Black Beast, en voilà un joli patronyme, et le groupe qui se cache derrière est un trio finlandais de raw black metal fondé en 2002 qui ne sort aujourd’hui avec ce
Nocturnal Bloodlust que son premier full length. Pourtant, les trois gaillards de Vantaa n’en sont pas tout à fait à leur coup d’essai, puisqu’ils avaient déjà sorti un EP éponyme en 2005 ainsi qu’un split avec les grands frères de
Bloodhammer l’année suivante qui avaient mine de rien générés une petite attente dans les sphères marginales du metal noir underground. Attente qui devrait être plus que comblée avec ces neuf titres pour 33 petites minutes de black metal old school à la fois cru, direct, brutal et mélodique.
Après un Prelude d’introduction particulièrement mélodique au riffing sombre et épique qui fait lentement monter la sauce, les choses sérieuses commencent avec Black Seremony : un riff glacial typique du genre supporté par un blast infernal, un chant hurlé sec, sale, glaireux et étranglé qui scande du
Lucifer,
Lucifer Lucifer ! sur le refrain, ces mélodies envoûtantes, qui à travers cette noirceur et cette violence, parviennent à s’infiltrer insidieusement, et ces passages 'n roll headangants parfaitement intégrés à la moëlle des compositions, a priori, tout cela n’a rien de très original, mais force est de reconnaître que c’est foutrement bien foutu, et que l’intensité est sacrément au rendez-vous. Le riffing est simple mais imparable, le tout sonne à la fois cru et puissant, ces harmonies sombres et envoûtantes éjaculées par les guitares nous tombent sans crier gare sur le coin du museau, charriées par ce lit de blasts dévastateurs, et ce premier véritable morceau nous plaque sauvagement au sol sans autre forme de procès. Le court et ramassé Riding on
Wings of Death vient en rajouter une couche, nous piétinant littéralement alors que nous sommes encore à terre, appliquant la même formule avec réussite: gros blasts ultra rapides, riff à trois notes aussi noir qu’hypnotique avec ces harmonies glaciales, chant craché, passages groovy à se briser la nuque, on est finalement ici plus proche d’un true black classique à la norvégienne que d’un black metal typiquement finlandais, même si ces mélodies toujours plus ou moins présentes dans le riffing apportent un équilibre admirable entre ces deux courants complémentaires.
Point non négligeable, la violence de l’ensemble ne sacrifie en rien à l’ambiance, cette noirceur sataniste, épaisse et étouffante, omniprésente, s’enroulant lentement autour de nos chevilles, et montant doucement pour posséder notre être entier. Ce souffle putride et démoniaque est particulièrement palpable sur un morceau comme Words of
Leviathan, avec ce chant guttural aboyé et bestial, sur lequel on sentirait presque la température baisser de plusieurs degrés. Your
Cold Grave possède aussi cette magie noire indescriptible et envoûtante qui traverse les époques et les modes, avec ces trémolos qui dégagent un je ne sais quoi de nostalgique et de touchant.
Ceux qui lisent régulièrement mes chroniques savent que je ne suis pourtant pas un fan devant l’éternel du true black, qui se contente souvent de singer sans une once d’originalité les pioniers des années 90 (même les grosses pointures comme les
Craft,
Beastcraft ou
Clandestine Blaze n’arrivent pas toujours à trouver grâce à mes yeux et ne me séduisent qu’un morceau sur deux). Alors, qu’est-ce qui fait la différence avec
Black Beast ? Je ne sais pas, une approche légèrement différente peut-être, ou une question de ressenti, essentiel dans ce genre de musique. Car même si le cahier des charges du bon album de true black est ici parfaitement rempli, il se dégage de l’ensemble une sincérité et une aura qui impressionnent et distinguent le trio des gimmicks éculés et artificiels inhérents au genre : la pochette déjà, plus proche d’un
Diabolical Fullmoon Mysticism ou d’un Svartalvheim que de l’inévitable artwork noir et blanc photoshopé du grimé suicidaire, ce sentiment d’urgence qui se dégage, le fait que le groupe puise visiblement nombre de ses influences dans les années 80 (
Hellhammer n’est jamais loin), ces passages plus rock vraiment irrésistibles parfaitement intégrés au corps des compos sans créer de décalage étrange, bref, cette cohérence et cette fluidité qui font que le tout s’apprécie comme une seule et longue virée en enfer de 33 minutes… Toujours est-il que l’authenticité de cette galette est palpable, et tout le long de ces neuf compos,
Black Beast se paye le luxe de conjuguer morbidité, brutalité et mélodies avec une personnalité certaine. Certes, l’ensemble est répétitif, les riffs ne se différencient pas énormément les uns des autres, et la première moitié d’
Unholy One casse un peu le rythme effréné de la galette avec son mid tempo plutôt quelconque, mais la puissance, l’intensité, l’ambiance, les ténèbres et la dévotion (Symbol for my Devotion avec ce passage central envoûtant de noirceur) sont bien là et régaleront les amateurs du genre et peut-être même les autres.
A n’en pas douter,
Satan a encore engendré un bâtard maudit, et une fois de plus, il vient de Finlande.
I set the fire for the master
Satan
It’s the symbol for my devotion
The black flame is burning strong
In this adorned place, I pray for you!
Merci pour la chronique. Mon cerveau pervertit est justement en recherche de musique comme celle de ce groupe fraichement découvert grâce à ton texte et ta note (on ne va pas se mentir, c'est ce qui m'incite à découvrir des recommandations de chroniqueurs). Et oui, le ressentit est très important dans le black metal pur jus.
J'ai rentré la bête et il passe très bien !
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