La baffe...
Une empreinte rougeoyante de doigts griffus et cadavériques vient de s'imprimer sur mon faciès abasourdi. Là c'est fort, ce que je viens d'entendre fait résolument figure d'un obus à shrapnels tiré en toute bonté d'un canon à âme rayée me renvoyant ce petit sourire : " Arch, tu viens de te faire désosser la tronche. Certains disques font mal, pas vrai?"
Black Witchery. Il faut croire que ce nom restera marqué au fer rouge en ma matière grise à présent franchement chamboulée. Mais qui sont ces terroristes de la six cordes? Quelques explications :
Black Witchery est un groupe de
War Metal américain, art spécialisé dans la démolition auditive massive se rapprochant d'un
Black Death tiré vers ses dernières limites pouacres et minimalistes, rejeton direct de
Blasphemy, principal précurseur et maître du genre. Ce groupe canadien aura inspiré une poignée de formations plus poétiques les unes que les autres, du Canada (
Revenge,
Conqueror) et des USA ( Manticore ) au continent Européen (
Archgoat,
Sadomator,
Beherit ) en passant par l'Océanie (
Bestial Warlust ). Parmi eux,
Black Witchery, la crème de la crème des chevelus grognards, énormes fans de
Vomitor ou
Impiety, semblant fonctionner par tube de 10 litres de bière. Formé en 1991 sous le nom de Irreverent, le groupe se renomme
Witchery en 1996 et finit par adopter le
Black Witchery pour se démarquer d'autres artistes du même nom.
Composé de trois membres, un Impurath brailleur-bassiste, un Tregeda guitariste et un Vaz derrière les fûts, le groupe ne sortira son premier full-lenght qu'en 2002 (
Archgoat a brûlé sa désignation au GWR ) :
Desecration of the Holy Kingdom, signé à cette époque chez
Full Moon Production. Bien, les présentations sont faites. Maintenant passons à la deuxième partie de cette chronique : Le défouloir... Bah oui, tu t'attendais à quoi, à une prose charismatique? Le faire serait insulter le disque dont il est question.
Tout d'abord, le boîtier entre les mains, sa cover à la croix inversée décorée d'une trogne de
Baphomet pleine de bonnes intentions, l'intérieur et ce démon impérialiste siégeant face à ses conseillers perfides, pas de doutes, nous nous apprêtons désormais à assister à un
Evil Worship des plus conviviaux. Pour le groupe, c'est aussi une bonne manière de faire le tri. Parmi les paroles, tout n'est que grande littérature romanesque :
Satan, Guerre,
Mort, Black
Metal, le tout parsemé de messages des plus chaleureux et amicaux. Le moment est venu à l'écoute. On sort la galette, et hop dans le mange-disque... miam miam, ché bon cha... (Oh ça va hein !) et Let's Rock.
Le sample d'introduction composé de grognements sourds et d'éruptions volcaniques en arrière plan, le tout savamment distordu, n'est que la présence lointaine d'un univers dérangeant.
Pas de neige, pas de château, pas de forêts hivernales ou autres imageries carnavalesques, juste du feu et du sang. Ceci ne dure que quelques secondes, tu veux aller voir ça de plus près?
Le fracas est épouvantable... Aussi imprévisible qu'impitoyable. En une fraction de seconde, deux horribles mains crèvent le plancher et vous plongent au noyau de la terre. Le décor est planté sans même vous laisser le temps de l'appréhender, le paysage est noir et rocheux, le ciel rouge et opaque, vous avez les pieds dans la lave et vos fringues s'embrasent férocement. A ce stade, la réaction la plus prévisible serait "Pitié ! Je veux sortir !!!", mais il se peut aussi qu'un rictus cruel vous agrippe le visage, que deux cornes vous poussent sur le crâne et qu'une forte envie de lancer la centrifugeuse céphalique vous fasse de l'oeil.
Dès à présent, vous remarquez ce qui se passe autour de vous. Vous venez de percevoir le son dans son entièreté. Non pas de grésillements grincheux et capricieux, plutôt une lourdeur insoutenable, une production profonde dans ses basses au crachat phonographe venimeux. Ainsi apparaissent les différents composants du disque : ces riffs simples et lobotomisés épaulés par cette basse écumante se transforment en un nuage de vapeur d'hémoglobine. La batterie, linéaire et folle furieuse, n'évolue pratiquement qu'en blast beats, insistant sur des accélérations stomacales et décélérations glauques au possible. Impurath quant à lui se montre d'une agressivité terrifiante, et ça reste un terme bon marché pour la qualifier. Entre ses vociférations spontanées et violentissimes, et ses hurlements déclamatoires déchirant toute lumière, cette haine ne peut laisser indifférent dans tous les sens du terme. Notre homme est bien entendu soutenu par tout le petit orchestre dans ses éructations, le tout devient ainsi un modèle de cohérence et d'adaptation. Bas les masques, ici sincérité et efficacité règnent en maître.
