Nom commercial : Pensées-Nocturmyl.
Classification :
Cirkus Anakronikus
Metal Extreme Mal Barré Et Rat Tatiné (en tartine ou sur plateau).
Principe actif : Léon-Harcorine (nouvelle formulation ; évolution de la Vaerohnine brevetée en 2008), molécule savamment chantante et braillante.
Excipients : guitare congénitale (mot sécable en deux), basse matique (respirez profondément), batterie votril (gare au risque de dépendance), trompette moil’fion (administration par voie rectale), sexaphone (mais nous aurons les moyens de le faire parler), accordéon tologie (dans le pur respect du serment d’
Hypocrite), orgue de Barbarie (rat bien kiri-rat le dernier).
Arôme : sapin (celui de la boîte qui t’accompagne à la fin).
Indications T’es Rat Putique (ou Pudique, si tu préfères) : traitement de la tristesse, de la monotonie, des états anxieux, dépressifs et autres coups de blues (va soigner ton Vaccum, va !).
Effets Daisy-Râble (du bas des côtes jusqu’à la queue) : allez graisse communicative, réflexions profondément six-niques, humour noir pourfendeur de vierges (hommage aux origines black du projet).
Informations supplémentaires : les dames qui s’ennuient de leur époux se verront particulièrement recommander l’usage de ce médicament (plutôt que d’un merdique amant).
Voilà pour le contenu de la notice (toujours un putain de charabia qu’ils écrivent dans ces papiers-là…).
Et maintenant, trêve de discussion. On se met tous en rangs, et en avant pour la septième dose !
Depuis « Nom d’une Pipe ! » (qui avait pris un sacré tournant en 2013), c’est désormais tous les trois ans que ça se passe (et toujours en début d’année, comme si notre bon docteur Léon et son acolyte Mister Harcore voulaient nous la souhaiter bonne). Aucun risque de lasser les foules à force de rappels trop fréquents, tout en garantissant une attente fébrile (d’impatience, nous piaffions autant qu’Edith, c’est dire !).
Au vu de la composition et du packaging, aucun doute, nous nous situons dans la droite lignée des précédentes livraisons. Autant dire que les convaincus (vous pouvez couper le mot en deux, là aussi) courront prendre leur nouvelle dose avec empressement, tandis que les réfractaires (surchauffés comme des fours, ceux-là) passeront une nouvelle fois leur chemin. Quant aux zézitants, pas certain qu’il y en ait beaucoup, vu le caractère singulier autant que bien tranché de PN (abrégé de Pensées Nocturnes que l’on emploiera désormais pour raison pratico-pratique ; encore heureux que le concepteur n’ait pas eu la malencontreuse idée de nommer son projet Pensées Dilettantes… ou Pensées Transcendantales… ou encore Pensées Quintessentielles…).
Pour la distribution, pas de souci, ce sont une nouvelle fois les Acteurs de l’Ombre qui s’en chargent. Avec toute la puissance de propag… pardon, de promotion qu’il faut pour assurer un bon écoulement des doses. PN-LADLO : on ne change pas une équipe qui gagne !
Et question équipe, celle de Léon Harcore s’est sacrément étoffée ces dernières années. Visez un peu les nouveaux gaillards en poste : Zacques, Roro, Jacky, Le Grand et Jéjé, sans compter toute la pléthore d’invités… Présenté comme ça, on se croirait revenu à la grande époque du Club Dorothée, avec
Pas de Pitié pour les Croissants, le Jacky Tube d’Or, et tout, et tout ! Dommage qu’ils doivent se résoudre à faire une croix sur le père Corbier. Paix à son âme…
Mais revenons à nos mous thons, et aux temps vers lesquels Léon et sa bande nous projettent… Des temps plus reculés encore… La Belle Époque de notre douce France ! Période idéalisée, certes, avec moult progrès techniques et sociaux, mais aussi une indécrottable sous-couche de violence et de dépravation. Et c’est précisément là que PN puise son fonds de commerce.
