Liste des groupes Hardcore Noise Dark Mireille Dark Mireille

Certains groupes aiment la complexité. D'autres n'hésitent pas à en faire leur propre marque de fabrique et par la même occasion, à déstabiliser leurs auditeurs en plein concert. En effet, le fait de créer des structures complexes, de jouer avec les rythmes et de faire rentrer autant d'influences dans un unique morceau n'est pas chose facile pour un petit groupe underground qui souhaite se faire connaître. Il n'empêche, que cela prouve la grande liberté de l'artiste dans ses choix, son autonomie, ainsi que son imagination sans limites. Car la création artistique, et plus particulièrement musicale, n'a par définition, aucune limite, et des groupes comme Shining ou John Zorn continuent à nous le prouver encore aujourd'hui.

Par la seule évocation du mot "Dark" : c'est toute une horde de metalleux qui viennent se défouler en concert, taper du pied, et marquer de leur empreinte leur appartenance musicale. Pour certains, il ne s'agirait que d'un acte commercial ou d'une simple mode que d'intégrer ce mot dans le nom du groupe, mais pour d'autres, c'est bel et bien ce mot-là qui qualifie le mieux la musique pratiquée par le groupe en question. Dark Mireille fait parti de la seconde catégorie. Mais pourquoi Dark Mireille ? Parce que Mireille Darc... Ce nom ne vous évoque sans doute rien mais Madame Darc est une actrice et réalisatrice française ayant déjà collaborée avec Louis De Funès en 1963 dans le film "Pouic-Pouic" et est également connue pour avoir été l'ancienne compagne d'Alain Delon. C'est d'ailleurs elle, qui se retrouve en photo sur l'artwork de cet EP (la vraie version de cette photo est parue sur le magazine LUI de décembre 1969 où elle est entièrement nue).

Dark Mireille, c'est un peu comme une expérience chimique qui donne lieu à un mélange explosif. « 1,3,7,5 » comme dirait les scientifiques norvégiens de Shining et leur free jazz barré et ingénieux. Tout comme eux, le jeune trio officie dans une sorte de metal expérimental rassemblant non seulement des influences jazz, mais aussi hardcore, punk & disco, avec des rythmiques mathématiques et quelques riffs empruntés au death metal. Ce qui relie avant tout ces deux groupes, sont l'attention qu'ils portent aux chiffres et la certaine minutie de leurs compositions. Et il ne faut pas aller bien loin, pour se rendre compte que même si le groupe n'a plus de chanteur à l'heure actuelle et qu'il se débrouille très bien sans, les noms même de leurs morceaux sont aussi des chiffres. Mais la comparaison suffit, Dark Mireille se distingue par sa propre identité musicale, et particulièrement par la consommation excessive de pelforth brune, qui, durant les concerts, les poussent à une sorte de folie supplémentaire, s'accordant parfaitement avec le style expérimental qu'ils pratiquent.

Avant la formation de Dark Mireille à Pau en 2010, deux des membres (Brice & Sylvain) ont poursuivi le même parcours musical jusqu'à leur plus jeune âge : mêmes groupes en commun, mêmes influences... Ils se sont suivis dans chacune des formations qu'ils avaient il y a à peu près 10-15 ans de cela, à commencer par Ten Against One où ils commencèrent à baigner dans le milieu du punk-hardcore californien pour ensuite rejoindre une formation beaucoup plus extrême, mélange de black/death, de thrash et d'influences plus sombres nommée Deadliness. Plus récemment, la dernière formation à laquelle ils ont participé, Arkam, était une sorte de metal expérimental très froid à la Meshuggah en plus hardcore. Quant au batteur, Patrick, ses influences remontent vers le rock/stoner des années 70' comme Queens Of The Stone Age, The Kyuss et bien entendu, The Dillinger Escape Plan ayant été l'influence commune de tous les membres. Tout ça pour dire, qu'en fait, il faut remonter aux origines des influences du trio pour mieux comprendre la musique de Dark Mireille.

