C’est non sans une certaine déception que nous parlerons d’un opus que nous avons attendu quatre ans… L’événement ne fut pas à la hauteur de l’attente…
Rétrospective…
Voici six ans, un coup de maître avait été réalisé. Une œuvre à part entière, un chef d’œuvre créatif, une boule d’inspiration, une merveille de créativité répondant au doux nom de "
Temple of Shadows". Ses créateurs, réunis sous le patronyme prémonitoire d’
Angra, étaient parvenus à décrocher les cieux de la poésie musicale là où l’opinion publique les plaçait déjà injustement six pieds sous terre. A la sortie d’un split douloureux, où le formidable vocaliste
Andre Matos avait quitté le navire en emportant deux compagnons d’armes, le noyau dur du groupe s’était alors reformé autour de jeunes musiciens et d’un chanteur expérimenté bien que méconnu du grand public. "
Rebirth" marqua les premiers pas d’une formation redevenue aussi timide que volontaire. Enfin vint le fameux "
Temple of Shadows" à même d’avaler le monde. S’il marque l’une des œuvres les plus abouties de la décennie passée en matière de power métal à tendance progressive, son successeur, "
Aurora Consurgens", survolait allègrement la concurrence en plaçant le groupe dans des contrées célestes d’où nuls autres artistes ne semblaient pouvoir les déloger.
Enfin le silence, la confidentialité… Un quinzième anniversaire fêté sur la route mais sans sortie parallèle, des musiciens partant en projet solo (
Almah avec Edu, Kiko avec
Neural Code ou en solo,
Bittencourt Project pour Rafael…), un batteur expulsé (Aquiles Priester étant remplacé, pour des raisons très obscures, par un Ricardo Confessori de retour à la maison) et surtout l’annonce d’un septième opus longue durée commençant à sérieusement se faire attendre. Après des mois de suivi en studio, "
Aqua" est désormais dans nos mains, abreuvé d’une pochette aussi sublime que symbolique.
Un opus qui débute sur une intro solennelle, splendide, faite de chœurs et de cloches lointaines, l’orage grondant à l’horizon…
Angra est de retour… "
Arising Thunder" explose. Ce qui choque, de prime abord, c’est une production à des années lumières de la grâce qu’avait réussi à canaliser le magicien Dennis Ward. Si le choix de tout enregistrer au Brésil fut un choix probablement personnel, le résultat s’en ressent avec un son certes très puissant et clair mais parfois poussif et étouffé, et manquant du formidable allant de ses deux prédécesseurs. Néanmoins, musicalement, le groupe rassure avec un speed endiablé comme seul lui à le secret, à la mélodie d’une beauté sublime (ce pré-refrain est vocalement merveilleux) et surtout à l’impact technique une nouvelle fois ahurissant, voire complètement blasant. Si les guitaristes sont une fois de plus insultant de technicité (mais jusqu’où iront-ils ?), il faut écouter la partie de basse gigantesque de Felipe Andreoli, clairement l’un des meilleurs bassiste du monde aujourd’hui... Un premier morceau très direct, à l’impact évoquant énormément "
Carry On" et plus particulièrement "
Nova Era" (le riff d’intro notamment), aux claviers discrets mais apportant la touche épique nécessaire, aux mélodies vocales enchanteresses tout en confirmant la direction de plus en plus agressive d’Edu derrière le micro (le hurlement final suivi d’un «
Push » quasi thrash).
Malheureusement, s’il y a une particularité dont a presque toujours joui
Angra, c’est bien d’une fluidité durant et entre les morceaux. C’est ce qui fait défaut à cet "
Aqua" qui n’arrive presque pas à créer de liant entre ses compositions, de fil rouge, perdant ainsi la notion du concept textuel très ambitieux servant de toile de fond au disque.
Semblant déchiré musicalement entre un passé historique et une nouvelle ère controversée mais emplie de splendeur,
Angra se perd parfois dans sa propre créativité, ne faisant pas toujours les bons choix et perdant ainsi l’impact que possédaient ses chefs d’œuvre passés.
Cependant, il serait terriblement cruel de passer à côté de certaines perles musicales que nous livrent les Brésiliens en cette nouvelle cuvée.
