Cela remonte à, si mes souvenirs sont bons, un peu plus d'un an.
Six jeunes enfants débarquants tout droit de l'Ohio avaient titillé mon attention en invitant leurs auditeurs à une étrange chasse aux morts vivants, sur un EP se prénommant très modestement «
Zombie ». Autant le dire, cet EP était une franche réussite, nous livrant une musique plus recherchée, plus profonde et surtout possédant une ambiance originale, autour du fameux concept de chasse aux
Zombies.
Impossible donc de ne pas attendre ce «
Dead Throne » d'un pied ferme. Premier regard sur la pochette de l'album : on a le droit à un portrait très pascalien, ce crâne évoquant la vanité; et encore plus, cette couronne, violemment ancrée dans la mâchoire de cette tête squelettique, est le signe de la vanité royale... Le roi est mort; sa tête délaissée, proche d'être consommée par la pourriture, signale que son règne est terminé et sa couronne n'est plus qu'un vestige obsolète de son hégémonie... C'est la fin de l'oppression, le début de la liberté... A une heure où le monde est secouée par des révolutions aux quatre coins du monde,
The Devil Wears Prada lance un appel fort : il faut en finir avec l'idolâtrie. Le thème a ainsi radicalement changé de ton depuis «
Zombie » : l'heure de la maturité serait-elle enfin arrivée ?
Il est inconcevable de le cacher : cette heure de la maturité est arrivée. Loin de son metalcore plutôt fougueux des premières heures,
The Devil Wears Prada concrétise les progrès que «
With Roots Above and Branches Below » et «
Zombie» nous laissaient entendre : l'ambiance s'est assombrie, un courant noirâtre symbolise ce «
Dead Throne »; par ailleurs l'utilisation des claviers, extrêmement juste, nous donne l'impression de nous plonger dans un des ces romans gothiques du XVIII ème siècle. Le titre éponyme, qui ouvre l'album, est évocateur, nous plonge dans cette ambiance unique et les hurlements de Mike Hranica nous attirent inexorablement vers les cachots musicaux dont chacun souhaite entreprendre l'exploration.
On notera également que le groupe s'est résigné à nous faire entendre de façon systématique le chant clair, ce qui faisait cruellement défaut à un album comme « The Plague ». Certes, ceci n'est présent que sur certains titres comme «R.I.T» ou «
Dead Throne » mais empêche, dans la mesure du possible, une sclérose de l'album.
Oui, je dis dans la mesure du possible, car il faut reconnaître que les lignes de chant de Jérémy DePoyster sont fades : aucun refrain n'accroche réellement (à la limite celui de « Mammoth » et encore c'est plus le pré-refrain qui sauve l'ensemble). Dans son utilisation des voix claires, on a vraiment l'impression d'entendre un groupe d'emo metal/screamo pure souche, qu'on aille par exemple piocher chez
The Used ou
From Autumn To Ashes. Cette linéarité du chant clair ébranle sérieusement l'ambiance de l'album; non pas que l'on demande à
The Devil Wears Prada de nous faire du
Lamb Of God ou du
Chimaira, mais simplement de diversifier son utilisation du chant clair, sans quoi on pourra sans trop de difficulté trouver mieux ailleurs dans le vaste univers du metalcore...
J'attendais énormément d'un morceau comme « Constance », étant donné la participation d'une des grandes vedettes de la scène -core, Tim Lambesis (chanteur de
As I Lay Dying). Là où on aurait anticipé une tuerie auditive, on se retrouve avec un morceau de nouveau fade, avec un refrain ennuyant au possible et la participation de Tim Lambesis se borne à quelques paroles en fin de morceau... A vrai dire, à la première écoute, je n'avais même pas remarqué sa présence...
Si nos Américains semblent s'être tirés une balle dans le pied avec cette immobilisme vocal, ils peuvent cependant encore se déplacer grâce à une musicalité plus aboutie. «
Dead Throne » est résolument plus heavy et plus diversifié, à l'instar de « Mammoth », à la rythmique groovy sublime sur le pré-refrain, ou encore sur le couplet de « My
Questions » avec des riffs lancinants et traînants à savourer. On reste également avec des éléments caractéristiques du groupe, notamment des breaks d'une lourdeur insolente...
Mais ceci est trop sporadique. Ces quelques bonnes phases musicales que je cite ci-dessus se retrouvent à quelques endroits et souvent de façon épisodique, on a l'impression que
The Devil Wears Prada souffre d'une infantile timidité, on ne peut jamais dire que dans ce «
Dead Throne » il y ait un morceau génial; il n'y a, malheureusement, que des passages géniaux (je le répète, ils sont assez rares)... A l'opposé, on dénote un surnombre de passages trop lents et trop pesants, parasités par un embouteillage de breaks... Du coup, à force d'en faire trop, on perd même de la puissance d'évocation noirâtre que j'évoquais un peu plus haut... Quand l'excès prend le pas sur la justesse...
Ce manque d'inspiration suinte encore dans mes oreilles, lorsque je me remémore les titres «
Kansas » et « Chicago » : le premier, sous forme d'une interlude et bien que mêlant avec audace quelques notes de piano et passages latents , se révèle très vite lassant; alors que le deuxième s'enlise dans les sinuosités du désespoir, faisant écho, de façon volontaire ou non, aux productions du dernier album de
Bring Me The Horizon...
Au final, c'est l'ennui qui s'empare de l'auditeur... Et même des titres sympathiques comme «
Born to Lose »et « Holdfast », qui montrent des structures intéressantes et qui s'avèrent malgré tout entrainants, ne sauront changer la donne... Ce n'est pas avec une poignée d'éléments positifs que les Américains pourront empêcher leur monument de s'écrouler...
Voilà, l'écoute vient de se terminer et un syndrome familier m'envahit : impossible de citer ne serait-ce qu'un titre marquant, aucun refrain n'est restée dans une case de mon cerveau, même mon doigt semble se refuser à appuyer sur la touche replay... Je n'ai pas passé un moment horrible, mais ce n'était pas plus agréable que ça non plus... Autant de symptômes qui me frustrent au plus haut point, surtout après une attente de plus d'un an...
Que dire de plus ?
Oui,
The Devil Wears Prada possède un style qui lui est propre. Oui,
The Devil Wears Prada a atteint l'âge de la maturité. Oui,
The Devil Wears Prada nous montre avec ce «
Dead Throne » qu'ils avaient un projet en tout point louable.
Mais la réalisation concrète de ce projet n'est pas au point, surtout si on ose la comparaison avec «
Zombie ». «
Dead Throne » n'est pas un mauvais album, il est vital de le souligner; c'est plutôt un album maladroit, un album qui s'égare, qui s'effile au fur et à mesure de l'écoute... L'auditeur est laissé au dépourvu au milieu d'une musique éclatée, et quand il en ramasse les pièces, il se rend compte qu'il n'a plus aucune envie de reconstruire le puzzle...
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