Qui dit grand succès dit grandes attentes pour la suite, et qui dit grandes attentes dit grosse pression.
Après le carton commercial et critique de l’album “
Lita” en 1988, se pose forcément la question de son successeur. Pour
Lita Ford, devenue grâce à lui l’égérie N°1 du Heavy Rock US pour des hordes de fans autant avides de décibels que de l’image sexy dont elle s’est faite une spécialité, c’est l’heure du choix : tenter d’avancer vers de nouveaux horizons musicaux, quitte à prendre son audience à contre-pied, ou recopier à l’identique la formule gagnante ayant fait ses preuves deux ans plus tôt. Sans doute sous l’influence du label RCA, qui voit avant tout les choses sous l’angle du tiroir-caisse, c’est sans surprise la seconde option qui est retenue, et c’est donc à un petit frère jumeau de “
Lita” que Miss Ford donne naissance en 1990.
Frère jumeau : la dénomination n’est pas exagérée, tant “
Lita” et “
Stiletto” partagent un patrimoine génétique rigoureusement identique. Même chanteuse-guitariste (évidemment !), même section rythmique (Don Nossov à la quatre-cordes et Myron Grombacher derrière les fûts), même claviériste (David Ezrin), même producteur (Mike Chapman)… Par contre, signe d’une volonté manifeste de réitérer l’usine à hits à tout prix, le disque se distingue par une inflation galopante de co-compositeurs, de même que par la répartition des sites d’enregistrement entre
New York et la Californie. Seule petite nouveauté : quelques arrangements additionnels d’instruments à vent qui, ça et là, viendront agrémenter une œuvre par ailleurs dans la parfaite continuité de son aînée.
Alors, “
Stiletto”, pâle copie de son prédécesseur, ou œuvre prévisible mais néanmoins réussie ?
Foin de suspens : dans l’ensemble, “
Stiletto” fonctionne plutôt bien, malgré son absence manifeste de spontanéité. Les mêmes ingrédients mélangés selon la même recette produisent naturellement des plats forts semblables à ceux qui étaient déjà au menu de “
Lita”, mais l’ensemble garde quand même suffisamment de saveur pour que la sensation de réchauffé ne vienne pas contrarier le plaisir de l’auditeur. On retrouve ainsi cette production léchée au fil des sympathiques et efficaces “
Hungry”, “
Stiletto” ou “Aces & Eights”, belles petites pièces de
Hard Rock FM certes assez inoffensif mais indéniablement réussi. De temps à autre,
Lita ose revenir à un propos un peu plus Heavy, comme sur “Dedication”, dont la rythmique pesante accompagne agréablement un riff bien plombé, ou le vivifiant “The
Ripper”, seul véritable up-tempo que propose la galette, avec son break central enchaîné sur une belle et énergique partie instrumentale.
Deux ballades se glissent au sein des titres Rock de la galette : la touchante “
Lisa”, dédiée à la mère de
Lita Ford et abordant l’angoisse universelle de voir un jour nos parents s’en aller, et la reprise d’
Alice Cooper “Only Women
Bleed”, qui prend forcément une dimension particulière à l’occasion de cette interprétation féminine. Inutile en revanche de s’attarder sur des titres aussi banals que “Big Gun” ou “Bad Boy” qui, avec leurs paroles fines comme un 38 tonnes texan, commencent à sentir ce remplissage intempestif de CD dont les années 90 seront les grandes victimes.
Ne pouvant plus compter sur un quelconque effet de surprise, “
Stiletto” trouvera tout de même son public, mais échouera à reproduire le succès fulgurant de “
Lita” en n’accrochant qu’une honnête 52e place au Billboard. Les deux singles, “
Hungry” et “
Lisa”, auront tous deux droit à leurs vidéos afin d’occuper le terrain sur MTV, qui demeure un passage obligé en cette année 1990.
Lita se déclarera d’ailleurs fort contrariée du clip de “
Hungry” en raison de la jeune actrice apparaissant lors des scènes “Carolliennes”, présence enfantine plutôt ambigüe dans une chanson au thème sexuel explicite.
Alors que les années 80s et leur insouciance s’apprêtent à mourir dans les sables du désert de la Guerre du Golfe et que les images des frappes “chirurgicales” de CNN vont bientôt remplacer les extravagances bariolées du Hair
Metal sur les écrans américains,
Lita Ford nous offre, l’espace d’un instant, le mirage d’une époque qui vit sans le savoir ses dernières heures. Rien que pour ça, “
Stiletto” garde sa petite valeur sentimentale et ne vole pas l’affection que l’on peut encore aujourd’hui légitimement lui porter.
16/20
Je suis bien d'accord avec cette chronique d'un album qui méritait fortement que l'on se penche sur lui. Perso depuis 30 ans je craque completement pour le solo phénoménal de The Ripper.
J'ai accroché dès l'intro et wake up...
Vraiment très bon disque, merci pour la chro.
Très bon album avec les 2 jolies ballades: "Lisa" et "Only women bleed" ainsi que le très tonique "The ripper"
Pas de doute, à cette époque, Lita Ford est bien la reine du Métal
17/20
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