Une tournée en Asie couronnée de succès, un nouveau batteur chaud bouillant, des maisons de disques à l’affût… 1983 semble marquer la fin de la galère pour
Hanoi Rocks, désormais prêt à conquérir le monde. Malgré l’intérêt de plusieurs compagnies, le groupe décide de sortir Back to the Mistery City sur son propre label, Lick Records. Les Muddy Twins ont les dents longues, et n’ambitionnent rien d’autre que de gagner les Etats-Unis, terre mère du Rock n’ Roll. Mais pas question d’adoucir le son ou de renoncer à son indépendance. Le groupe tient d’ailleurs à remercier Cosmic Ted et Flashing Psychedelic Kid, comprendre Andy McCoy et
Michael Monroe ! Toujours le même squat miteux, les mêmes guitares crasseuses, mais l’envie d’en découdre se fait plus intense. Le changement de taille, c’est l’arrivée de Razzle, responsable du dépassement de soi de
Hanoi Rocks, qui signe là un album d’une rare intensité.
43 secondes vont donner le « la » : Strange boys play weird opening est une sorte de prélude folk … qui porte bien son nom. Une ambiance faussement bucolique sert de toile de fond à une flûte jouant un air léger et glauque, genre Simon & Garfunkel sous héro. La petite blague passée,
Malibu Beach Nightmare lance réellement l’album avec les fûts puissants de Razzle, dont le jeu, plus explosif que celui de son prédécesseur, est agrémenté d’une certaine touche pop. Parfait pour titiller le démon punk qui habite McCoy. Toutes les composantes du son
Hanoi Rocks sont condensées dans ces quelques minutes : l’énergie du chant de Monroe, l’érotisme du saxo, les riffs acérés, … Les lignes de piano ascendantes et descendantes accentuent le delirium du morceau, porté à son paroxysme dans deux titres à l’ambiance folle et acide.
Mental Beat s’ouvre sur des cris et un martèlement assénant, comme pour pénétrer la psyché de l’auditeur, - mais tomber sur cet album trahit une psyché déjà passablement dévoyée, adorateurs du
Vice repentez-vous -, et l’entraîne dans une spirale vers la folie. Jouissif, d’autant que
Mental Beat est construit de sorte que tous les instruments soient mis en valeur. Une fin en apothéose parfaitement adaptée débouche sur Tooting Bec Wrecked.
Ode à leur vie de misère dans ce quartier de la banlieue de Londres, Tooting Bec Wrecked est une sorte de fête pop-punk dérangée, à la basse caverneuse, où le groupe se surpasse dans un élan frénétique. Monroe se met à imiter les animaux de basse-cour, McCoy tire sur ses cordes comme si sa vie en dépendait, et la section rythmique délivre une de ses prestations les plus tribales. Razzle est certainement à l’origine de cette évolution dans la structure des morceaux : plusieurs fois à travers « Back to the Mistery City », la chanson est comme suspendu dans un interlude où l’espace sonore n’est occupé que par le chant et la batterie.
Les idées les plus simples sont souvent les plus efficaces, ce petit trick sert à relancer la machine sur les titres de la face B.
Pas de remplissages intempestifs, Razzle mise sur un groove brut et aéré plutôt que sur une démonstration technique qui ne collerait pas au style de
Hanoi Rocks.
Le troisième album est souvent crucial dans la vie d’un groupe, il teste son potentiel créatif une fois l’excitation des premières années passées. Il est tantôt une rupture, une panne d’inspiration ou une consécration. Back to the
Mystery City fait partie de cette dernière catégorie. La recette ne change pas, mais le tout semble être plus maîtrisé, plus accompli. Majoritairement composée de mid-tempi, la face B regorge de tubes potentiels.
De la ballade suave
Until I Get You au véritable hymne sleazy Lick Summer Love où
Michael Monroe signe un de ses textes les plus salaces (« I'll lick the sweet summer sweat from your hips, You may not like it yet but I bet you'll get wet »), l’amour est décliné sous toutes ses formes, du plus innocent au purement sexuel. Tout est réuni pour rappeler ce que représente le rock n’ roll dans une société étouffante de bienséances et d’hypocrisie : un grand bol d’oxygène, et peu importe que l’album soit sorti en 83, le message est transposable à souhait. La chanson éponyme Back to the
Mystery City et Rebel on the run sont d’autant de chants revendiquant la marginalité et l’authenticité inhérentes à
Hanoi Rocks. Curieux comme l’une des plus belles démonstrations d’« éthique » provient d’un groupe de glam-punk, à un moment où certaines formations dénaturaient leur musique pour toucher une audience plus vaste. Au risque d’ailleurs d’être insatisfaisant pour le fan de la première heure et pour l’auditeur inaccoutumé.
Au final c’est peut-être là que l’on peut poser le rock n’roll : un genre populaire, avec un fort caractère qui plaît à beaucoup mais qui l’empêche en même temps de séduire le grand public. Et le passionné, pour peu qu’il ait du temps à lui consacrer, ne cessera probablement jamais d’être surpris par sa richesse.
Je préférais l'album précédent.
15/20
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire