Dans l’horrible attente de ses années passées depuis "En attendant", la foi en un retour se changea bientôt en l’espoir d’une renaissance pour finalement n’être plus rien qu’une affreuse incertitude. Cette résurrection du groupe hexagonal le plus emblématique apparaissait alors comme brutalement improbable. Les maisons de disques continuaient pourtant d’entretenir religieusement cette folle espérance, en n’oubliant pas, au passage, de rentabiliser cette ferveur immense du peuple français, à l’égard d’un
Trust qui aura formidablement enrichi les uns et l’esprit des autres. Sortant miraculeusement toutes sortes de raretés (ni forcément insolites, ni nécessairement intéressantes soient dit en passant) de tiroirs dans lesquels, pour certaines, il eut été préférable qu’elles exhalent discrètement leurs derniers soupirs ; certains, aux intérêts peu scrupuleux, nous offrirent l’amertume face à des produits, parfois, profondément dispensables.
Néanmoins il restait un
Graal. Enfuis dans le sous-sol d’un immeuble de Neuilly sommeillait le calice : des bandes sons captées lors des concerts mythiques de
1980 relatant certaines de ces dates. Cette tournée, dont le plan d’action fut nommé "
Répression dans l’hexagone", fut bien plus qu’une succession de concerts. Elle marqua d’une empreinte inaltérable l’histoire de tous ceux qui la vécurent. Incontestablement la légende
Trust prend sa genèse de cette longue campagne à sillonner toutes terres infertiles, toutes parcelles aux contrées sceptiques, tous fragments aux provinces acquises pour en unifier une armée toute dédiées à sa cause. Il fallut néanmoins attendre jusqu’en 1992 pour que ce haut fait d’arme, cette fabuleuse conquête, passe à la postérité d’un album.
Dans un enregistrement brut, sans retouches et sans effets, ces quinze titres restituent parfaitement la spontanéité de ces instants passés. Et il est délectable de revivre l’énergie de ces temps immémoriaux où les Parisiens offraient un écho formidable au profond mal de vivre d’une société. Au son d’une musique rageuse aux confins d’un Heavy gorgé d’un feeling, parfois, incroyable, dans l’expression salutaire digne de l’esprit subversif et rédempteur de ce que fut, autrefois, le Rock,
Trust excelle alors encore.
Nul ne peut douter de la sincérité avec laquelle Bernie vomit, de ce cri primal, ses textes dont la hargne est soulignée par ces riffs acérés. Nul ne peut nier de l’exceptionnelle modernité de ces mots qui auraient pu être écrit aujourd’hui. Ainsi des titres aux propos incisifs tels que Fatalité et Toujours pas une Tune reste cruellement d’actualité. Mais
Trust sait aussi pondérer sa musique afin d’en proposer une vision pleine de groove, où le préambule d’une batterie au swing étonnant sait se faire séduisante, tels que sur l’étonnante version du titre Le Matteur. Mais aussi sur un
Palace au prélude enchanteur "funky", qu’un riff de guitare vient soudain divinement rompre.
Bien évidement dans la fièvre de cet enregistrement, où Bernie harangue une foule communiante de son verbe cynique, c’est la hargne d’une musique forte qui prime. Des morceaux tels que Darquier, Police
Milice, l’excellent et culte Préfabriqués mais aussi H&D soulignent superbement cette intensité. L’hommage rendu par Bernie à son ami, Bon "Mister
Dynamite" Scott, sur la reprise d’AC/DC est remarquablement honorable. Mais si sur la deuxième partie de ce titre,
Live Wire,
Trust est plus à son aise, le groupe peine quelque peu sur la première, Problem Child, défigurant légèrement l’original. Qu'importe, le titre demeure néanmoins attachant tant la loyauté transparait au travers de ce témoignage respectueux. L’œuvre se clôt sur un obligatoire et légendaire
Antisocial sur lequel tout à déjà été dit.
Cet album, quoiqu’on puisse en penser, reste donc le témoignage ardent et tenace de ces instants magiques qui unirent
Trust à son peuple, de ces moments prodigieux où la légende prit tous son sens.
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