Passé l'effet de surprise, vous serez fortement réjouit en constatant que le groupe ne faiblit pas et propose une gamme de morceaux aux fortes empreintes personnelles, aussi linéaires soient-ils. Ce titre éponyme, ses passages vocaux distordus et ses rapports enclenchés avec une maîtrise respectable. Le Crush the
Messiah, son riff principal démoniaque et son embardée anthologique... mais merde cette embardée ! Véritable mixer à cervelle, conclu par une rythmique robotique. Le court mais intense
Blasphemous Onslaught, deux infernales petites minutes de cataclysme, suivit de Command of the Iron
Baphomet, son solo bien bordélique à réveiller un mort.
Unholy Vengeance of
War sur lequel Impurath touche le sommet de ses crises de rage, ces montées en puissance font sentir que les beuglements de notre oisillon sortent tout droit de ses tripes. Into
Damnation Eternal active les cervicales de plus belle sur un mid tempo déterminé, le seul de l'album, et puis cette ride claquée de manière carrée et martiale. Le clou est davantage enfoncé sur Chaostorms of
Demonic Hate, semblant introduire la dernière ligne droite du disque, celle-ci voudra se surpasser en matière de barbarie, les vocaux retrouvent cette distorsion virulente, davantage exploitée sur Invincible
Antichrist Victory, dont on retiendra cette rapidité d'enchaînement du riffing, à présent la méthode de l'accélération n'a plus lieu d'être, le moteur a passé le dernier rapport, imprégnant à force de fracas la marque du dossier de la chaise sur vos vertèbres. Enfin, The Angelholocaust termine le disque sur sa lancée traditionnelle, imposant un dernier riff diabolique avant de clôturer la galette sur un fondu vers le silence.
Silence ? Oh que non. Car si vous possédez la version remasterisée en 2005, distribuée par
Osmose Production, vous y trouverez deux reprises vénérées par nos metalheads mal léchés: celle de
Deathrash de Sarcofago, située sur le cultissime album
INRI, ainsi que
Ritual de
Blasphemy, étant la première source d'inspiration de
Black Witchery. Ces deux reprises se voient ici survitaminées, tout en respectant les puissants espaces thrashys du second.
Tu comprends maintenant la référence au mot baffe ? Oui, non seulement BW est le parfait exemple d'une sale bestiole qui s'assume en tout point, mais il est aussi une référence en matière de brutalité démoniaque et d'esthétique sinistre et mortifère en toute pûreté. Ce disque peut définitivement porter le titre d'oeuvre du diable, créé dans l'unique but de vous perforer la carcasse à coups de corne. Si
Black Witchery avait été sodomite, votre arrière train aurait déjà prit le diamètre du Golfe du Mexique.
Point d'orgue du groupe,
Desecration of the Holy Kingdom lui permettra de signer chez
Osmose. Ils sortiront alors en 2005 un nouveau full-lenght,
Upheaval of Satanic Might, franchement moins passionnant. C'est en 2008 que leur association avec le groupe finlandais
Archgoat donnera naissance au split
Desecration and Sodomy, enregistré lors d'une tournée en 2007 à travers l'Europe occidentale, témoin implacable des méfaits de deux groupes majeurs de la scène black metal d'aujourd'hui. La suite ? On peut toujours espérer une nouvelle descente aux enfers. Celle-ci me pousserait à louer un kot chez le grand cornu.
Eternal Hails! Encore bravo et merci !
Mes respects , Maitre....
Glad.
Par rapport à Gods of War de Blasphemy ça vaut quoi ?
Je n'ai pas ce fameux Desecration of the Holy Kingdom, les deux après sont quand même bien méchants. C'est vrai qu'Upheaval est assez linéaire et pour le coup vraiment trop brouillon au niveau de la prod, mais il passe bien malgré tout. Par contre Inferno of Sacred Destruction il tabasse sec, déjà le son est bien meilleur, mais on garde le côté crade et brut du truc, et en seulement 22min pour huit titres c'est bien condensé.
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