Alors que les scientifiques, les Maya, les Tibétains ou les Martiens continuent, année après année à nous prédire un énième cataclysme psychique justifiant la fin de notre monde, des cités en ruine et des survivants mystifiés errants au milieu de décombre, l’Humanité semble oublier ce qui causera probablement notre perte à tous : elle-même. Bouffant jour après jour notre Terre, il n’en fallait pas plus pour Poumon de nous délivrer un message simple, mais fort : «
Apocalypse Need You ».
Deux poumons pour le corps humain, deux fois deux frères pour ce Poumon musical. Parmi eux, deux têtes plutôt connues :
Hugo de Villoutreys et Pierre Arnoux, que beaucoup peuvent connaître pour leurs rôles dans
Aabsinthe. S’ils conservent toujours Tom d’Herin à la production, les voilà rejoints par leurs frangins respectifs : Lorrain et Daniel. Et de cette union familiale et musicale va ressortir un album des plus chaotiques, « Do it yourself » jusque dans la pochette dérangeante, image d’un terrible cataclysme mondial.
Un stress, un sentiment d’urgence inquiétant, voilà ce que symbolisent cette étrange musicalité et cette alarme résonnant au début de «
Preacher ». Le titre est hautement perturbant, tout ayant l’air d’être dans le décalage le plus complet : le jeu de batterie est au moins aussi étrange que la composition des claviers. La voix agite le tout, parfois hurlée, souvent trainante et enrouée, encore solennelle et aérienne, perturbante au moins autant que cette guitare distordue et poussant à la peur la plus intense.
Même si l’expérience de plus d’une quinzaine d’activité doit certainement jouer, ne pas reconnaître le génie de composition du groupe serait proprement injuste. Au fur et à mesure des écoutes, on découvre des éléments, des sensations, chacune rendant chaque audition unique et dépaysante. Si Poumon semble se complaire en majorité dans une Noise perturbante, le groupe ne s’arrête vraiment pas là et explore de multiples horizons, noyant sa musique dans un chaos d’une beauté impressionnante.
Et quoi de mieux pour définir le chaos qu’un Stoner/
Doom plombé et profondément noirci ? Même si le tout démarre assez tranquillement avec la presque pause et barré « The
Revenge of a Dishounoured Horse » à la voix claire intéressante, aux chœurs étouffants et à la pression progressive, le tout nous emmène plus loin. Au-delà du duo basse/voix claire pour introduire « A Candlelit Dinner », on se retrouve vite noyé dans ce chant agité s’essayant à de belles tentatives de growl, nous enfonçant dans une tornade hypnotique de riffs distordus, psyché et rock’n’roll. Et «
Zombie Tic Attack !!! » ne sera qu’un pas en avant dans la noirceur la plus totale, que ce soit dans ces cris oppressant ou bien les « tic-tac » (Tic-
Attack ?) tordus accompagnant cette ambiance malsaine de guitare lente… Mais ajustant de curieux effet mélodique s’ajustant à la perfection avec une voix des plus démentes.
Parfois, quelque chose de Post vient secouer le désordre. « I Set
Fire to Your House » propose, au milieu d’une basse sautillante et de chœur fantomatique et presque religieux, des élans Post-
Core sous la forme de riffs voilés ou de voix implorantes. C’est bien sur la longue « Worms » que le groupe va délivrer ses plus belles inspirations. Si le début se fait toujours plus
Sludge, la progression du morceau l’orientera vers un ensemble presque solennel de voix et surtout une longue partie instrumentale, transitant d’arpèges calmes et mélancoliques en des élans de puissance atmosphérique simplement magnifique.
Le groove extra de « Run Little
Bastard », plus clean et remuant, ne fera que confirmer l’aisance de Poumon à diversifier sa musique. Il s’agit probablement du titre le plus accessible de l’album, d’ailleurs. Quant à « Do it,
Abraham, Do it ! », son introduction en sonorités stridente et sa danse de basse nous soulagera les oreilles. Mais pour une courte durée, car de ce groove impeccable, nous nous retrouvons une fois de plus au cœur d’une danse de noirceur malsaine, de growls en puissance instrumentale fabuleuse. Les derniers coups de butoir données par « Fukushima Mon Amour » nous empliront une dernière fois notre âme des pires sensations de stresses existantes. Profondément écrasant et dominé par un ensemble musical lourd, on retrouve un peu toutes les composantes de l’album : ce chant hargneux, cette basse omniprésente, ces guitares Noisy et puissante, cette sensation de hargne éprouvante et ces voix spectrales hypnotiques …
De la cohérence dans le désordre et un talent de composition plus qu’évident pour permettre une cohabitation stylistique aussi aisée, tel sont les armes des Stéphanois de Poumon, nous délivrant une musique chaotique étrangement respirable, autant névrosée qu’entrainante. «
Apocalypse Needs You » est un appel d’urgence, une situation inextricable sortie tout droit d’un synopsis de série Z et dont Poumon se fait le prophète. La confirmation dès le prochain album, alors ?
Vous devez être membre pour pouvoir ajouter un commentaire