Aujourd’hui,
Shape of Despair est un acteur incontournable de la scène funeral doom, et chaque album de la troupe finlandaise est attendu par une horde de fans déjà acquis à sa cause.
Pourtant, la réputation du combo ne s’est pas forgée en un jour, et c’est ce que nous rappelle Jarno Salomaa avec la sortie de ce
Alone in the Mist, exhumation des premiers enregistrements du groupe, lorsqu’il évoluait encore sous le nom de
Raven.
A l’écoute de ces six titres, il est étonnant de constater à quel point la musique du combo est restée fidèle à ses racines, même lorsque l’on sait que Jarno a toujours été l’unique compositeur de la formation: en 1998, toutes les bases qui font de
Shape of Despair ce qu’il est aujourd’hui étaient déjà là, et cette démo en est un témoignage saisissant.
Tempo catatonique, guitares plaintives qui vous enveloppent dans un linceul de désespoir, voix d’outre-tombe qui semble provenir des entrailles de la terre, le moins que l’on puisse dire, c’est que ces 52 minutes ne respirent pas la joie. On sent la volonté de proposer quelque chose de réellement étouffant, morbide et extrêmement dépressif, une sorte de violence insoutenable de lenteur, à l’instar des cultissimes
Thergothon et
Unholy qui ont incontestablement influencé le combo d’Helsinki.
L’ensemble dégage un sentiment de résignation glacial et funèbre, et il est difficile de s’enfiler la galette d’une traite tant les morceaux sont similaires entre eux, avec un rythme lent qui évolue très peu et des riffs qui se ressemblent à s’y méprendre d’un titre à l’autre (enchaînez To
Adorn et Woundheir pour voir. Non, je vous assure, ce n’est pas le même morceau!). Les bases du funeral doom en somme, par un groupe sincère et habité, qui nous démontre déjà tout son talent, mais aussi les limites d’un style extrêmement répétitif.
Ceci dit, on aperçoit déjà quelques rayons de lumière dans toute cette noirceur, avec ces parties de clavier discrètes et cette ambiance impalpable presque mystique à la beauté aussi écrasante que majestueuse (les mélodies lancinantes de Shadowed Dreams qui ne dépareillerait pas sur
Illusions Play, In the
Mist). Finalement, le réenregistrement de
Alone in the Mist sonne vraiment comme un album de
Shape of Despair à part entière, ne se distinguant de la suite de la discographie des Finlandais que par un côté plus minimaliste et dépouillé, et l’absence du chant aérien de Natalie Koskinen.
Certes, la démo a été réenregistrée et le son a été affiné pour coller plus à la production actuelle du groupe (l’écoute de la version originale d’In the
Mist, que l’on peut retrouver sur la compil éponyme de 2005, est saisissante, avec un rendu plus cru, sale et dissonant, renvoyant indubitablement au black metal), mais dans l’ensemble, on constate que dès sa formation,
Shape of Despair avait déjà tous les atouts en main pour conquérir la planète doom extrême.
Pour conclure,
Alone in the Mist est une belle introduction à l’univers sombre et mélancolique des Finlandais pour les néophytes, et un témoignage intéressant des débuts du groupe pour les autres. L’enregistrement n’est certes pas parfait, possédant les défauts de ses qualités et constituant un ensemble extrêmement monolithique et compact dont le côté répétitif pourra assommer l’auditeur, mais l’ambiance qui s’en dégage est particulièrement prenante, et on ne peut qu’apprécier la réédition de cet enregistrement quasiment introuvable aujourd’hui presque vingt ans après sa sortie initiale. Un beau cadeau qui nous aidera à patienter, en espérant qu’on n’ait pas encore onze ans à attendre avant le prochain full length…
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