui est époustouflant, à l’écoute du titre, c’est non seulement sa cohérence mais également le fait que nous l’assimilons très vite. Tout étant logique du début à la fin, avec des phases simplement plus complexes, longues et aboutis (introduction/thème principal/break/break/retour au thème/ontro), le tout dans une logique d’évolution chère au thème évoqué (il n’est pas question d’un retour au thème pour un effet de refrain ou une structure progressive uniquement pour un effet miroir) et surtout à
Nightwish, comme le reflet de toutes les phases et de toutes les métamorphoses qu’a connues le groupe, de ses heures les plus mélodiques, sombres, épiques, puissantes ou folkloriques. Tout y est résumé en une plage presque parfaite, de cette mélodie de piano initiale portant le sceau du style de Tuomas à ce riff implacable aux douze minutes en passant par les dimensions folkloriques plus récentes, les différents chanteurs ou le côté dramatique propre à la musique classique. Difficile d’être plus complet et de représenter aussi bien un groupe sur une unique pièce.
S’il fallait résumer, "
Endless Forms Most Beautiful" est moins marquant, probablement moins global dans sa créativité mais relève encore d’un formidable travail de titan, ingénieux,
Musical et prodigieusement (démesurément ?) épique. Oui,
Nightwish en fait beaucoup mais n’est-ce pas ce que nous aimons chez eux ?
Il fallait un après-"
Imaginaerum". Ils l’ont fait, de fort belle manière et s’il n’est pas exempt de défauts, le plaisir d’écoute n’est que très rarement altéré. Le voyage n’est décidément pas près de se terminer, aussi houleux soit-il…
Et effectivement, mettre le pouce rouge dès que quelqu'un dit quelque chose, quoi qu'il dise juste parce qu'on l'a dans le nez pour x ou y raison, c'est puéril et gamin.
Grandissez, et arrêtez d'appuyer sur le triangle pour rien s'il vous plaît.
Concernant ce dernier Nightwish, pas mauvais, pas exceptionnel. De très beaux moments, et Alpenglow est mon titre préféré. Avec une harmonie dans la plus pure tradition du groupe, présente dans des tas de titres, comme quoi… :)
Malgré le fait de changer à tout bout de champ de chanteuse on se rend compte que ce groupe fait du surplace. Olzon amenait un côté émotionnel qu'on ne retrouve pas avec Floor, qui était mieux à sa place dans After Forever. Bref un album qui reste au niveau des deux anciens, sans jamais arriver à décoller. Je préférais encore Tarja qui dégageait plus de puissance mystique que Floor qui ne fait au juste qu'un mélange vocal des deux précédentes chanteuses...
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