On en oublierait presque qu'un chanteur était bel et bien présent dès la formation du groupe, mais qui, malheureusement est parti au bout de 7 mois. Finalement, le reste du groupe s'est très bien adapté et a pu comprendre que chaque ligne instrumentale est importante, et qu'il vaut mieux un groupe sans chanteur qu'un groupe avec un chanteur hurlant des paroles incompréhensibles. Dark Mireille nous rappelle donc sans cesse, que chaque instrument, chaque note est importante. On pourrait tout à fait le remarquer sur "La Onze" où les solos de basse, de guitare et l'intervention ponctuelle de la batterie s'enchaînent parfaitement, jusqu'à créer une atmosphère sombre et chaotique. Tandis que "La Dix" incarne une véritable scène cauchemardesque par son rythme rapide et progressif, certains passages laisseront suggérer une ambiance mélancolique et inquiétante à souhait.

Bien sûr, il a fallu réadapter certains titres pour les jouer en live sans chanteur. Ainsi, sur certaines pistes plus anciennes contenues dans cet EP comme "La Neuf" - "La Sept" ou encore "La Huit" - on y retrouve des samples de textes tels que l'article 1 des droits de l'homme, le poème "c'est arrivé près de chez vous" de Benoît Poelvoorde ou encore des coups de gueules, des problèmes de la vie courante... Certains s'intègrent assez bien, mais d'autres trouvent mal leur place comme les courtes paroles introduisant le morceau "La Cinq" que l'on pourrait trouver un peu maladroites ou le poème sur "La Huit" assez mal choisi. Aussi, et bien que certaines lignes soient assez plates, on accusera volontairement les conditions d'enregistrements défavorables au groupe (plaintes déposées pour nuisances sonores, pressions sur le groupe...). Du coup, il a fallu que le groupe fasse des choix, et qu'il garde des prises moins abouties. Mais que l'on se rassure, cet EP est loin d'être bâclé, et on sent un groupe parfaitement dans son élément.

Dark Mireille, c'est un peu comme une chambre désordonnée qui donne lieu à un capharnaüm de grande ampleur. Les compositions sont nommées par ordre chronologique, mais certains morceaux ont été enlevés de la tracklist. Ce qui peut parfois perdre les auditeurs ainsi que les musiciens en plein show. Par ailleurs, c'est justement en live que le trio produit une prestation encore plus folle. Lorsqu'ils jouent, le passé musical des membres défile dans les morceaux, et le son bien lourd vient rendre le show encore plus attractif et impressionnant. Les influences punk-hardcore ressortent particulièrement dans chacun des titres, et l'on distingue des riffs très rapides, des sons agressifs apportés par la batterie et bien sûr, la durée plutôt courte des pistes. Avec une quinzaine de concerts par an, dont plusieurs aux côtés de groupes de renom tels que Gorod ou de moins connus comme Sol Niger, Dawn Of Justice ou encore Dwail, Dark Mireille continue à se forger une petite réputation dans la scène locale aquitaine tout en pratiquant leur passion commune : la musique.

Pour une toute première production, celle-ci est déjà particulièrement bien exécutée et Dark Mireille n'est pas loin de nous étonner avec des morceaux tels que "La Sept" - véritable nid d'influences et de mélodies jazz de toute beauté ou "La Onze" montrant une fois de plus, un groupe solide et inspiré. En plein show, on pourrait penser que Dark Mireille officie dans une simple musique bruitiste sans mélodies mais lorsqu'on se penche sur cet EP, on comprend vite que le groupe sait réfléchir et façonner une musique qui lui ressemble. Certains détails peuvent néanmoins être améliorés comme les samples, certaines parties un peu plates ou les mélodies un peu dérangeantes comme celle présente sur "La Huit" à 00:49 secondes, mais il n'empêche que cette démonstration 100 % maison reste vraiment encourageante pour la suite. Un second rendez-vous est d'ores et déjà prévu, puisque le groupe devrait ré-enregistrer la totalité des morceaux en 2014 au studio Ampli de Billère dans de meilleures conditions.

Qui des scientifiques de Shining ou des mathématiciens de Dark Mireille arriveront à résoudre cette équation en premier ?