Eté 2007, alors en vacances avec ma famille au centre-ville de
Paris, je me précipite vers
Virgin Megastore pour aller faire une visite à la section musique. En visitant cette section, plein d’albums intéressants, j'ai dégoté celui que je cherchais depuis le début : "
Minutes to Midnight" de
Linkin Park. Faisant partie de ceux qui ont été bercés par "
Hybrid Theory" et "
Meteora", albums que je vénérais à l’époque au point de les connaître par cœur et de m’avoir fait découvrir une nouvelle passion, celle de la musique, inutile de vous dire que j’attendais ce nouvel album après quatre ans d’absence avec ferveur. Avec le très peu d’argent de poche que j’avais, j’ai quand même fait le sacrifice de payer toute la somme d’un album neuf récemment sorti, convaincu du bienfondé de mon investissement ; après tout,
Linkin Park ne pouvait me décevoir avec deux premiers albums m’ayant marqué à jamais. Mal m’en a pris! J’allais faire face à une désagréable expérience qui jusqu’alors m’était complètement étrangère, celle de la déception.
Malgré tout, j’étais bien au courant des intentions de
Linkin Park de vouloir se défaire de leur formule à succès mélangeant néo-metal à refrains puissants et passages rap. J’avais déjà vu à la télévision le clip musical de la nouvelle chanson « What I’ve Done », qui montrait bien ce changement et qui m’avait plutôt plu mais sans que cela ne soit particulièrement mémorable ou du même niveau que les prédécesseurs. Mais malgré tout ça, je n’étais guère inquiet, j’étais convaincu que
Linkin Park était un groupe très talentueux capable de toujours faire de la bonne musique et l’idée de voir le groupe sous une nouvelle forme me paraissait excitant. J’étais loin d’imaginer ce qui allait m"attendre, et la mauvaise impression débute avant même de mettre le CD dans le lecteur. La pochette est horriblement moche, semblant être celle du best of d'un boys band has been des années 90's qui tente de revenir sur la scène en jouant sur la nostalgie. L'intérieur de l'album n'est vraiment pas plus ragoûtant : tout est gris, ce qui fait que l'artwork est moche, triste et froid. Les photos sont de banals clichés et des plus oubliables du groupe en session de studio ou dehors ; il n'y a aucun parti pris artistique, aucun message, si ce n'est celui de l'ennui et de la banalité du quotidien. D'habitude, l'artwork donne un aperçu de l'univers musical auquel on va pénétrer, mais là le message flirte avec le néant. Un message digne du contenu musical de l’œuvre.
Pourtant, "
Minutes to Midnight" commence très fort. Après l’intro instrumentale «
Wake » certes sans intérêt, débutent les premières notes de «
Given Up », et c’est une grosse tuerie ! La piste débute par un riff saccadé typé punk accompagné par des applaudissements en rythme avant de bien monter en puissance, soutenue par une section rythmique bien dense. S’ensuivent les vocaux de Chester Bennington, qui tente quelque chose d’inédit, en chantant des couplets en harmonie avec la section rythmique avec cette approche punk, suivi par un très puissant refrain qui nous fout une claque droite dans la gueule. Le pont est d’une énergie indescriptible, avec Chester qui nous montre son hurlement le plus impressionnant et brutal qu’il n’ait jamais fait, pour ce qui est l’un des meilleurs moments musicaux de la carrière de
Linkin Park. Oui, je m’étais pris une avalanche de puissance dans ma tronche, et je m’en souviens encore avec beaucoup de bonheur ; cette chanson est une ode à la puissance, qui plus est, montrant un réel sens de la créativité. Car oui, de bonnes chansons cet album en a quelques-unes. Et «
No More Sorrow » en est une autre. Avec son intro suivant de forts roulements de tambour, et son intéressant effet de guitare comme fond sonore, cette chanson se distingue également par la superbe et puissante voix d'un Chester bien enragé, citant des paroles plus matures sur la corruption politique. «
Bleed It Out » reprend la formule couplets rappés/puissant refrain rock des précédentes œuvres, mais encore une fois en faisant preuve de créativité, notamment au niveau du tempo de la batterie et d'un fond sonore travaillé, pour donner un effet de concert punk du bar local d’à-côté, et eu égard à la façon de mettre en valeur l’aspect fédérateur du refrain avec des chœurs à la fin. Redoutable et efficace. « What I’ve Done » marque aussi, quoique dans une moindre mesure, pour la puissance de ses paroles mises en avant par son efficace refrain. Le reste des chansons…c’est une autre histoire, cette fois-ci plus douloureuse.
