Un an après avoir ouvert (timidement) la voie du doom/death,
Gothic sort ce qui va devenir son premier disque culte. Les Anglais vont encore plus loin dans leur exploration et vont au bout de certaines idées entrevues timidement sur
Lost Paradise.
Gothic, l’album, c’est d’abord et avant tout
Gothic, le morceau inaugural. Ce seul titre est le symbole, la force et le coup d’éclat de
Gothic, qui le propulse au rang de groupe culte.
Impossible de ne pas connaître cette lourde mélodie, empreinte d’une force mélancolique et envoûtante, cette alternance de riffs oscillant au gré des growls de Nick Holmes et d’une voix féminine qui occupe cette fois une place prépondérante. La magie monte d’un cran dans la dernière minute, où les claviers achèvent un peu plus une œuvre magique qui est résolument fondatrice.
En moins de cinq minutes,
Gothic franchit un palier incroyable par rapport au death/doom hésitant de
Lost Paradise. Ce morceau constitue surtout la brillante démonstration qu’il est possible d’associer l’obscurité et l’âpreté du death metal avec un esthétisme mélodique raffiné, pour en faire un tout cohérent, à l’atmosphère incroyablement envoûtante, quasi-mystique.
Le dithyrambe s’achève ici. Car si le titre éponyme constitue indubitablement l’essence et le prestige de l’album, il demeure paradoxalement son talon d’Achille. En effet, les sommets émotionnels atteints dès le début du disque sont éphémères, et le reste du disque souffre de la comparaison. Attention, il serait profondément injuste de ne pas mettre en exergue les progrès évidents affichés tout au long de l’album. Le doom / death des Anglais a largement gagné en homogénéité et en équilibre. Les morceaux sont mieux construits, notamment dans l’alternance entre les passages aux rythmiques lourdes et austères, et les aspirations plus mélodiques de Greg Mackintosh.
On trouve aussi désormais d’évidentes preuves du talent, certes encore brut, de
Gothic. Par exemple dans sa capacité à trouver la mélodie qui fait mouche et à bâtir des atmosphères pleines d’émotions. C’est le cas sur quelques morceaux comme par exemple The Painless (avec encore une fois un chant féminin opportun), voire
Rapture, et plus ponctuellement à d’autres moments, au gré de l’album. On est encore loin d’
Icon, il faut bien l’admettre.
A noter d’autre part l’apport désormais plus conséquent des claviers, comment en témoigne par exemple
Eternal, et son thème principal. A défaut d’être utilisé avec la plus grande pertinence, cet apport démontre bien la volonté d’évoluer vers de nouvelles sphères.
Pour le reste, il demeure encore l’austérité et la rudesse du doom teinté de death qui constitue toujours le squelette des compositions, de ce style rugueux qui peut écorcher les ouïes fines et délicates de ceux qui aiment d’abord PL pour l’accessibilité et l’esthétique de son
Gothic metal. Et le verdict est à peu de choses près le même que pour
Lost Paradise : victime d’un son souffreteux, d’un manque de puissance certain et d’une rythmique hésitante, ces longs passages manquent considérablement d’impact, tout en parvenant à conserver une certaine noirceur et une atmosphère singulière. Ces limites empêchent définitivement le disque de décoller, sans toutefois lui enlever ce charme monolithique et obscur que l’on néglige trop souvent.
Son coup de génie initial permet cependant à
Gothic de se poser en initiateur du doom/death britannique, accompagné de My
Dying Gothic et bientôt d’
Anathema.
Gothic en devient ainsi la pierre angulaire, la brillante démonstration que le metal le plus sombre peut cohabiter avec émotion et mélancolie. Il reste à
Gothic à concrétiser à l’échelle d’un album pour véritablement révéler son potentiel. Une question d’années.
Et pour l'anecdote, je trouve très décevant que désormais en concert Nick Holmes chante Gothic en chant clair, qui pour le coup perd de sa force...cela révèle quand même que les growls participaient beaucoup à ce charme particulier des débuts de PL.
Bref 19/20, l'un des meilleurs album de Doom/Death. Avant sa parution, on avait eu la chance de se procurer le EP flexi de Mega Force : http://www.spirit-of-metal.com/album-groupe-Paradise_Lost-nom_album-Eternal-l-fr.html et la baffe magistrale à l'écoute de Eternal ! On n'en pouvait plus d'attendre la sortie de l'album complet et quand il fut enfin dans les bacs... Inoubliable !
Les mélodies de l'album, souvent lumineuses, et la conviction des musiciens à défricher d'autres univers ont constitué à sa sortie un grand pas vers un éclectisme novateur.
Le flexi-disc de PL évoqué plus haut reste aussi un grand souvenir, heureux de voir que quelqu'un s'en rappelle aussi, tiens.
je considère Gothic, l'album, comme un bloc, ne voyant pas réellement de grosses différences qualitatives aux titres, contrairement au chroniqueur. Les leads, les growls expressifs et les interventions vocales féminines constituent autant de moments forts, à tel point que ce disque représente sans doute pour moi (avec Turn Loose The Swans) un de mes disques de chevet (rares) dans ce style que j'ai malgré tout vite délaissé, ce qui n'enlève rien à la qualité de cet album fondateur.
18/20, complètement subjectivement.
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