"
Lease of Life", intermède onirique, renvoie clairement à l’ère "
Holy Land", le rôle de Ricardo Confessori, en termes de percussions, redevenant crucial. Tout le long d’une mélodie de piano sensible et clairvoyante se dresse une ligne de chant belle, à l’instar d’un appel au rêve. Les guitares s’effacent au profit de la chaleur des peaux, pour surgir uniquement sur un solo rappelant, quant à lui, la beauté de "Passing By", l’aspect expérimental en moins.
Expérimental… Si le terme s’accordait à merveille sur "
Aurora Consurgens", terre sainte d’expérimentations sonores et modernes en tous genres, il ne semble pas s’accorder aujourd’hui à une vision paraissant paradoxalement se chercher, hormis sur quelques compositions dressant ouvertement la suite directe du passé proche du groupe. Ainsi, l’énorme "
Awake from
Darkness", aux riffs des plus alambiqués, monstrueux de technique et d’arrangements tribaux (l’apport de Confessori est omniprésent, moins purement technique mais d’une richesse rare) ravit. Musicalement exceptionnel, il évoque la face la plus dure et carnassière du groupe. C’est alors que, d’un déferlement de riffs lourds, sombres et massifs (ce break est à pleurer de bonheur) émane un enchantement juxtaposant la pureté du piano à la tension dramatique du violon.
Angra marche de nouveau sur l’eau… au dessus de tout… avant de livrer le meilleur solo de l’album, dans le pur style de Kiko et Rafa : technique, très mélodique, gracieux, fluide, injouable…
Si l’on veut parler de génie, c’est avec "
Spirit of the Air" que l’on retrouve avec passion le
Angra divin. Une mélodie purement ethnique, une foule d’instrumentations, une richesse salutaire, un Edu à la sensibilité exacerbée. Se décantant rapidement autour d’un riff entre des arpèges mélancoliques et des arrangements modernes, le morceau se pose sur une rythmique de plomb, particulièrement de Felipe qui alourdit considérablement l’atmosphère avec sa six-cordes. Un refrain stratosphérique, simplement beau, partagé entre Edu et Rafael aux chœurs, laisse la place à une chorale magnifique de pureté. Le dieu
Angra nous parle… L’ange est ici, les tripes se tordent, nous écoutons la musique des cieux, celle si épique que seule une poignée d’élus sait la composer…
Mais dès lors, pourquoi après une telle merveille devons-nous plonger dans des "A Monster in her
Eyes" et surtout "Weakness of a Man" plus fades, qui ne paraissent rien transmettre au précieux auditeur? Probablement marqué par l’accumulation de tempos lents, un certain ennui s’empare de lui sans qu’il ne puisse rien faire, abattu par tant de mollesse et un manque évident d’émotions, voire de créativité (c’est flagrant sur le second morceau cité). Si "The
Rage of the Waters" retrouve une dimension bien plus heavy avec son riff ultra rapide, c’est surtout pour sa partie de basse époustouflante sur le break qu’il marque les esprits. Quant à "
Hollow", si sa modernité apporte une fraicheur non négligeable, il souffre de son intro trop audacieuse pour une suite trop conservatrice et traditionnelle, notamment sur un refrain que l’on aurait aimé plus percutant.
"
Ashes" termine le disque sur une note bien plus intimiste, Edu partageant le chant dans une ambiance grave, profonde, noire et surtout complètement réussie. Le piano, les arrangements orchestraux accompagnent une ligne vocale presque dépressive, créant une atmosphère poignante et à la force qui manque au reste de cette seconde partie d’album.
Que dire de plus ? Si ce n’est qu’Edu y apparait parfois décevant car poussif ? Qu’
Angra, après deux disques purement géniaux semble marquer le pas et être rentré dans le rang ? Certes, il est encore au dessus du lot, et de très loin, mais sa personnalité s’effrite avec cet album…à notre grand désarroi… L’événement n’est clairement pas à la hauteur de l’attente…
Si cet album vaut 15, "Holy land" vaut 25...
Pour autant, un léger - léger, hein - retour à l'inspiration des premiers albums m'a agréablement surpris. Après les albums assommants - tant au niveau de la forme que du fond - des années 2000, voici enfin un peu de variété et de mélodies intéressantes. Quelques moments pétillants, même. Mais bon...
Un truc qui me fait marrer au niveau du chant : lorsque Edu est arrivé, il avait parfois des intonations proches de celles d'André Matos et là, 10 ans après, j'ai sur quelques lignes éparses l'impression d'entendre une imitation de Bruce Dickinson. Ceci n'enlève rien à son talent car il est un très bon chanteur !
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire