Imperator se forme en 1998 autour de Leon Macey et Rayner Coss, et sort sa première démo (Gods Among Men) l’année suivante. Notre duo change ensuite de nom, et devient
Mithras fin 2000, pour éviter toute confusion avec le groupe de death polonais fraichement reformé, puis balance dans la foulée son maxi
Dreaming in Splendour, avant de finalement se faire remarquer en 2002 par son premier full length :
Forever Advancing... Legions. Très vite la comparaison avec
Morbid Angel tombe, inévitable, réduisant un peu le groupe à une sorte de rip-off du dieu floridien, notamment lors de ses passages plombés et de son jeu de batterie Sandovalien, et ce, malgré la présence d’éléments atmosphériques inhabituels pour du brutal death, ainsi qu'une cadence extrêmement élevée qu’on pourrait plutôt rapprocher d’un
Cryptopsy.
Mais l’année suivante,
Mithras affine son style en studio durant de longs mois d’enregistrement, et nous offre un
Worlds Beyond the Veil plus identitaire, fait de leads cosmiques gavés de réverb, aérant une rythmique brutale et ultra rapide composée des blasts supersoniques et du double pédalage meurtrier de la part de Macey. Bien qu’encore marqué par l’empreinte de l’ange morbide, période
Domination / Formulas /
Gateways, le duo propose aussi un concept fort puisque
Worlds Beyond the Veil, autrement dit les mondes au-delà du voile, est un album narratif et science fictionnel dont même les instrumentaux possèdent un texte. En somme, le premier chapitre d’une histoire ésotérique et spatiale, légèrement initiée sur les dernières pistes de l’album précédent, et qui s’étendra tout au long du troisième album. Pour preuve la jolie cover, très cosmologique, représentant les fameux "piliers de la création" de la nébuleuse de l’Aigle, soit d’immenses nuages de gaz et de poussières parmi lesquels naissent des étoiles... ou des dieux.
Tout au long des 13 pistes qui composent l’album vont se succéder, souvent lors de fondus enchainés, les différentes étapes d’une rencontre entre l’Homme et une entité extraterrestre et divine résidant dans une autre réalité. Une rencontre mystique au-delà d’un portail dimensionnel, mais belliqueuse et risquant de précipiter la fin de l’humanité et de ses dieux. Bien entendu, le postulat rappelle de suite Lovecraft et ses grands anciens, nichés au cœur du cosmos en attente d’un appel, d’une incantation, et c’est à ce titre que la lecture des paroles permet de mieux cerner l’album et d’en apprécier sa nature. Car d’un aspect hermétique et froid, l’histoire narrée au long de ces 67 minutes donne tout son sens aux compositions très dramaturgiques du combo.
Worlds Beyond the Veil alterne ainsi instrumentaux, dans une veine ambient et atmosphérique faite de synthés discrets et de leads gorgés de delay, avec des morceaux véloces et brutaux non dénués de ces fameux soli mélodico-cosmiques qui font toute la marque de fabrique du groupe. Il est intéressant de signaler qu’en plus de distribuer des blasts ravageurs, Macey exécute également toutes les parties de guitare tandis que Rayner Coss, son acolyte de toujours, s’occupe du chant et de la basse.
Passée la fabuleuse intro, spatiale et mystique, le titre éponyme démarre donc avec fracas sur la rythmique pilonnante et les harmoniques pincées furieuses de Macey. Le décor est planté, l’occulte entité entre en jeu. Entre les très morbid angelien
Beneath Thy
Visions,
Voices in the
Void et The Caller and the Listener, qui envoient des soli azagthothiens tout en tapping sur une rythmique endiablée, alternant blasts et up tempi, et le plus contemplatif Psyrens, véritable pièce maitresse de la galette, aérien puis épique lors d’un superbe déluge de leads bourrés de réverb, l’auditeur est constamment bousculé entre élégance et brutalité. Du magma de leads harmoniques sur l’instru
Search the
Endless Planes aux soli enragés de Transcendence, des leads planants du prenant Sands of Time aux soli quasi électroniques de They Came and you Were, qu’on croirait composés au clavier alors qu’il n’en est rien, on évolue en plein trip interstellaire, et souvent l’on peut retrouver en filigrane un thème qui se répète, un leitmotiv musical à l’instar des space opera cinématographiques, comme sur l’instru Break the World’s
Divide ainsi que sur l’incroyable pièce finale qui clôt l’album,
Beyond the
Eyes of Man, véritable dialogue de plus de 13 minutes entre nos deux protagonistes, l’homme et l’antique divinité (qui a dit
God of
Emptiness ?), qui prend vie grâce au double chant habité de Rayner Coss.
Cependant
Worlds Beyond the Veil peut aussi laisser sur le carreau du fait de quelques défauts que seuls les fans pardonneront. Sa production tout d’abord, un peu étouffée sur la batterie, et dont la basse semble noyée par la clarté des leads qui peuvent vite submerger l’auditeur par leur aspect déconstruit et parfois chaotique, bien que de nature à servir le concept narratif de l’album, mais aussi sa longueur, son côté technique que certains pourraient juger trop démonstratif, ou encore son chant, un peu poussif parfois et au guttural moins pur que sur Forever Advancing. Pour autant,
Mithras a frappé fort en cette année 2004, si fort que Candlelight a immédiatement ressorti la galette initialement parue chez Golden
Lake Productions, suite au 10/10 du magazine
Terrorizer.
D’un premier album plus bourrin parsemé de soli perchés,
Mithras a donc su évoluer sur
Worlds Beyond the Veil, et sortir quelque peu de l’ombre de
Morbid Angel, tout d'abord en affinant sa recette, pour faire des leads le cœur même de ses titres, et ensuite en proposant un concept fort, basé sur une histoire épique et mythologique progressant sur l’album entier, accroissant non seulement son uniformité, mais en transformant aussi le combo en un groupe de brutal death technique et atmosphérique de premier plan. Un fer de lance qui reste encore aujourd’hui, unique et immédiatement identifiable, bien qu’ayant fait des émules chez le dernier
Sarpanitum. Il n’y a qu’à écouter le génial Lords and Masters et son riff final pour se rendre compte où Tom
Hyde et Tom Innocenti ont chopé leur inspiration.
L'album suivant,
Behind the Shadows Lie Madness, mieux produit, plus concis et tout aussi fascinant, sera aussi bon, voir meilleur, et constituera le second chapitre de ce voyage interdimensionnel...
@Miskatonic : J'étais parti pour chroniquer la discographie, mais après avoir rédigé un papier pour le premier album, je me suis aperçu que tu t'étais déjà occupé de la suite. Et bien étant donné que je suis entièrement en accord avec ta rédactions, ça m'épagnera du taf et je vais me rabattre sur d'autres disques, j'ai encore des tas d'idées sous le coude de toutes façons....
Je vois que je ne suis pas le seul à avoir senti un parallèlle avec Cryptopsy hé hé. J'en ai profité pour remonter ma note d'un cran au passage.
Tu peux toujours te charger du dernier en date, On Strange Loops, qui est en ce qui me concerne le plus abouti de la bande, enfin... de Macey, qui l'a quasiment réalisé seul. Et en passant, un Nouveau Sarpanitum se profile avec toujours le petit diablotin blondinet derrière les fûts.
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