Revenir à l’essentiel, se réfugier dans la simplicité, c’est presque un aveu de sa fragilité que nous fait là «
Anvil » en 2004. Cette douloureuse prise de conscience s’était déjà fait sentir à travers un riche mais très complexé «
Still Going Strong ». «
Anvil » n’aurait quasiment plus envie de faire du «
Anvil », plus vraiment de folie furieuse ni de grandes envolées guitaristiques. Le groupe mythique et flamboyant se perd au fur et à mesure dans l’ombre et dans une musique aux accents rock n’ roll. Pourrait-on y voir là une tentative désespérée d’écouler encore quelques disques dans le marché étasunien ? Ce qui est sûr c’est qu’«
Anvil » est décidément mal barré. Le groupe ne semble plus réellement croire à son salut. Aucune grande conviction ne sortira donc du douzième album «
Back to Basics ». Vieux, fatigué, ayant perdu ses muscles d’airain et sa confiance en l’avenir, le forgeron de
Toronto préfère donc se réfugier au fond de sa forge. Sa création ne fera donc penser qu’à du bricolage de retraité.
La forge faisait pourtant souffler le chaud à l’ouverture avec son «
Fuel for the
Fire ». Lips et compères y jouent avec une rage et un entrain qui nous ravie déjà. Cela a beau ne pas paraitre particulièrement subtil, on est toutefois charmé par l’incandescence et le côté impulsif du morceau. Nous aurions pu croire que cette ardeur allait durer, en fait nous nous rendrons vite compte que «
Fuel for the
Fire » figure en tant qu’exception au sein de l’album. La majorité de «
Back to Basics » se compose de titres nettement moins heavy metal. «
Anvil » s’embarque en direction des plaines du
Texas, adoptant un style volontiers groovy et rock n’ roll comme on avait jusque-là peu rencontré chez eux. « Keep It Up » comme « Can’t Catch Me » nous feront tantôt songer à «
American Dog » tantôt aux tribulations post-années 80 de « Motörhead ». Si on excepte le côté bon-enfant régnant sur « Can’t Catch Me », l’évolution vers un hard rock au goût prononcé de bourbon, ne fait pas la réussite d’«
Anvil ».
Trop souvent ils vont s’employer dans des rythmes répétitifs et un manque certain de conviction. La lead guitare n’est plus autant de sortie qu’avant, on sent le Père Lips diminué également sur le plan vocal. Pour attester de cette baisse de régime nous avons les déprimants et plats « Song of
Pain » et « Go Away ». Au moins, on peut se dire qu’ils auront mérité leur nom. Tous deux traînent pitoyablement la patte, si on se base notamment sur leur rythmique amorphe et leur musicalité aride. Ils pêchent aussi d’une prestation vocale assez exécrable de la part de notre fou-chanteur. «
Bottom Feeder » remonte quelque peu la pente grâce à des riffs tranchants et affutés, à la dextérité de Lips que l’on retrouve vivant à nouveau. Le constat est à peu de chose près similaire sur le dépotant « You Get What You Pay For », qui s’en être bien original offre quelques passages survoltés du meilleur effet.
Antérieurement, il a été mention d’exception pour l’ébouriffant «
Fuel for the
Fire ». Il a aussi été question d’influences Motörheadiennes dans la musique d’«
Anvil » pour cet opus. Il faudra parler de « surprise » en évoquant le sinistre « The
Chainsaw ». Son entame ténébreuse et brumeuse tranche d’ailleurs radicalement avec l’esprit « santiag » de «
Back to Basics ». Nous voilà replongés dans la noirceur d’un « Hammered ». La rythmique écrasante, hachée, comme la voix prenant de faux airs de Lemmy, tout nous ramènerait au sombre album qu’avait réalisé « Motörhead » deux ans plus tôt. Et comme une surprise ne vient jamais seule, il faudra inclure dans nos stupéfiantes rencontres « Fast
Driver ». Un morceau véloce qui renoue avec un «
Anvil » démonstratif et surexcité. Un signe d’espoir dans le redressement à venir de la formation ? Le retour à leurs véritables bases ? Non ! Ils n’y songent même pas. La ballade émotive « Cruel World » viendra enfoncer le clou du martyr. Si vous n’avez encore jamais saisi nos canadiens dans leur dénuement, ouvrez vos oreilles. Lips d’une voix cassée marmonne ses mots : «
Rescue me from a cruel world ». Fini les sourires, fini la rigolade. C’est un appel à l’aide que nous entendons.
Monde cruel ! Vie impitoyable ! Humanité sournoise et avide ! La formation canadienne qui avait tant rayonné dans les années 80 périclite, agonise. Les membres sembleraient avoir lâché prise musicalement. La fatalité commence à avoir raison de leur engouement si vertueux autrefois. On juge leur esprit à l’état de ce qu’ils nous ont offert. Bien que contenant quelques morceaux rondement menés, «
Back to Basics » abandonne en grande partie la magie électrique qui nous faisait tant rêver chez «
Anvil ». Au lieu de ça nous avons une galette avec des arrières goûts de « Motörhead ». Le hard rock en chapeaux de cow-boy ce n’est pas trop leur truc. Ils n’auront pas pour autant dit « Adieu monde cruel ! ». Le suicide c’est pour les faibles. S’ils doivent mourir c’est l’instrument à la main. Ces messieurs auront bien raison de s’acharner, même sans label. Que ça soit à la loterie ou dans la vie, il faut toujours parier sur le chiffre 13.
12/20
Il y a un moment que je ne l'ai pas écouté mais ta chronique et ta note reflètent assez mon opinion sur ce disque qui m'avait assez déçu par rapport à d'autres albums du groupe.
Encore un joli papier, avec un point de vue toujours clair et éclairent.
Merci Mr Alone !
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