Ze
Dark Side of ze Belle Époque, en quelque sorte, dont il est bien difficile de trouver un équivalent musical de nos jours. Peut-être pourrait-on se risquer à un parallèle avec
Wormfood, par cet ancrage bien franchouillard et ce désir de nous plonger des siècles en arrière… Mais la comparaison s’arrête là, car l’approche est résolument différente : si El Worm apparaît comme un aristocrate psychopathe arpentant les coupe-gorges en racontant ses histoires macabres, Léon Harcore, lui, se pose en clown psychotique écumant troquets et lupanars, n’hésitant pas à y traîner Charles en beuglant des chansons paillardes. De celles où l’obscénité la plus graveleuse le dispute aux jeux de mots drôlement vaseux et à la prose d’une brillante ébriété aux métaphores aussi cinglantes que le martinet de la mère maquerelle.
Jugez plutôt l’intro de « Viens tâter d’mon carrousel » qui illustre toute la risible fierté du coq français monté sur ses ergots, mêlant roulements de tambours burlesquement imposants et instruments à vent puissamment
Grotesques. Certains haut-placés pourraient sans peine se reconnaître là-dedans et en y pensant, on en viendrait même à souhaiter que, parfois, le ridicule puisse tuer.
D’entrée, la recette PN est servie. Et la suite la décline délicieusement. Mais alors, me direz-vous : qu’apporte de plus cette nouvelle rondelle ? Quid de nouveau par rapport à ses semblables ancêtres ? Et bien, un élément central, crucial, fondamental… Le petit truc en plus qui fait la différence : l’utilisation de thèmes mémorables !... «
Douce Fange » s’impose comme un véritable festival d’airs à consonance populaire, ravivant dans nos têtes et nos cœurs une grande tradition bleu-blanc-rouge et que chacun pourra fredonner, chantonner ou bramer à l’envi : sous la douche, au boulot, dans la bagnole, sous la couette comme aux chiottes… PN vous accompagnera dans tous les coins, même les plus petits !
Il sera vain de résister aux ritournelles entêtantes de « Saignant et à poings » : elles vous rentreront dans le crâne aussi sûrement qu’une prise mâle dans une prise femelle. Et ne comptez pas vous débrancher comme ça !
C’est de bon cœur que vous vous laisserez guider par « Le tango du vieuloniste » et danserez à son tempo envoutant avec votre partenaire (ou à défaut, avec le cadavre que vous aurez ressorti du placard à cette occasion).
Tout du long, l’omniprésent accordéon fait des merveilles (et en route Simone), avec une place amplement méritée sous le feu des projecteurs du mixage (parfaitement clair, cela dit en passant).
Tout comme les chœurs qui ont la part belle. Promesses de grandes envolées sanglantes et capiteuses (le tranchant « Quel sale bourreau »), enivrantes et généreuses (le gastronomique « Saignant et à poings », encore lui). Entre pinard et hémoglobine, ce sont tous les c(h)œurs de l’Armée du Rouge qui débarquent. Et garanti : ce Rouge-là, il tâche dur !
Mais ne croyez pas que tous les morceaux gigotent à tire-la-rigole. Que nenni. « La semaine sanglante » se fait plus trouble avec ses claviers étranges. Saxophone et piano langoureux sont de sortie, tout comme des soli bien sentis, empreints d’atmosphères de rêve et d’Adam… On se retrouve, le temps de quelques accalmies, à frissonner comme une pucelle que l’on effleure pour la première fois. Même si le cauchemar et le vice ne se trouvent jamais bien loin. La pucelle que l’on effleure sera celle que l’on déflore, bien malgré elle. Car les ruelles de la capitale, surtout les plus reculées, sont souvent bien mal femmées. Ne l’oubliez pas…
Et ne croyez pas non plus que PN se soit un tantinet radouci. Que nenni. Visez un peu le gros bazar de « PN mais costaud », brutal et groovy comme il faut. Preuve que, malgré les années, Léon sait encore balancer la purée. Et bien dru, s’il vous plait. Et vlan ! V’là que PN nous sert son autobiographie par la même occasion ! Soyons clairs : on parle d’autobiographie, là.
Pas de testament. Ha ha, vous croyiez l’avoir enterré, ce bon Léon ? Et ben c’est raté. Faut pas pousser mémé dans les orbites, non mais !
En ce qui concerne mémé, justement, on préfèrera l’inviter à gambiller au son des sirènes de l’entraînant « Fin défunt ». Et tant pis si elle claque durant la gigue, au moins elle en aura bien profité avant de craquer sa digue.
La soirée (comme la vie) touchant à sa fin, on s’enfile un « Gnôle, torgnoles et roubignoles » tout en finesse et féminisme militant (vous imaginez…), avant de se dire au revoir et d’aller se pieuter.
Chœurs et accordéon magistralement cochons.
Allez, on prend son baluchon.
C’est l’heure d’mettre la viande dans l’torchon.
Bonne nuit, mon p’tit bidochon.
On s’endort, des conneries plein l’cabochon.
Et là, on se dit : bon sang, mais en fait… ce Léon Harcore… c’est carrément la Môme ressuscitée !!! Mais avec un timbre rocailleux, du poil aux pattes et une grosse paire de couilles !
Presque 50 minutes durant, ça gigote, ça dandine, ça tabasse. Ça cajole aussi, un peu. Et par-dessus-tout, ça culbute à en décoiffer notre Marianne nationale. Sexion PN : au rapport ! Et qu’ça saute !
Sur ce coup-là, Léon a vraiment frappé fort, avec un album à placer au panthéon des œuvres inc(l)assables. Alors comment ne pas applaudir un génie si vil !
Rempli jusqu’à en avoir les dents du fond qui baignent, d’une démesure toute grandiloquace, X et Cif au possible (comprendre : pornographique et décapant), ode à la France d’en bas, hommage à ceux qui ne sont rien : voilà le PN con M ! Avec autant de bâtons à saisir que dans une orgie entière, comme dirait la gente damoiselle aux grands yeux goulus et émerveillés, ne sachant plus où donner de la tête au milieu de tout l’essaim de sauciflards à peau rétractable qui lui tourne autour. Garanti que la kyrielle de bâtons (de berger), elle va tous se les déguster jusqu’à l’avant-garde !
Ah ! Qu’il est bon de patauger dans cette «
Douce Fange ». Et encore plus de s’y rouler et d’en tartiner les copains. La France, start-up nation, qu’il disait l’autre petit banquier, là… J’vais t’en foutre, moi… La régression, y’a qu’ça d’vrai ! Parce que là, au moins, on s’amuse et on rigole !
Et gageons que si une saloperie de pathogène ne vient pas nous faucher comme la Veuve d’ici cinquante ans, on pourra toujours compter sur Léon Harcore et sa bande pour animer nos thés dansants. Ceux-là où l’on évoquera le mond’avant avec nostalgie. Ceux-là où l’on dansera comme des possédés, en se moquant bien de ce que le mond’après sera devenu. Ceux-là où l’on s’embrassera éperdument, une toute dernière fois, avant de s’en retourner à la poussière.
Pour les siècles des siècles.
Amen (ton pèze).
Un texte aussi déjanté que l'oeuvre chroniquée. Bravo !!
Quel plaisir de voir que ta plume vient encore, de temps en temps, faire un détour parmi nous pour nous régaler. Et qui d'autre que toi pour venir nous conter ce nouveau méfait de PN (le vrai, dirai-je). Merci !
Voilà un texte splendidement barré mais cohérent, qui me rappelle à l'achet de ce nouvel album, qui risque de me ravir autant que son prédécesseur.
Merci à toi ! :)
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