La lointaine Dacie vient d’accoucher d’un tout nouveau et tout beau phénomène pagan metal. Par estime, nombreux metalheads associent ce pays bordant la Mer Noire à l’illustre représentant païen qu’est «
Negura Bunget ». Un groupe néanmoins plus connu et vénéré des seuls afficionados. Il faut dire, qu’en matière de folk et de black pagan, tout ce qui est associé aux régions de l’est de l’Europe et plus encore de l’Europe du Sud-Est a encore beaucoup de mal à gagner nos contrées occidentales. Les plus curieux découvriront donc, émerveillés, l’arrivée d’un acteur roumain à la destinée toute tracée. Cette formation porte le nom de la région montagneuse du nord de la Roumanie où elle est née : «
Bucovina », autrement dit « Bucovine » en français. Leur musique n’a clairement rien à rapprocher à celle si contemplative de leurs compatriotes de «
Negura Bunget ». Eux, ils louent les charmes de leur terre dans leur langue natale et dans un style beaucoup plus direct, extrêmement fébrile, comme nous pourrons le constater sur leur premier ouvrage «
Ceasul Aducerii-Aminte » paru en 2006 sous le label roumain Lupii Daciei Records. Vous voilà désormais averti. Si vous ne pouvez aller en Bucovine, «
Bucovina » viendra à vous.
Le groupe en question officie dans un pagan germanisant. Cela se découvre à travers ses riffs tranchés et bourrus, mais aussi par une certaine constance rythmique propre à une majorité de formations allemandes. Etonnement l’introduction de l’album n’est ni un frêle acoustique ni une symphonie épique comme on a très souvent l’habitude d’entendre dans la mouvance. « Valea Plangerii » est en fait un instrumental heavy metal particulièrement brut et couillu. Le son rêche des guitares est d’ores-et-déjà privilégié et nous donne une fenêtre intéressante sur le restant à venir. Ce qui suit n’est ni plus ni moins qu’un brûlot. «
Bucovina » nous comble d’un redoutable « Sunt Munti Si Paduri » à la puissance insurmontable. Ce qui est marquant chez eux c’est leur facilité pour allier un chant clair solennel et épique à d’époustouflantes charges rythmiques. On atteint des passages d’une rapidité assez inédite. La formation joue littéralement avec la boîte de vitesses et ne s’interdit pas non plus des passages beaucoup plus assoupis à l’image du break mélodieux et acoustique, en plein milieu de piste.
Avec eux, il faut avoir le cœur très accroché et ne pas décliner face à la persistance des salves. Ce jeu nourri et galvanisant s’accommodera de quelques grognements à l’occasion sur « Tara de Dincolo de Varfuri de Brad ». Nous avons l’exemple du froid « Vinterdoden » où le chant grogné éclipse pour une fois le chant clair. La seconde voix qui vient en renfort et qui nous glace le sang nous donne momentanément l’impression d’écouter quelque chose ressemblant à du «
Helrunar ». Mais la tonicité des guitares et de la batterie parviennent à prendre le dessus et chassent ces ombres. La tension n’est que brève, luttant pour se maintenir, elle finira emportée par la force d’un torrent. Elle avait par ailleurs pu gagner « Strasnic Neamul Meu ». C’est du moins ce que l’on peut percevoir dans ses riffs agressifs et ombrageux, également assaillis par quelques grognements. Le titre dégage peu de sensibilité, mais une solidité apparemment à toute épreuve. Ses enchaînements sont mécaniques, thrashy parfois.
On atteindra un rythme plus mesuré, lourd et écrasant, avec «
Luna Preste Varfuri », même si celui-là n’est pas pour autant dénué de quelques assauts énergiques. Il s’inscrit de façon indéniable dans un pagan commun, bourru, propre à «
Adorned Brood », «
XIV Dark Centuries » et consorts. «
Bucovina », tout en insistant pleinement sur la fougue rythmique, tente malgré tout de diversifier sa panoplie. Le groupe montre sa pleine étendue technique sur l’instrumental « Napraznica Goana ». Un morceau abrasif composé en différentes strates qui paraitra néanmoins décousu. La vitesse associée à une production de qualité moyenne a pour mauvais effet de désorienter l’auditeur. Les roumains appliquent la même recette pour leur «
Bucovina, Inima Mea ». La tonalité dramatique du chant a pour effet d’agrémenter ou plus exactement de compléter l’agitation régnante sur le titre qui finalise l’album. De l’introduction à la conclusion, «
Bucovina » ne nous aura épargné d’aucun répit.
Originaire d’une scène snobée, boudée (qu’importe le mot), les natifs de cette région
Septentrionale de Roumanie, aux prises durant des siècles à de nombreuses invasions, nous ont créé un véritable bolide de course. Ils ne sont pas en compétition, mais tout de même. Si on fait abstraction de la médiocrité de la production, «
Ceasul Aducerii-Aminte » est une pièce de premier choix, riche en protéines. Depuis lors, «
Bucovina » est en train de se construire une réputation grandissante dans le milieu. Le groupe a eu le temps d’affuter ses couteaux et on attend désormais avec impatience une prochaine livraison de leur part, sachant qu’ils nous auront entre-temps mis l’eau à la bouche avec l’excellent Ep « Duh », paru en 2010. Ces roumains-là ne travaillent pas pour Findus. Loin de s’avérer être un surgelé, «
Bucovina » aura mangé du cheval en 2006.
15/20
On a pas vraiment les mêmes goûts mon cher Alone, mais c'est toujours avec grand plaisir que je passe lire tes écrits.
Sinon bonne chronique, à ne pas sous-estimer car le groupe se démarque vraiment de ses semblables en live !
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire