Surprendre pour mieux conquérir : voici comment la carrière de
Polyphia, jeune quatuor américain pourrait se résumer. Il faut dire que cette direction assez atypique du groupe, qui entame désormais sa seconde décennie d’existence est une franche réussite. Si le commencement de la formation s’intègre dans le paysage du metal moderne progressif, fortement inspiré de la tendance djent aux débuts des années 2010, nos musiciens se sont peu à peu tournés vers des éléments funk et pop, un éloignement de l’image traditionnelle du metal et une facilité d’accès qui leur a permis de s’ouvrir de nouveaux horizons. Néanmoins, cette bifurcation n’est pas forcément vue d’un bon œil, certains fans reprochant notamment au collectif de proposer une musique dénuée d’émotions et bien trop influencée par ses nouvelles inspirations.
Dans un sens, ces détracteurs n’ont pas totalement tort tant les compositions de nos Américains sonnent parfois mécaniques et millimétrés, multipliant les techniques à la guitare jusqu’à leur paroxysme. Mais dans une toute autre vision, ces mêmes œuvres doivent être vécues afin de comprendre leur sens et d’être appréciées à leur juste valeur. Le challenge est donc de taille pour le combo qui va devoir réconcilier son ancien public sans pour autant délaisser son auditoire actuel. Et pour cela, rien de tel qu’un nouvel opus en cette fin 2022, le cinquième du quatuor nommé
Remember That You Will Die. La formation sort ici de quatre longues années de silence par rapport à sa précédente parution
New Levels New Devils. Une telle attente est-elle justifiée ? A quoi faut-il s’attendre de nos prodiges sur cette toile ?
Polyphia ne s’est clairement pas privé sur cette nouvelle galette et s’est accordé sur presque tous les morceaux la présence d’invités de marque. Parmi eux, nous pouvons citer le rappeur Lil West, le vocaliste de
Deftones Chino Moreno ou encore le guitariste virtuose
Steve Vai. Chaque artiste permet une polyvalence continue, une exploration intense de répertoires contemporains ainsi qu’un renouvellement constant sur les rythmiques sans pour autant perdre de cohérence. Car l’objectif du groupe et de ses musiciens reste bien entendu de nous subjuguer et de nous surprendre par une palette impressionnante de techniques et par une maîtrise parfaite de leurs instruments. Sur ce travail, la formation touche concrètement les étoiles et est toujours à un niveau qui ne cesse de croître.
Sur le terrain du jazz festif avec Genesis, sur l’ambiance détendue et reposante de l’été avec
Playing God, sous le soleil chaud d’Andalousie et ses airs de flamenco avec
Chimera, sur la vague actuelle de la pop américaine avec ABC ou sur ses racines initiales plus métalliques avec
Bloodbath, notre quatuor est tout simplement irréprochable et stupéfiant sur tous les styles qu’il touche.
Le combo hausse même le ton sur The Audacity avec une ligne de basse signée Clay Gober funky et groovy mais surtout un rythme effréné. Le solo au synthétiseur et à la batterie viennent finaliser cette touche explosive, cette adrénaline mais exposent également une couche électronique songeuse, très aérienne. Le seul regret de ce titre vient de sa longueur peu conséquente qui dépasse à peine les deux minutes.
Si le ciel est bleu en ce qui concerne les mélodies, il est bien plus chargé au niveau des featuring, et vire même parfois à l’orage. A la grande différence de ses précédentes productions,
Remember That You Will Die incorpore énormément de chant, un choix questionnable et dans certains cas très discutable. Sur
Bloodbath, on retrouve pour notre plus grand bonheur la voix posée, éthérée et réconfortante du frontman de
Deftones, totalement en phase avec le style du quatuor américain.
Mais sur des morceaux comme ABC où le timbre vocal de
Sophia Black est juste insupportable, un cliché de la pop moderne dénuée d’émotions ou
Chimera où la voix autotunée de Lil West vient gâcher l’atmosphère pourtant si ardente et sensuelle de l’instrumental, le chant n’a tout bonnement aucun apport positif sur les compositions.
Le combo peut compter sur un final tonitruant avec Ego Death et un
Steve Vai des grands jours. Sans conteste l’une des meilleures réalisations des Américains, le titre est une leçon de guitare, une sérieuse baffe musicale entre deux générations de guitaristes, entre deux jeux radicalement différents et pourtant parfaitement complémentaire. Ainsi, on constate le divertissement expressif, visionnaire de
Steve Vai, ce vibrato désormais marque de fabrique depuis près de quarante ans. De l’autre côté, on observe la féérie extravagante, unique, créative notamment par le slapping de la part de l’ensemble des artistes de
Polyphia qui viennent littéralement avec ce morceau d’écrire une nouvelle page de l’ère guitaristique et qui
Inspireront sans aucun doute un bon nombre de musiciens.
Remember That You Will Die n’est pas tout à fait le retour que l’on imaginait de
Polyphia. Certes, nous n’avons rien à redire en termes de musique pure tant les Américains sont au sommet de leur art. Mais cette authenticité est entachée par une présence vocale bien souvent superflue et qui altère complètement à la qualité des instrumentaux. Même si le chant ne concerne qu’une petite moitié de ce cinquième disque, on espère que cette direction ne soit que temporaire pour notre quatuor qui ont toujours prouvé jusqu’à présent que les notes étaient plus fortes que les mots.
Plus accessible que ses prédécesseurs, ce nouveau venu est une solide porte d’entrée pour celles et ceux qui souhaiteraient découvrir l’univers aussi captivant qu’intrigant du collectif.
Absolument d'accord avec ta chronique ! On se demande comment un chef d'oeuvre tel que Ego Death ou bien le superbe Playing God viennent cotoyer des titres gâchés par du chant trafiqué et insupportable... Je veux bien être ouvert mais le vieux con a ses limites !
Et bien perso je m'ennuie .. mais d'une force.
J'y trouve la limite d'une musique où la technique n'a d'autre intérêt que son exécution. je n'y trouve aucune émotion, rien à ressortir, pas de sensation une fois qu'on a été impressionné la première fois. Et encore, parfois, je n'ai même pas l'impression que ça "sonne" vraiment ... c'est en gros, la même sensation qu'avec Animals as Leader.
Autant le core et le djent ne sont pas mes premiers amours mais j'y trouve de plus en plus de belles choses et de créativité. Mais là .. j'ai encore tenté avec ce nouveau disque, mais rien n'y fait. Sans moi :) (merci pour l'écrit en revanche !)
J'ai fortement hésité la comparaison avec Plini et Animals As Leaders qui sont désormais des monuments de ce metal progressif moderne, n'hésitant parfois pas de s'éloigner de leur style de prédilection pour des compositions un peu plus aseptisées. Et effectivement, si tu n'avais déjà pas accroché à Parrhesia, peu de chances que tu puisses accrocher à ce Remember That You Will Die. Honnêtement, j'adore ces groupes et tout ce qu'ils apportent sur la scène metal actuelle mais je comprends tout aussi bien celles et ceux qui trouvent que leur musique mise plus sur la technicité que l'émotivité car, et ça revient ce que je disais sur le second paragraphe, leur vision se concentre parfois que sur ces techniques millimétrées.
Merci à vous deux pour vos commentaires en tout cas !
Salut, j'ai écouté tout un weekend polyphia car mon tél avait rendu l'âme et ma musique avec , hors mon pote et son fils de 16ans son fan de Tim henson,bon c'est clair en tant que guitariste il touche ça bille, mais pour en revenir à la musique la technique est bluffante ok mais a part ça il n'y a aucune âme, c'est froid, clinique et aseptisé c'est mon ressenti, dommage car vu le niveau des gars.
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