Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Andrè Kvebek est un homme occupé. Ancien guitariste de
1349, le gaillard est également vocaliste de
Den Saakaldte, d’
Horizon Ablaze, qui a sorti une véritable bombe en février dernier, et de
Pantheon I où il s'occupe également des guitares et dont il est question ici.
Groupe formé en 2002 et déjà fort de trois albums, l’entité d’Oslo, composée de vieux briscards de la scène norvégienne, nous revient avec sa dernière livraison, From
The Abyss They Rise qui nous propose 13 titres pour un ensemble de 67 minutes (outch !) plutôt… déstabilisant. Cet opus est en fait une compilation qui reprend notamment les deux premières démos du groupe, une reprise d’
Emperor ainsi que quelques titres inédits, autant dire une parfaite introduction pour découvrir l’univers complexe et torturé du groupe. Car si sur le papier
Pantheon I est décrit comme officiant dans le black brutal, méfions-nous des étiquettes : les Norvégiens pratiquent un maelström de musique violente, rapide et progressive, tantôt haineuse, tantôt mélodique, lorgnant aussi bien vers les sphères black, death que gothique et émaillée de diverses influences pour un style hybride qu’il serait bien difficile de définir.
D’entrée, un arpège complexe se fondant en un riff tordu et saccadé, sonnant très death metal, nous ouvre les portes des abysses, avant qu’un violon aux sanglots plaintifs vienne parer la musique d’une touche de mélancolie bien sentie. Pariah se poursuit sur un riff oriental qui déroule ses sonorités langoureuses sur un mid tempo et la voix écorchée de Kvebek vient nous agresser les oreilles. Ce premier titre de 6,33 minutes est extrêmement riche, foisonnant d’idées, partant un peu dans tous les sens, s’offrant un long solo de gratte, des parties de violoncelle aux résonances gothiques, et quelques voix graves et narratives histoire d’ajouter un petit côté épique au tout.
Martyr poursuit de la même façon, démarrant sur une montée en puissance bien maîtrisée et appuyée par la double, qui vient débouler tous blasts dehors sur un riff intense à la
Dark Funeral et la voix furieuse du frontman.
La suite du titre est assez hallucinée, avec ces arpèges arabisants qui semblent provenir d’un oud ou d’un sitar, ces voix de mantra lugubres et ces explosions black brutales impromptues qui explosent sans crier gare à la face de l’auditeur. Ajoutez à tout cela quelques parties de violon à la
Sin of Thy
Beloved, de nombreux changements de rythmes et de style au sein du même morceau et vous obtiendrez cinq minutes particulièrement denses dans lesquelles il est parfois un peu difficile de se retrouver.
C’est d’ailleurs tout à fait ça From
The Abyss They Rise, un metal extrême plein d’idées et de bonnes intentions mais se laissant déborder par sa fougue créatrice, et qui perd rapidement l’auditeur dans la complexité inextricable de ses pérégrinations musicales. Si les premiers titres intriguent de par leur richesse et leur profusion de sonorités, l’ensemble devient vite lassant car trop décousu, et comme s’amusant à saper délibérément tous les repères de l’auditeur, de sorte qu’il est réellement difficile d’accrocher à l’art des Norvégiens : le titre éponyme en est un bon exemple, avec ce riff d’intro inutilement alambiqué et ces transitions peu soignées qui tombent comme un cheveu sur la soupe. Ce côté chaotique est d’autant plus frustrant que le niveau technique est excellent, que les idées, nombreuses, sont très bonnes et que certains passages sont réellement envoûtants (ce long passage central à la beauté mélancolique poignante rappelant
The Sins Of Thy Beloved sur From
The Abyss They Rise, certaines excellentes parties de Transparent, sur lequel le violon délivre une vraie émotion…). Mais les transitions ne sont pas assez travaillées, et le tout n’est pas encore assez mature, sonnant parfois comme un patchwork indigeste de parties certes intéressantes prises indépendamment mais qui ne collent pas les unes avec les autres :
What Lies Beneath présente de belles parties mélodiques appuyées par le violon avec des riffs black majestueux et racés, mais retombe vite dans ses travers en voulant trop complexifier sa musique et proposer des parties death trop techniques qui ne collent pas à l’ensemble du morceau;
Core of The Soul se pare également d’un riff simple et entêtant, mais veut décidément trop en faire, donnant parfois l’impression que chaque partition a été composée séparément et que les instruments ont été réunis au petit bonheur lors du mixage : il ne suffit pas de faire quelque chose de complexe et de techniquement parfait pour que la musique sonne, et ici, le tout manque cruellement de cohérence et de liant, ce qui est vraiment dommage quand on voit le potentiel de la formation. C’est d’ailleurs sur les parties les plus simples que
Pantheon I parvient le mieux à convaincre l’auditeur et à développer les émotions les plus brutes et touchantes.
On déplorera également un traitement du son inégal, certains moreaux provenant de différentes démos, avec d’une manière générale des guitares trop compressées et manquant de puissance qui font qu’il est difficile de s'immerger dans l’univers du groupe. Cela rajoute à la frustration, il faut vraiment se concentrer pour suivre le fil mélodique, d'autant que quand on fait un réel effort d'écoute, certains riffs, vraiment excellents, commencent à nous transporter, mais trop souvent, le tout retombe brutalement, à cause d’un changement de rythme inopportun ou d’un cassage harmonique (une note jouée un ton en dessous et ne suivant pas la logique harmonique de la gamme), comme si le groupe se plaisait à briser la magie qu’il s’efforce avec peine de créer au moment où l’auditeur commence à trouver quelques repères mélodiques et à se laisser envoûter par la musique.
Pour toutes ces raisons, From
The Abyss They Rise sera difficile à appréhender et à s’enfiler d’une traite, même s’il finit par s’apprivoiser petit-à-petit au fil des écoutes. Ceci dit, ne vous y trompez pas, cette compilation a le mérite de nous faire découvrir un groupe au potentiel indéniable, au talent musical certain et au style musical qui sort des sentiers battus. Il reste certes encore du chemin à parcourir avant de sortir un opus solide et totalement accrocheur, mais le potentiel est bien là et nous laisse entrevoir les grandes choses que pourrait réaliser
Pantheon I dans un avenir plus ou moins proche. Reste maintenant à la troupe norvégienne à canaliser son énergie et à épurer son expression musicale afin de n’en tirer que le meilleur. Un groupe à découvrir dans tous les cas, et qui vous changera de tous les clones sans âme qui se contentent d’un gros son et de trois accords pour faire vibrer les jeunes.
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