Quelle fut ma désagréable surprise de découvrir le pathétique «
Leave Out All the Rest » juste après la claque magistrale de «
Given Up » ! Comment peut-on passer d’une chanson aux intenses influences punk et metal à une espèce de pop-électro fade et absolument soporifique ; le genre de titre que l’on entend passer 10 fois dans chaque centre commercial sans que personne n’y fasse plus attention que ça ? L’ennui montre son visage dès les premières secondes et rien ne ressort de ce titre si ce n’est de l’endormissement, un titre qui sort de nulle part entre deux bonnes chansons tel un moucheron tombé dans une délicieuse soupe. Mais c’est très loin d’être la seule mauvaise surprise, oh non. «
Hands Held High » pousse l’art de l’ennui un peu plus loin, en proposant un titre quasi-exclusivement rappé par Mike Shinoda avec une instrus à la batterie et quelques chœurs lors des moments de pause de Mike. Une chanson qui n’a strictement aucun intérêt dans l’univers musical de
Linkin Park, celui-ci étant connu pour mélanger le rap à d’autres genres musicaux ; en faire un titre rap classique, et des plus ennuyeux, n’a pas de sens. «
Valentine’s Day » confirme le jeu de chaises musicales du groupe et s’aventure dans les terres du rock romantique avec une instrumentation passe-partout qui aurait pu apparaître chez n’importe quel groupe du genre à la
Maroon 5 et un chant de Chester avec zéro inspiration et zéro réelle émotion
«
In Between » est probablement la chanson qui met le plus le paquet niveau absence d’intérêt, d’ennui total et d’incohérence musicale. Voilà que maintenant
Linkin Park s’essaye aux berceuses pour enfants ; c'est au tour de Shinoda de chanter à voix basse avec une instrus derrière qui ne change jamais, à base de contrebasse endormie et de bruitages électro du pauvre. Cette chanson donne la désagréable sensation d’une mauvaise blague qui n’a pas réussi son coup, il n’y a pas moyen de prendre une telle chanson au sérieux. Alors que l’on pensait que «
In Between » nous avait achevé d’un ennui mortel, voilà que « In Pieces » en rajoute une grosse couche. Au tour de Chester de nous pondre une berceuse pour faire dormir les enfants les plus turbulents, avec une chanson toujours aussi monotone, musicalement pauvre, et surtout avec encore et toujours cette absence sidérante d’intérêt quelconque qui décidément est la marque de fabrique de "
Minutes to Midnight", et cela malgré que Chester chante cette fois. Le calvaire se termine une fois pour toutes avec la tout aussi lamentable « The Little Things Give You Away », qui veut faire les gros durs dans le domaine du rock progressif. Les fans de prog rigoleront devant la pauvreté du titre, les autres s’endormiront et les plus optimistes reconnaîtront une performance vocale intéressante de Chester, mais avec un niveau musical trop pauvre pour la pratique et un énième manque de totale cohérence par rapport au reste de l’album. Dans tout ce massacre de « chansons-exploratoires », j’épargnerais peut-être «
Shadow of the Day », qui parvient à travers sa musique pop-électro sombre,s la performance ainsi que les paroles de Chester cette fois-ci cohérente, à dégager quelque chose, sans jamais que cela ne soit rien d’extraordinaire, juste une bonne chanson, rien de plus.
"
Minutes to Midnight" m’a fait découvrir à l’époque, pour la première fois, cette désagréable sensation qu’est la déception. Une sensation que l’on veut tous éviter au maximum, à laquelle malheureusement je n’allais y échapper que peu au cours des années suivantes de ma vie. Trop peu même à mon goût. Cet album, "
Minutes to Midnight", n’a strictement aucune cohérence musicale. On a plus l’impression d’avoir affaire à une compilation de raretés, de face B ou de covers anecdotiques qu’à un véritable album digne de ce nom. Du début de l’album jusqu'à la fin, on enchaîne des titres qui n’ont aucun rapport entre eux et avec une incroyable et choquante variation qualitative, qui fait que l’on passe parfois du décent au véritablement gênant et ridicule. Aussi a-t-on a l’impression de voir un groupe de jeunes fraîchement sortis du lycée, tout excités à l’idée de se lancer dans la musique au point d’essayer de montrer toutes leurs influences sans se soucier de la cohérence de l’ensemble. En définitive, avec tant de vide, cet album aurait dû être réduit à un simple EP regroupant les 4 ou 5 meilleures chansons, le reste devant être jeté à la décharge.
Malheureusement, "
Minutes to Midnight" signe le début d’une longue série d’albums vraiment mauvais de la part de
Linkin Park, et ce, dès l’album suivant, le catastrophique "A Thousands Suns", en 2010, qui va pousser l’incohérence musicale et le mauvais goût à des niveaux encore jamais atteints, et rarement explorés dans la musique, au point de définitivement me faire décrocher de ce groupe que j’ai pourtant tant adulé dans le passé. RIP
Linkin Park.
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